L’artiste Stromae a l’art de surprendre par la dichotomie entre sa musique aux accents pop et les paroles, qu’il compose et chante. Il relève en effet des réalités humaines difficiles, jeux de mots et rimes à l’appui, sur un rythme allant et définitivement dansant.
Le tube n’est pas nouveau, cependant voilà qu’une fois de plus, j’écoute les paroles émanant de ma radio et suis bouleversée de toutes les situations et personnes évoquées par le titre « Santé ».
Démarrant par une sorte de chassé-croisé entre le monde de la nuit dont profitent les noceurs et les personnes qui y travaillent – au service, au vestiaire…, le chanteur nous emmène ensuite visiter les employés de nettoyage et de la vente au bar, énonçant certaines réactions hautaines auxquels ils doivent faire face. À chaque fois est scandé le refrain « Célébrons ceux qui ne célèbrent pas, j’aimerais lever mon verre à ceux qui n’en ont pas ». Dans la suite de la chanson, il étend encore l’énumération aux professions aux horaires irréguliers et de nuit, et à ceux qui ne peuvent, pour diverses raisons, dormir la nuit, et n’ont donc « pas le cœur aux célébrations ».
Que l’on apprécie ou non cette musique, là n’est pas la question. Je salue le courage de l’artiste, qu’on a souvent comparé à Jacques Brel – d’ailleurs lui aussi belge, d’oser des paroles vraies, de dépeindre les travers de notre société, et ce à contre-courant des couplets faciles si souvent dans nos oreilles – celles de la génération X et suivantes en tout cas.
C’est sans doute le son innovant de sa musique qui marque son succès à large échelle. Certaines personnes se déhanchant en boîte de nuit sur son rythme enjoué n’en écouteront peut-être jamais les paroles. Qu’importe, certains le feront, et réfléchiront peut-être à la manière dont ils abordent le personnel, et quelle reconnaissance ils leur offrent. Stromae joue sa part dans l’avènement d’un monde meilleur. Cela force mon admiration et m’élance en action de grâce face au Seigneur qui donne soif de justice et les charismes pour y travailler. Oui, heureux les assoiffés de justice, car ils seront rassasiés (Mt 5, 6) !
Si certains ressentent cette musique comme déprimante, je les invite à visionner le clip vidéo l’accompagnant : par la danse, le mouvement qui libère tensions et énergie, le rire aussi, Stromae nous invite à dépasser la difficulté et à se réjouir des petits plaisirs de la vie – de la musique notamment, et à s’ancrer dans l’espérance. Quant à moi, je me réjouis que « nos célébrations » permettent toujours un temps pour prier pour le monde – grâce aux prières universelles notamment, et formule un souhait de prendre plus souvent dans ma prière personnelle ces situations difficiles toutes proches de mon quotidien.
Avec l’artiste, je lève mon verre (tisane d’allaitement dans mon cas !) à vous toutes et tous, et à ceux qui en sont privés. Par la prière, et en passant par la musique et la danse aussi, à votre santé !
Fabienne Gigon
Représentante de l’évêque pour la Région diocésaine de Genève
Mars 2023
Crédit image: Godong
Fabienne Gigon
Représentante de l'évêque à Genève