A l’occasion de la journée internationale des femmes, le 8 mars, nous vous proposons cet article sur le dimanche des laïcs et le choix d’une paroisse de Genève de confier à certaines occasions la prédication à des femmes engagées en Eglise.
Le traditionnel Dimanche des laïcs dans les paroisses de Suisse romande a eu lieu les 4 et 5 février. À cette occasion, la CRAL (Communauté Romande de l’Apostolat des Laïcs) a encouragé les paroisses à faire témoigner des laïcs lors des messes. Faut-il restreindre cette prise de parole à ce dimanche ? Un curé genevois a élargi l’expérience au nom de la diversité des ministères et des engagements.
Plusieurs paroisses de Genève ont répondu à l’invitation de la CRAL, les 4 et 5 février dernier. C’était notamment le cas de l’Unité pastorale (UP) Arve-lac, où deux laïcs engagés dans l’UP ont pris la parole pour témoigner : Mme Catherine Riedlinger, présidente du Conseil pastoral cantonal, lors d’une messe à Meinier, et M. Daniel Kniest, psychologue et chanteur, lors d’une célébration à Collonge. Des membres du Mouvement Chrétien des Retraités, des Focolari et de Foi et Lumière se sont exprimés à St-Martin (Onex) et au Christ-Roi (Petit-Lancy). À la basilique Notre-Dame, l’abbé Pascal Desthieux, recteur, avait convié deux laïques à assurer les sept prédications : Mme Christine Pache, qui vient de publier « Dieu supplie… La brûlure dévorante de la Miséricorde incarnée », et Mme Geneviève de Simone-Cornet, journaliste à l’Écho Magazine.
« Vous êtes la lumière du monde et le sel de la Terre. C’est à la fois une identité, une mission et une responsabilité. Cette identité nous est donnée par le Christ. Tous, qui que nous soyons, nous sommes sel et nous sommes lumière », a insisté cette dernière lors de sa prédication sur l’évangile du jour (Mt 5, 13-16). « C’était une belle expérience. Cette prédication m’a demandé des heures de travail, de réflexion et de rédaction,
car je prends cela très au sérieux », a-t-elle expliqué.
Ce n’était pas la première prise de parole de Geneviève de Simone-Cornet durant une célébration eucharistique. L’abbé Jean-Claude Dunand, curé de l’UP Nyon-Terre Sainte, où elle est engagée, l’avait déjà sollicitée pour livrer un témoignage sur son travail de journaliste chrétienne lors du dimanche des laïcs 2022. « J’avais parlé trop vite et le contenu de mon témoignage était trop complexe », se souvient-elle. Cela ne l’a pas empêchée de répondre avec joie aux invitations qui ont suivi.
Sauf rares exceptions, la prédication dans le cadre de la liturgie eucharistique est réservée aux prêtres et aux diacres. Pourtant, durant l’Avent 2022, Geneviève de Simone-Cornet était l’une des quatre femmes appelées pour une prédication du dimanche à la paroisse Saint-Joseph par l’abbé Thierry Schelling, curé de Saint-Joseph et administrateur de l’UP La Seymaz. « À Saint-Joseph, l’initiative est venue du Conseil pastoral, quand à l’occasion de l’Avent 2021, nous avions souhaité donner exceptionnellement la parole à des femmes », explique l’abbé. L’initiative s’est poursuivie, notamment lors des messes des week-ends de l’Avent 2022 à Saint-Joseph et durant le carême 2022 à Chêne, Thônex et Vandoeuvres. « Nous avons invité des assistantes pastorales, des religieuses et des paroissiennes pour créer un lien entre leur ministère, leur engagement et l’Évangile. La réaction des fidèles a été globalement positive », souligne Thierry Schelling.
Geneviève de Simone-Cornet n’a pas hésité. Pour cette catholique engagée, prendre la parole est une évidence. « Je suis une catholique pratiquante et je suis nourrie par la messe et la Parole de Dieu depuis toute petite. La Parole de Dieu stimule ma réflexion. J’ai aussi terminé une formation à l’École de la prédication à Paris ».
