La revue choisir consacre son 700e numéro, d’été 2021, à la littérature et au bruit.
La littérature est un plaisir. Elle est aussi un business. Et en temps de confinement, « les éditeurs croulent sous les manuscrits », relève dans son éditorial le directeur de choisir, revue culturelle des jésuites, Pierre Emonet.
« La littérature a permis aux uns d’échapper à l’enfermement, et à d’autres de se donner l’impression d’exister dans le désert social de la pandémie. » Une bonne chose, sans aucun doute. Faisant écho à l’article de Jérôme Meizoz À l’ère du « capitalisme artiste », il note pourtant : « Toute écriture n’engendre pas nécessairement une œuvre littéraire. Les écharpes rouges qui proclament le nombre d’exemplaires vendus ou les coups de cœur de notre libraire ne consacrent pas nécessairement un monument plus durable que l’airain. » Et l’écrivain valaisan cité plus haut de s’interroger : « La vie littéraire est surdéterminée par les exigences commerciales et médiatiques (…) le nom d’auteur glisse vers le statut de marque commerciale et les médias cherchent à montrer les écrivains en personne, en privilégiant les belles gueules. Qu’en résulte-t-il pour les autrices et les auteurs ? »
Reste heureusement la face souriante de la littérature. Celle qui offre du rêve, des pulsions de vies, des récits fantastiques et nourrissants. « La littérature permet d’écouter et de regarder les autres, de cheminer avec ses vivants et ses morts, en se rendant disponible aux rencontres et aux surprises (…) et de découvrir ou rendre à nouveau perceptible, sensible, cette vie intérieure qui m’habite » (Pascal Sevez). Si Gérard Joulié se désespère que nous « vivions aujourd’hui l’époque la plus anti-poétique que le monde ait connue », Martin Rueff rappelle que les mots sauvent des vies, notamment dans les prisons où il a enseigné la littérature.
La littérature est aussi un incroyable vivier pour les scénarii de films (Patrick Bittar). Et ce n’est pas le dramaturge, réalisateur et essayiste suisse Milo Rau, qui a décroché pour Le Nouvel Évangile la mention de meilleur documentaire au Prix du Cinéma suisse 2021 – une adaptation intelligente et engagée de la Passion du Christ dans notre société contemporaine (Lucienne Bittar) – qui dira le contraire. Ni Vera Michlaski-Hoffmann, qui parle avec passion des résidences mises à dispositions des écrivains à Montricher par la Fondation Jan Michalski dont elle est la fondatrice et la présidente (Céline Fossati). Quant aux rêves qui émanent des récits, le dessinateur Denis Kormann en fait une éclairante démonstration dans notre portfolio.
Pour son second dossier, choisir a décidé de faire du bruit, ou du moins de parler du vacarme qui colonise le monde du vivant. « De plus en plus d’études tendent à montrer que le bruit affecte non seulement la vie des humaines mais aussi celles des animaux. Cette gêne ne concerne pas seulement quelques espèces sensibles ou des écosystèmes » mais a des conséquences sur la majorité des animaux étudiés, « allant des amphibiens aux oiseaux, en passant par les mollusques, les arthropodes, les reptiles, les poissons et les mammifères » (Chloé Laubu). « Si la douleur et l’inconfort sont partout identiques dès que l’on franchit le seuil de la pollution sonore, chaque pays n’en dresse pas moins sa propre cartographie du bruit », rappelle Annick Chevillot qui prend pour exemple le Japon.
Heureusement, la musique est là pour adoucir les mœurs. Même si elle aussi se fait parfois bruit (Vincent Arlettaz), comme sous l’égide des percussions. Un bruit musical ! Et si la principale différence entre le son et le bruit tient au fait que le premier est une vibration régulière et stable dans le temps au contraire du second, certains compositeurs se jouent des ondes pour nous transporter dans leur monde, à l’image de Xavier Dayer interrogé par Charles Sigel sur son œuvre Depuis que le silence…
À ne pas manquer enfin, deux articles Culture sur l’engagement des artistes parfaisant la revue de cet été : l’un sur le peintre Adrian Ghenie et son regard contemporain sur le passé (Geneviève Nevejan) et le second sur les artistes vigies et lanceurs d’alertes (Gérald Morin). Bonne lecture !
Céline Fossati, choisir
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Image: couverture de la revue choisir