Le mot Carême vient du latin Quadragesima (dies) « Quarantième jour » (avant Pâques). Il rappelle les 40 jours que Jésus a passés au désert. C’est un temps de jeûne, de prière et de conversion. Aussi, une invitation à emprunter le chemin de la sobriété heureuse, explique Frédéric Métral, chargé de projet EcoEglise pour l’Eglise catholique romaine-Genève.
J’aime cette période de Carême. Elle vient bousculer notre quotidien ou plutôt s’immiscer dans ce quotidien, en apportant quelques préoccupations ou modifications qui orientent notre regard.
Je trouve ce temps, qui nous emmène vers Pâques, particulièrement riche du chemin qu’il nous invite à faire.
Je repense aux siècles durant lesquels les greniers commençaient à se vider durant cette période et la nature n’avait pas encore redémarré pour fournir la nourriture nécessaire. Le chemin de foi accompagnait la réalité, aidait les croyants à donner un sens nouveau et à assumer cette période de restriction en la choisissant autant qu’en la subissant. Chacun avec sa culture, privilégiant le sacrifice ou la pénitence, l’humilité ou l’effort, par tradition ou chemin personnel, traversait ce temps particulier.
Le 21ème siècle nous emmène dans des préoccupations nouvelles, dans des manières inédites de penser et de vivre. Le mouvement totalement laïque ou «tendance» du «Dry January» qui préconise de se passer d’alcool ou de sucre après les excès des fêtes de fin d’année, emprunte à la fois au Carême et à la sobriété heureuse, sans y donner du sens. Simplement, ses adeptes sentent le besoin se libérer du poids d’un «trop» qui encombre, une soif de plus de légèreté, de prendre soin de sa santé.
Le mouvement vers la sobriété heureuse va plus loin. Il entend apporter des solutions aux problématiques de notre temps par une volonté de se libérer de notre tendance au consumérisme et une modification des rapports sociétaux ; non pas par une approche catastrophiste, mais en développant un regard bienveillant sur la nature dans laquelle nous vivons et un chemin de libération de nos entraves psychologiques et sociales. Vivre avec moins, peut ainsi être un chemin de croissance personnelle et spirituelle autant qu’un chemin de respect pour l’environnement.
Ce chemin humaniste est totalement en phase avec le message du Pape François qui nous invite à prendre soin de la création. S’engager dans la simplicité, le partage et la solidarité, ce n’est pas seulement un chemin de développement personnel, mais une responsabilité que nous ne pouvons plus éluder.
Durant cette période de Carême, je vous invite, comme l’a dit le Patriarche Bartholomé (repris par le Pape François dans Laudato si), à passer de la consommation au sacrifice, de l’avidité à la générosité, du gaspillage à la capacité de partager, d’apprendre à donner et non simplement à renoncer. A chacun donc de trouver les manières très concrètes pour traverser cette période de carême en portant son attention sur sa manière de consommer, de partager et de garder son regard ouvert sur la vie qui l’entoure.
Frédéric Métral, paru dans le Courrier pastoral n°3 mars 2022