Pour elle, « un laïc ou une laïque qui prêche exerce son sacerdoce baptismal, dimension fondamentale de sa vocation. Il ne s’agit pas de prendre la place du prêtre ni de revendiquer quoi que ce soit, mais d’occuper sa juste place dans une complémentarité bien comprise au service d’une plus grande diversité dans l’approche de la Parole de Dieu. Pour moi, c’est un appel. Mais je suis au service du texte et de la liturgie : mes prédications mettent en valeur la Parole de Dieu », confie la journaliste. Avant de partager un « rêve » : « Je voudrais que le pape, qui a élargi les ministères de l’acolytat et du lectorat aux laïcs, fasse de même pour la prédication, leur confiant un ministère spécifique ».
Virginie Hours, responsable catholique de l’Aumônerie genevoise œcuménique auprès des requérants d’asile et des réfugiés (AGORA), était l’une des autres laïques appelées par l’abbé Schelling à assurer une prédication. Et cela à plusieurs reprises. « En tant que laïque, je souhaite que les lignes bougent. Il me fallait donc tenter cette expérience. Je me suis exprimée la première fois lors de la journée des migrants, mais il s’agissait bien d’une prédication et pas d’un témoignage. J’ai pris la parole en qualité d’aumônier de l’AGORA. Je suis paroissienne de Saint-Joseph, mais j’ai aussi prêché à Chêne-Bourg. Dans la plupart des prédications que j’ai pu faire lors de messes, j’ai fait un lien avec la pastorale des migrations, donc avec mon apostolat. A d’autres occasions, il m’est arrivé de m’exprimer aussi en tant que mère, de parler de ma vie de famille, par exemple quand j’ai commenté le texte du fils prodigue ».
Comme Geneviève de Simone-Cornet, Virginie Hours « prépare soigneusement cette prise de parole. Je cherche une idée, un message que je veux partager au nom de l’Église et je fais attention à laisser parler l’Esprit Saint plus que Virginie. Quelqu’un m’a dit qu’après une prédication, Luther avait reçu des compliments et qu’il avait répondu : « Merci, le diable me l’a déjà dit ! ». Moi aussi, j’ai reçu des compliments et des félicitations et je fais attention ». Pour elle, il s’agit d’une expérience « vraiment intéressante. Le temps de la réflexion et de la recherche est précieux. En tant que femme, je pense avoir encore moins le droit de me planter ! ».
« Et pourquoi pas ? » C’est ainsi que Sœur Rossana et Sœur Giulia ont accepté à leur tour la demande de l’abbé Schelling d’une prédication durant le temps de l’Avent. « Ma première réaction – témoigne Sœur Rossana – a été la surprise, même si en vingt ans de vie religieuse, il m’est arrivé plusieurs fois de prendre la parole, surtout avec des jeunes, pour témoigner de mon cheminement de foi et de mon choix de la vie consacrée. De même, il m’est arrivé de commenter l’Évangile à la Mission italienne.
Pour la prédication à Saint-Joseph, j’étais freinée par mon niveau de français ! Mais après une brève discussion avec Sœur Giulia, nous nous sommes dit : pourquoi pas ? Il s’agissait de partager avec une communauté chrétienne ce que la Parole de Dieu dit à notre vie et puisque le père Thierry acceptait notre français maladroit, nous avons accepté avec reconnaissance et humilité de proposer une réflexion ». Sœur Rossana confie avoir préparé sa prédication dans un esprit de prière « non seulement en essayant de comprendre ce que dit le texte dans son contexte historique précis, mais en écoutant comment il interroge ma vie, mes expériences, mon histoire aujourd’hui ».
D’autres femmes, parmi lesquelles Inès Calstas, responsable de la Pastorale des Milieux ouverts, ou Anne-Claire Rivollet, responsable de la Pastorale des familles, ont répondu à l’invitation de l’abbé Schelling. Pour ce dernier, même si elles restent l’exception, les prédications confiées aux laïcs, « au nom de notre baptême commun, source de nos apostolats, et de nos ministères en interaction », sont une valeur ajoutée. « Jusqu’à présent, nous avons été très contents de la variété des prédications. Il y en aura d’autres. Elles pourraient inclure aussi des hommes laïcs. Il s’agit de promouvoir la diversité », explique l’abbé.
Article sur la prédication des femmes et le dimanche des laïcs paru dans le Courrier pastoral de mars 2023