En ce 4 mai 2020, si le confinement n’en n’a pas vraiment fini avec nous, de petites lueurs de retour à une vie (presque) normale s’annoncent. C’est l’occasion de continuer notre revue des films présentés dans le cadre des Rendez-vous cinéma de l’Eglise catholique romaine à Genève, IL EST UNE FOI. Avec HEIMATLAND – L’AMÈRE PATRIE, film suisse réalisé par une dizaine de réalisateurs, un gros nuage noir vient se poser au-dessus du territoire et ne bouge plus. Une oeuvre originale qui vient parfaitement illustrer le thème de cette 4è édition (mai 2018): Apocalyses.
Et si la Suisse était touchée par une catastrophe majeure? Et si le soleil ne revenait pas? Un beau matin, un nuage noir toxique, surplombe les Alpes et, au lieu de traverser le pays, stagne au-dessus de l’Helvétie. On imagine aisément le déluge d’effets spéciaux et pyrotechniques qu’aurait engendré une telle ébauche d’intrigue de l’autre côté de l’Atlantique. Rien de cela dans L’Amère Patrie, mais un climat angoissant, diffus, nourri par différents récits qui s’entremêlent, chacun attaché à des personnages propres. Un vrai film choral, réalisé par dix jeunes cinéastes de talent, venu des deux côtés de la Sarine, réunis autour d’une idée de Jan Gassman et Michael Krummenacher: si la population suisse était en danger, comment réagiraient les autorités, la population, les partis politiques? Non pas un mais dix regards penchés sur une facette inédite de la Suisse: pour une fois, la Confédération demande de l’aide aux pays qui l’entoure. Surprenant et passionnant postulat et développement que ce film de sciences-fiction qui nous interroge et résonne de façon particulièrement dans la situation que nous connaissons aujourd’hui.
En dépit de ses dix intervenants, le film possède une unité et une cohérence remarquables même si la narration n’est bien sur pas linéaire. Ce n’est donc pas un film à sketchs et c’est ce qui fait toute son originalité. Jan Gassman que nous avions reçu en compagnie d’une des réalisatrice genevois, Carmen Jaquier, pour participer au débat qui suivit la diffusion du film, précise que « sur 3 heures de films, il a fallu beaucoup couper, au nom du consentement fondé sur le principe démocratique qui a présidé à la réalisation. »
Il insiste surtout sur le fait que « c’est le désir très fort de diffuser un message politique sur lequel tous étaient d’accord qui a prévalu. » Ce message est finalement très simple et d’une grande limpidité: le modèle suisse, politique, économique et social est en danger, dans l’œil du cyclone, un grand nuage noir signe avant-coureur d’une tempête s’approche du pays. Mais comme le film ne nous donne pas à voir la catastrophe pressentie, chacun peut inventer les conséquences possibles selon son point de vue personnel.
Carmen Jaquier précise que « l’objet du film est de montrer des comportements très divers. » Le film propose en effet un bel échantillonnage d’attitudes et de réactions contrastées face à l’imminence de la catastrophe. Car, lorsque le chaos s’annonce, il y a une uniformisation des comportements, chacun adoptant le statut de victime.
Si plusieurs séquences ont été tournées dans des abris anti-atomiques, les réalisateurs ont pour autant évité de reprendre l’image de carte postale de la Suisse. Ils ont voulu mettre en scène une Suisse bien réelle, en proie à ses doutes et ses incertitudes. Bref, de donner de ce pays propre en ordre une image qui ne soit pas celle d’un cliché, d’un pays bien-pensant, où règne un bonheur tout matérialiste et qui soudain, subit les foudres d’une justice immanente.