Tout y fonctionne sur le mode œcuménique, partage des murs, composition des équipes et projets inclus, et sur la base de méthodes pédagogiques qui ne cessent d’évoluer. Le Centre œcuménique de catéchèse de Genève est toujours, en novembre 2024, ce lieu innovateur pensé au moment de sa création, il y a 40 ans.
Par cath.ch
C’est dans la Cité de Calvin, contre toute attente, abrité au sein de la Maison de la Réformation, qu’est né il y a 40 ans le premier – et toujours unique – Centre œcuménique de catéchèse de Suisse romande (COEC).
Le Centre regroupe la Pastorale des chemins de l’Église catholique à Genève, avec son service de catéchèse et du catéchuménat, ainsi que le service catéchétique de l’Église protestante de Genève. Mais il fait aussi office, pour ces deux Églises du canton, de centre de formation – à l’animation notamment – et de documentation, avec des prêts de matériel.
Une vingtaine de personnes y sont engagées par les Églises, à parité quasi égale, et sa direction affiche les deux couleurs confessionnelles. Ce 4 novembre 2024, Sébastien Baertschi, co-directeur catholique, spécialisé au départ dans la pastorale des jeunes, et France Bossuet Rutgers, co-directrice protestante du COEC et chargée de ministère, reçoivent cath.ch.
Le projet est issu de l’amitié entre le prêtre Jean-Jacques Raviglione et le pasteur Henri Nerfin, tous deux décédés depuis, et de leur vision d’unité entre catholiques et protestants, rappellent-ils. «Dans l’œcuménisme, tout commence souvent par l’amitié, note Sébastien Baertschi. Un œcuménisme des idées n’a aucune chance de devenir réalité sans relations personnelles. C’est peut-être cela d’ailleurs le christianisme. Avant de s’intéresser à savoir qui est Dieu, il faut d’abord vivre une relation avec le Seigneur.»
«Henri Nerfin s’est engagé durant tout son ministère en faveur de la connaissance mutuelle, souligne pour sa part France Bossuet Rutgers. Il voulait que chacun soit au courant de ce que l’autre pense, croit, pour ne pas en avoir peur. Après l’œcuménisme, il s’est ›attaqué’ avec cette même motivation à la laïcité pure et dure et a défendu l’enseignement du fait religieux à l’école.»
«Dans l’œcuménisme, tout commence souvent par l’amitié. Un œcuménisme des idées n’a aucune chance de devenir réalité sans relations personnelles.»
Sébastien Baertschi
Interviewé par la Tribune de Genève en 2014, à l’occasion des 30 ans du COEC, Henri Nerfin déclarait: «Encore aujourd’hui, c’est un choix d’être œcuménique, il faut donc que l’ensemble des personnes concernées se sente à l’aise avec ça, même ceux qui se situent les plus à droite. Si les fondations sont solides, la maison ne s’écroule pas.»
Ce choix, la co-direction actuelle le vit avec un enthousiasme communicatif, insistant sur l’importance de construire et de maintenir au sein de l’équipe des relations fraternelles, autour de repas et de temps de méditation partagés notamment. «Car l’œcuménisme, il faut en prendre soin», s’exclame la ministre protestante. Avant d’en parler sur l’extérieur, mieux vaut en comprendre les enjeux et le vivre soi-même, explique-t-elle, soulignant avec le sourire que, mariée à un catholique, elle l’expérimente à la maison. Et d’insister, plus sérieusement, sur la nécessité de la formation continue des permanents du COEC à ce projet de travail et de vie.
Le Centre de catéchèse de Genève, insiste-t-elle encore, est la preuve que l’œcuménisme n’est pas juste une théorie mais bien une expérience de foi. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle a décidé d’y intégrer, outre les services de catéchèse et de cheminement dans la foi, la gestion de la Prière œcuménique de Taizé à l’église du Sacré-Cœur.
Fêter les 40 ans du COEC, c’est non seulement célébrer son anniversaire, mais surtout se réjouir de la volonté des Églises catholique et protestante de Genève de promouvoir un chemin de foi commun. Peut-on trouver meilleur lieu, en effet, que la catéchèse pour développer l’éducation à l’œcuménisme?
«Nous abritons au COEC plusieurs services liés à l’accompagnement d’enfants, de jeunes ou d’adultes. Parmi ces derniers, il y a ceux qui se préparent à recevoir le baptême, des gens déjà confirmés qui veulent continuer à cheminer dans leur foi, et des parents, parrains ou grands-parents qui accompagnent les enfants en catéchèse, détaille Sébastien Baertschi. Cette catéchèse pour adultes est en plein développement.»
Le Centre forme aussi toutes les personnes engagées en catéchèse et envoyées par les paroisses catholiques et protestantes du canton. «Les paroisses n’ont pas toutes les mêmes ressources bien sûr, remarque le directeur catholique. Certaines ont des catéchètes professionnels, d’autres des bénévoles. Tout le monde n’est pas encore formé, mais nous insistons pour qu’ils le soient.»
