Quand un deuil survient, l’Église vous accompagne. Cette démarche ne se limite pas à l’organisation de la célébration des funérailles. Elle est un cheminement d’écoute dans la durée. Témoignage d’un prêtre genevois*
Je me suis posé la question de comment aborder le sujet délicat du deuil. La réponse est venue avec la rencontre d’un prêtre genevois. Ses paroles témoignent d’une vie riche et tournée vers l’autre. Il œuvre au quotidien. Cette rencontre fut une vraie révélation pour moi de ce que signifient des mots tels que : charité ou compassion. C’est lui qui a pris la parole en premier : « Alors, dites-moi, quelle est votre question mademoiselle ? »
Il sourit gentiment : « On ne passe pas un deuil… »
Je rougis, je n’ai déjà pas posé la bonne question pour mon interview… « Mais pas d’inquiétude, continue-t-il, vous savez toute question est bonne et je l’accueille. La vôtre est justement intéressante. On n’accompagne pas pour faire « passer » un deuil, on aide, on chemine avec la personne tout en espérant qu’un jour on pourra délicatement lui lâcher la main, petit à petit… mais vous avez raison, un deuil c’est… ». Il s’arrête, réfléchit « Tout dépend du deuil, de l’âge de la personne, du lien. Je connais une personne de plus de 100 ans. Elle a perdu des enfants et en a d’autres en vie. Son épreuve est grande. Il y a toujours la douleur. On accepte plus « facilement » qu’une personne âgée disparaisse qu’un enfant, que son enfant, et cela à n’importe quel âge. C’est une… « amputation » si j’ose dire. Je le vois quand je fais des enterrements. Quand un père de famille de 50 ans décède par exemple, même la chapelle de Saint-Georges est trop petite pour contenir le nombre de personnes touchées par ce départ prématuré.
La foi est une aide, car la vie pour celui qui a la foi ne s’arrête pas avec la mort. On se réveille de l’autre côté.
Ces personnes ont besoin d’aide. J’essaye d’écouter plus que de parler. Il faut faire confiance. Nous savons que Dieu nous aide et nous sommes convaincus qu’Il nous envoie ces personnes. Ce que nous faisons, c’est pour les personnes et pas pour nous.
Il vaut mieux s’abstenir de parler que de s’entendre parler. Il y a une amitié dans un accompagnement, plus on écoute l’autre, plus on comprend la personne. Une sorte de confiance s’installe.
Parce qu’ils savent que nous n’allons pas violer le secret qui nous est confié. On ne donne pas de réponse, on n’a pas réponse à tout. Il faut rester humble et je pense que c’est cela qui construit la confiance. Elle grandit avec l’écoute. Je me souviens d’une personne vivant un deuil qui m’a dit : « Merci, mon père, pour tout ce que vous m’avez dit. » Mais je n’avais rien dit. C’est l’écoute et l’acceptation qui guérit. Il faut aimer les personnes, avoir un regard bienveillant.
Les évangiles et Jésus parlent de compassion, c’est le mot que je préfère… C’est le maître mot. Je fais ce que j’ai à faire pour tous ceux que le Seigneur met sur mon chemin. Peut-être, que l’on aide des personnes, c’est vrai, mais il ne faut pas s’en enorgueillir.
Il y a des clins d’œil qui nous viennent du bon Dieu : il y a 3 semaines j’ai baptisé deux petites filles et leur mère me téléphone en amont et me dit, vous avez fait l’enterrement de mon père et vous baptisez mes filles, merci. L’essentiel c’est que les personnes puissent aller de l’avant.
Je dirais la prière. Il est important de prier. La prière est une joie dans notre ministère. Je prie avant chaque rencontre, souvent, devant la porte en marchant les cent pas, surtout quand je sais que la situation est critique, quand c’est un jeune qui s’en va. Avant de rencontrer les parents, je demande au Seigneur qu’il mette les paroles dans ma bouche.
*Par souci de discrétion, le prêtre a choisi de garder l’anonymat.