« Je ne savais pas où j’allais et comment, mais je devais partir ». Hamza a quitté l’Afghanistan à l’âge de 14 ans. Il est arrivé en Suisse en 2022 après un long parcours d’exil. Il a demandé l’asile. Aujourd’hui à 23 ans, le jeune homme est au bénéfice d’un permis F d’admission provisoire. Sa vie reste suspendue, mais avec le soutien de l’Aumônerie Genevoise Oecuménique auprès des Requérants d’Asile et des Réfugiés (AGORA), il a retrouvé une forme d’espoir et a pu poser les jalons pour avancer. « Ce qui a été important pour moi a été d’être entendu », témoigne-t-il.
« En Afghanistan ma vie était en danger. J’ai dû apprendre à utiliser les armes à 10 ans et un jour j’ai dû partir », raconte Hamza, sans plus de détails mais en soulignant son appartenance à l’ethnie Hazara, minoritaire. Avant d’arriver en Suisse, il a séjourné dans différents pays européens sans y obtenir l’asile et en traversant des moments de grande souffrance. « Les refus sont des expériences très dures », confie-t-il.
Il n’en dira pas plus. « Pour moi, il est très difficile de regarder en arrière, vers mon passé. J’avais perdu l’espoir, la confiance en l’humanité et en moi-même, jusqu’à me détester et je reste sensible aux drames du monde, aux violences des conflits, les injustices et les dangers. Mon expérience est difficile à partager. J’ai été maltraité par les personnes qui parlent de justice, je n’avais pas les mêmes droits que les autres ». Des souffrances qui demandent du temps pour guérir.
Arrivé à Genève, « j’étais très malade ». Il a séjourné à l’hôpital avant d’atterrir au Tattes, le Centre d’hébergement cantonal géré par l’Hospice général et où se trouvent les locaux de l’AGORA.
« Hamza était en quelque sorte notre voisin de palier. C’est un infirmier qui a fait les présentations et c’est ainsi que nous sommes entrés en contact avec lui », relate Virginie Hours, responsable catholique de l’AGORA.
« Le rapprochement s’est fait pas à pas un peu comme le renard avec le petit prince, puis l’AGORA est devenue sa deuxième maison. Il a fait la connaissance de tout le monde et rapidement a été connu de tous. Il a pris sa vie en main », poursuit l’aumônière.
Le jeune homme a pu suivre les cours de français et d’informatique proposés par l’AGORA. Il parle avec admiration et gratitude d’Albert, un professeur à la retraite et bénévole à l’AGORA, « c’était un excellent professeur », et de Virginie. A l’AGORA, « ils m’ont accompagné, entendu et écouté, la colère qui m’habitait aussi. Virginie m’a toujours aidé à regarder en avant ».
« Hamza est un jeune homme sportif et nous l’avons encouragé à suivre une formation pour être coach sportif communautaire. Il a réussi. Par ailleurs, il a fait un stage à l’AGORA auprès des enfants pour les animations du mercredi matin avec Isabelle une autre bénévole pendant deux mois. Il a bien joué le jeu de l’encadrement des enfants et a ainsi obtenu une attestation. Cet été, il a été embauché au Parc Aventure des Evaux, après avoir réussi l’entretien. J’ai été épaté par son évolution », observe Virginie.
Aujourd’hui, Hamza a trouvé une activité similaire les dimanches après- midi sur Genève. Par ailleurs, il suit des cours de psychologie comme auditeur libre à Horizon académique, une offre du Programme d’intégration cantonal destinée aux personnes relevant du domaine de l’asile.
« Je pense que je suis plus fort qu’avant », glisse-t-il en guise de bilan provisoire. Il rêve d’une vie normale mais ne sait pas encore de quoi sera fait son avenir. Il ressent néanmoins un sentiment apaisant de gratitude. « J’apprécie les associations qui, comme l’AGORA, soutiennent les personnes en difficulté, qui aident ceux qui ne savent pas écrire ou qui ne connaissent pas la langue, qui donnent la force de continuer à vivre, même dans des situations où l’on perd l’envie d’avancer, qui réallument l’espoir dans des moments très noirs. L’accueil est très important dans des contextes de difficulté ».
Pour Virginie Hours, le témoignage d’Hamza est touchant. Son parcours montre bien comment il a pu avancer dans sa vie « grâce notamment aux nombreux bénévoles qui l’ont accompagné. Pour lui comme pour nous, la rencontre est un élément fondamental. C’est un moyen de se redécouvrir soi-même et de retrouver Dieu à travers l’autre ».
La charte de l’AGORA souligne la volonté d’ « aider les requérants à mobiliser leurs propres ressources de vie et de foi (personnelles, communautaires ou culturelles) et à en découvrir de nouvelles dans l’amitié d’un regard ou d’une main tendue ».
SD&C, novembre 2024
Crédit image: ©ECR – Hamza est arrivée en Suisse après un long parcours d’exil
Virginie Hours
Responsable catholique de l'aumônerie genevoise œcuménique auprès des requérants d'asile et des réfugiés (AGORA)