Première depuis le XVIe siècle, une messe a été célébrée à la cathédrale Saint-Pierre de Genève, le 5 mars 2022. La cérémonie présidée par l’abbé Pascal Desthieux, vicaire épiscopal de Genève, a été suivie par 1’500 fidèles. La communauté catholique a demandé pardon pour les manquements à l’unité des chrétiens au cours d’une célébration marquée par une prière fervente pour l’Ukraine.
Bernard Litzler, pour cath.ch
«Les temps sont mûrs pour proposer une messe à la cathédrale de Genève» : ces mots du pasteur Emmanuel Rolland ont produit ce qui a longtemps paru inimaginable dans la cité de Calvin, une messe à la cathédrale Saint-Pierre. Ils ont été rapportés par l’abbé Pascal Desthieux, vicaire épiscopal de Genève, dans son sermon au cours de la première messe célébrée depuis le XVIe siècle à Saint-Pierre. Une cérémonie initialement prévue en 2020 déjà et que la pandémie de coronavirus a obligé à reporter à deux reprises.
Daniel Pilly, au nom du conseil de la paroisse protestante de Saint-Pierre, a cordialement accueilli les catholiques, mettant en exergue la «forte portée symbolique» de l’événement. Environ 1’500 personnes, représentatifs de toutes les composantes du catholicisme local, ont suivi la messe du premier dimanche de carême. Une demi-heure avant le début de la cérémonie, la nef de la cathédrale était déjà remplie. A 18h, le vénérable édifice était plein comme un œuf pour l’eucharistie, concélébrée par une quinzaine de prêtres du canton et quatre diacres.
Le «geste significatif» d’une messe à St-Pierre, selon les termes de Daniel Pilly, valorise «la fructueuse collaboration œcuménique» entre réformés et catholiques romains dans le canton.
Dès le début de la cérémonie, l’abbé Desthieux a appelé à un moment de prière silencieuse pour l’Ukraine. La présence, parmi les concélébrants, du prêtre ukrainien Sviatoslav Horetskyi, de l’éparchie gréco-catholique urkrainienne, a incarné cette tragique actualité.
Pascal Desthieux a indiqué combien l’invitation adressée par la communauté protestante touchait profondément les catholiques de Genève. «C’est magnifique que la cathédrale, l’église mère de notre canton, puisse devenir encore un peu plus ce soir l’église de tous les chrétiens». Et d’ajouter, avec humour: «Si j’étais à votre place, je ferais exactement la même chose».
«Votre invitation a beaucoup de signification pour nous et a suscité un immense enthousiasme. Merci pour la confiance que vous nous faites en nous invitant chez vous».
Le vicaire épiscopal a demandé pardon pour les «fautes contre l’unité», les actes de moquerie, de caricature ou de défiance à l’égard de la communauté réformée. La présence dans l’assemblée de représentants de la Genève protestante a montré la vitalité des relations œcuméniques dans le canton. «On n’a pas fusionné nos deux Églises», a rappelé le vicaire épiscopal dans sa prédication, soulignant combien la situation avait bien évolué depuis le temps «où les deux Églises se regardaient avec suspicion».
Il a également redit la volonté de «nous enrichir mutuellement de nos différences» alors que le dialogue œcuménique semble parfois à l’arrêt. Pour preuves, les multiples collaborations entre Eglises de Genève – réformés, catholiques-romains et catholiques-chrétiens – à travers les services d’aumôneries, les célébrations œcuméniques, les conférences de carême.
L’abbé Desthieux a également salué ceux «qui vivent l’œcuménisme au plus intime», les couples mixtes, nombreux dans le canton. En référence à l’évangile du jour, Jésus tenté par Satan au désert, il a appelé à «résister aux forces de division dans notre vie entre nous et entre nous chrétiens».
Le rapprochement entre les deux principales confessions chrétiennes a été marqué par l’imposition des cendres entre le pasteur Rolland et l’abbé Desthieux. Ce geste de pénitence typique de la tradition catholique a d’abord été expliqué, puis proposé à toute l’assemblée. La Prière universelle a ensuite souligné le caractère varié et multilingue de la Genève internationale: sept religieuses de diverses congrégations ont prié pour l’Eglise et pour le monde.
Un hommage discret a été rendu, pendant la messe, à deux prêtres genevois: le Père Jean-Daniel Balet et l’abbé Marc Passera. Le premier, dominicain, disparu en 2013, a composé le Kyrie, le Sanctus et l’Agnus Dei interprétés par les choristes. Le second, curé de la paroisse Saint-Joseph, est décédé subitement en 2020 : il aurait dû prêcher lors de la première messe à la cathédrale agendée il y a deux ans.
Environ 200 choristes venus de tout le canton été embelli la cérémonie, sous la direction de Philippe Fosserat et l’accompagnement de Christophe Allaz à l’orgue. Et les ressources musicales locales sont multiples, comme en ont témoigné, par la voix et les instruments, de plus petits ensembles : le chœur de Saint-Joseph et Notre-Dame, la maîtrise des enfants et chœur mixte de Sainte-Thérèse et la réunion des chorales africaines.
Sur le parvis de la cathédrale, le «tout-Genève» catholique a encore pu échanger longuement, à l’issue de la célébration. La nuit était déjà tombée, après 1h45 d’une célébration qui va «s’inscrire dans le livre de l’histoire de l’œcuménisme», a lancé l’abbé Desthieux avant de donner la bénédiction et de remercier à nouveau la communauté protestante. «Et vous pourrez dire : nous y étions !».
L’actuel vicaire épiscopal quittera bientôt son bureau de la rue des Granges à Genève, Mgr Morerod annonçant bientôt la nomination d’un ou d’une laïque comme représentant de l’évêque pour le canton. Le catholicisme genevois va ainsi poursuivre sa marche. En ce 5 mars 2022, l’édifice de l’œcuménisme y a ajouté une nouvelle pierre.
(cath.ch/bl) –
Images: messe à la cathédrale Saint-Pierre © Bernard Hallet – 5 mars 2022
1535-2022 : tout différent
La première messe du XXIe siècle à Saint-Pierre s’est terminée tout autrement que celle vécue en 1535. Les historiens rapportent que le dernier service catholique à la cathédrale avait fini en émeute, des fidèles chassant les prêtres et jetant après eux les statues et objets considérés comme idolâtres. Les autorités avaient alors suspendu provisoirement la célébration de la messe
La cathédrale Saint-Pierre de Genève
Bien que passées à la Réforme protestante en 1536, St-Pierre de Genève et Notre-Dame de Lausanne ont conservé leur dénomination de cathédrale c’est-à-dire d’église où se trouve le siège de l’évêque (cathèdre). Même si les évêques ayant fui les deux villes s’établirent ensuite à Annecy pour l’évêque de Genève et à Besançon puis à Fribourg pour l’évêque de Lausanne. En 1821 le diocèse de Genève fut réuni à celui de Lausanne dont l’évêque résidait à Fribourg depuis le XVIIe siècle. Et ce n’est qu’en 1924 que le diocèse reçut sa dénomination actuelle de Lausanne, Genève et Fribourg.