« Vous êtes le genre de personne qui… ».
Souvent assassines, ces paroles comportent presque toujours un jugement stigmatisant, à l’emporte-pièce, vous réduisant à une action, un choix parmi la multiplicité que la vie vous demande d’effectuer au quotidien. Vous êtes donc devenu en l’espace d’un instant, dans le regard d’un autre, le genre de parent qui…, le genre de jeune qui…, le genre de croyant qui…, le genre de pratiquant qui… fait mal, faux, perturbe, divise, etc.
Bien sûr, l’être humain a besoin de catégories pour penser, pourtant le fait qu’une étiquette vous soit personnellement apposée équivaut en quelque sorte à une attaque personnelle : l’anathème est prononcé.
Ce qu’il y a de terrible dans cette sentence, c’est son caractère entier et définitif. Si le chrétien est invité à aiguiser son jugement, est-ce pour mettre à terre son interlocuteur ? Certes le Christ n’est pas toujours tendre, notamment lorsqu’il s’adresse à des groupes de pharisiens. Ses paroles provoquent alors un ensemble qu’il invite à réfléchir, sans pour autant qu’un individu soit pris à partie. Les interpellations unilatérales, elles, se vivent dans le cadre d’une relation de confiance, ce qui change la donne.
Alors que juin ouvre la période liturgique du temps ordinaire, pourquoi ne pas profiter des prochains mois pour questionner notre rapport au jugement d’autrui, notre façon de le communiquer ou de le dialoguer, ou encore de le taire (et alors pourquoi) ? Quelle est notre ouverture à écouter celle, celui qui n’est pas de notre opinion, de notre sensibilité, et encore plus quand celle-ci touche à notre foi et à notre conception de l’ecclésialité ?
En Église, par nos jugements, nous pouvons être très blessants et malveillants les uns avec les autres, fermés au dialogue alors que nous confessons un Dieu Parole (Logos), et beaucoup d’énergie est alors dépensée dans le vide, là où l’on pourrait la mettre en œuvre pour le travail d’écoute mutuelle, d’entre-connaissance, de partage et d’unité que le Christ nous invite avec insistance à mener (Jn 17, 21).
Bien sûr, juin ouvre également la saison estivale : qu’elle vous soit douce et ressourçante !
Fabienne Gigon
Représentante de l’évêque pour la Région diocésaine Genève
Eglise catholique romaine
Juin 2023
Crédit image: Photo de Ethan Robertson sur Unsplash
Fabienne Gigon
Représentante de l'évêque à Genève