«Il s’agit d’éviter des méconnaissances parfois graves, renchérit France Bossuet Rutgers. Il y a quelques années, j’ai rencontré une personne qui voulait être catéchète et qui ne connaissait pas la différence entre l’Ancien et le Nouveau Testaments…» Le Centre forme ainsi chaque année une vingtaine de nouveaux catéchètes catholiques ou protestants.
La porte franchie, une grande salle lumineuse attend le visiteur. Sur les rayons, des ouvrages théologiques ou bibliques côtoient des revues, des DVD, des jeux et des livres pour enfants, surplombées par des marionnettes souriantes et des figurines bibliques.
Dans une petite pièce adjacente, des boîtes d’animations Man hù attendent ceux qui voudront bien les emprunter: dedans, une marche à suivre et du matériel divers, comme des petites figurines. Les Man hù aident les animateurs à raconter le récit biblique, à le rendre accessible à leur public, qu’il soit composé d’enfants, d’ados, d’adultes ou d’une assemblée variée, comme lors de l’appel décisif des enfants ou des messes des familles. Les Man hù sont inspirés de la méthode Godly Play, mise au point par le théologien pasteur et pédagogue américain Jerome W. Berryman, sur la base des travaux de Maria Montessori.
Avec Godly Play, les enfants sont initiés à la compréhension chrétienne de Dieu dans un espace spécialement aménagé pour eux, avec des meubles à leur taille. Ils y trouvent des jeux, des figurines, des objets en lien avec la Bible. Le COEC a bien sûr aménagé dans ses locaux un tel espace, mais d’autres paroisses le font aussi, comme à Satigny ou à Thônex. «Cela permet un véritable essor de la catéchèse. Les enfants aiment beaucoup participer à des rencontres Godly Play. Ils en parlent autour d’eux et reviennent avec des copains la fois suivante», témoigne la co-directrice du Centre.
Aujourd’hui, on ne parle plus de cours de catéchèse, d’enseignement, mais de rencontres, soulignent les responsables du COEC. «On considère que l’enfant a déjà une expérience de Dieu, qu’il est en relation avec Dieu, même sans le savoir. Ce ne sont pas des vases qu’on remplit», affirme Sébastien Baertschi. C’est pourquoi on parle d’enfants théologiens.
«Les catéchètes, avec leurs récits bibliques, viennent rejoindre les enfants dans leurs expériences et les aider à mettre en lumière le lien qu’il y a entre leur vie et ces récits avec des questions ouvertes, poursuit-il. Celles-ci commencent systématiquement par un ›je me demande’. Je me demande où je me trouve dans l’histoire? Est-ce que ça parle de moi? On sait très bien que l’enfant ne se souviendra pas du récit. Mais l’important est ce qu’il a vécu de spirituel dans le partage.»
Parmi les trésors que propose en prêt le Centre, arrivent en bonne position les Kamishibaï. Ces petits théâtres en bois sont composés de deux volets s’ouvrant sur une fenêtre centrale, où l’animateur fait glisser successivement des images illustrant un récit biblique qu’il conte au fur et à mesure. «C’est très facile à animer et nouveau pour les enfants qui aiment cela. De mon expérience, ils sont moins passifs devant un Kamishibaï que devant une vidéo», affirme France Bossuet Rutgers.
Quelque soit le type d’animation choisi, les méthodes proposées par le COEC – et adoptées par de très nombreuses paroisses – commencent toujours par la présentation d’un récit biblique, suivi d’un temps de créativité et de partage de la parole puis d’une petite célébration. «La créativité est encore trop souvent confondue avec l’activité manuelle. Construire un bricolage selon un plan, avec l’aide de la maman, est-ce vraiment créatif?» interroge Sébastien Baertschi.
Pour les directeurs, le soin que les animateurs mettent à la préparation de ces rencontres porte vraiment du fruit. «Quand les enfants remarquent qu’on a fait un effort pour eux, ils donnent plus de valeur à l’animation. C’est aussi pour eux une initiation à la vie communautaire en Église», dit-il, même si une certaine déception risque de les habiter une fois qu’ils se retrouveront plongés dans la réalité ordinaire de la vie de paroisse… (cath.ch/lb)
UNE JOURNÉE DE FÊTE
Pour fêter ses 40 ans et (re)découvrir le lieu et ses équipes, anciennes et actuelles, le Centre œcuménique de catéchèse (COEC) organise samedi 9 novembre 2024, dès 11 h, une journée de fête et de rencontre dans ses locaux, à la rue du Village-Suisse 14.
Publié par cath.ch – Lucienne Bittar novembre 2024 – Images : © Lucienne Bittar