Mon ami le pasteur Emmanuel Rolland m’a offert pour Noël une « perle », le dernier opuscule de sa collègue Francine Carrillo, Rahab, la spacieuse (Éd. Ouverture, 2020).
Une page m’a particulièrement touché. J’aimerais vous la partager.
L’auteure fait parler Rahab, la femme audacieuse, qui accueille et cache les deux espions hébreux venus préparer l’assaut contre les Cananéens (Josué 2) :
« Je devrais trembler devant vous, vous êtes nos ennemis, ç’en est bientôt fait de notre peuple. Je devrais avoir peur pour moi et les miens et pourtant rien ne vient. Ou plutôt si. Comme une irrépressible confiance qui déborde de la méfiance, l’intuition qu’à travers la dureté de ce qui nous attend, ce sont nos propres murailles qui doivent tomber car c’est nous qui sommes enfermés.
Ce que vous portez, je le pressens, n’est rien que vous possédiez. C’est juste un NOM, rien d’encombrant, qui vient du lointain et que vous avez reçu pour le passer plus loin. Si je l’écoute raisonner dans ma chair, il ne désigne pas un Être, mais un appel d’être, un appel à être, à recommencer d’être chaque matin, hors les certitudes, hors les habitudes.
Ce que vous nous apportez, c’est un Souffle, à la fois tendresse et rigueur. Tendresse pour nous envelopper et rigueur pour nous faire bouger. Rien d’une consolation facile, rien d’une magie qui effacerait nos mauvais pas. Juste une brise pour raffermir notre cœur et le rappeler à sa tâche de battre encore. Juste un fin silence qui signale l’effleurement d’une présence.
Ce trésor est immense, je commence à peine à l’entrevoir. Il peut nous sauver de l’enfermement, nous guérir de nos aveuglements, nous emmener vers le printemps. Il signe la promesse que vivre est un mouvement, un infini commencement, un étonnement que le malheur lui-même ne parvient pas à épuiser. Il annonce que ce qui est devant est toujours plus grand que ce qui est derrière. Que le passé peut toujours être revisité pour libérer ce qui est enkysté. Que nous sommes tous des êtres fréquentables, quelles que soient nos particularités, puisque nous abritons tous une racine aimable: cette unique Origine que nous avons tous en partage. »
En ces temps de changements, ces paroles sont vigorifiantes. Qu’elles nous invitent, à la suite de Rahab, la spacieuse, à élargir nos perceptions, avec confiance.