Après plusieurs années de travail, la Conférence des évêques suisses a publié un document réalisé par la Commission de bioéthique et définissant l’attitude pastorale à adopter face à la pratique du suicide assisté. Ce texte, objet d’une conférence à la Paroisse Saint-Paul le 19 janvier dernier, laisse encore de nombreuses questions en suspens.
« Il est courageux et positif de la part de la Conférence des évêques suisses (CES) d’aborder frontalement la question de l’attitude pastorale face à la pratique du suicide assisté, car on est dans une problématique particulièrement complexe. Elle met en tension à la fois une demande de suicide, mais aussi et d’accompagnement spirituel », commente Michel Fontaine, curé modérateur de la paroisse Saint-Paul, pour introduire sa présentation. La tension est à l’origine de la demande. Il poursuit : « Il y a environ 3 ans, la CES a demandé à la Commission de bioéthique, dont je suis membre, d’examiner cette question ». Un certain nombre de délibérations ont été nécessaires avant que le texte ne soit formellement validé par la Conférence des évêques. La synthèse de ce document de trente pages faisait l’objet de la conférence du dominicain le dimanche 19 janvier dernier suite à la messe dominicale.
« L’attitude vis-à-vis d’une personne qui demande le suicide assisté est avant tout pastorale », relève le frère Michel en mentionnant le titre du rapport. « Ce n’est pas du registre moral, mais bien de notre agir chrétien, fondement de notre humanité, dont il est question lors d’une demande d’assistance au suicide », poursuit-il tout en notant que la clé de compréhension de ce texte réside dans le fait que cet agir n’abandonne jamais personne, quelle que soit la demande et la situation.
Michel Fontaine insiste aussi sur l’importance de réaffirmer la dimension positive de l’interdit.
D’une part, afin de protéger les plus faibles de notre société, et d’autre part, parce qu’il est possible selon lui de préserver une relation pastorale qui va jusqu’au seuil de cet interdit. En outre, le texte de la CES rappelle que cette problématique de l’assistance au suicide est un vrai défi d’éthique sociale et ne concerne pas uniquement le domaine du spirituel et de la foi. En effet, nous ne pouvons aborder la réalité de l’assistance au suicide sans s’interroger sur le sens à donner à la liberté, l’autonomie ou la dignité.
« Si la science essaie de répondre à juste titre à la question du comment, elle ne peut venir à bout de celles qui concernent le plus intime de notre personne. Il est difficile de donner du sens à ce qui n’en a apparemment pas, comme la fin de vie, la souffrance, la peur, l’envie de mourir et la désespérance. Tous ces aspects participent de la complexité propre au vivant qui doit être regardé non pas comme un problème à résoudre mais plutôt comme un mystère qui n’a jamais fini de s’expliquer. D’ailleurs, la dimension spirituelle souvent évacuée par nos sociétés occidentales est un des lieux privilégiés pour accompagner ce mystère », affirme Michel Fontaine.
Les milieux médicaux et de soins redécouvrent combien l’humain est complexe et qu’il n’est pas possible de répondre à certaines questions de manière binaire. Envisager la souffrance et la peur, deux facettes souvent en lien avec la fin de vie, par une « solution » médicale, signifie occulter la dimension de mystère que revêt la mort. Faire la confusion entre problème et mystère nous renvoie face à une incompréhension totale de ce qu’est l’être humain. « Ce dernier se doit d’être regardé jusqu’à son dernier souffle comme le lieu d’un mystère qui nous dépasse et nous fait grandir. Je pense que nous avons à nous interroger sur ce que veut nous dire une société qui légitime l’assistance au suicide comme réponse possible à la fin de vie, considérant la mort comme un problème qu’il faut résoudre vite et le mieux possible », avance le dominicain.
Dans cette perspective, l’humain, indépendamment du référentiel religieux, prend le pas. Une troisième voie, celle qui transcende le simple « oui » ou « non » peut être possible. « On peut à la fois être en total désaccord avec la décision prise par la personne au nom de l’Evangile et en même temps manifester une présence qui la dépasse et la transcende au nom de notre propre limite et de notre incapacité à comprendre le mystère de chacune et chacun. C’est là que s’exprime dans la foi la confiance indéfectible en la miséricorde de Dieu. C’est probablement là que l’accompagnement trouve tout son sens », conclut Michel Fontaine.
Textes et image: Myriam Bettens
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