Empreint de cette volonté de continuer à interroger les croyances et interpeller les Eglises, l’Atelier œcuménique de théologie (AOT) a organisé une conférence, le 22 juin dernier à la Faculté de Théologie de Genève, sur la « spiritualité œcuménique du compagnonnage. » L’apport de François-Xavier Amherdt n’a pas manqué de lancer le débat sur les verrouillages qui subsistent encore au sein de l’Eglise aujourd’hui.
« J’ai fait le choix de relever ce que vos propos peuvent amener à l’Atelier œcuménique de théologie en nous confortant dans des intuitions pour le futur, tout en ouvrant de nouvelles pistes », affirme Anne Deshusses-Raemy, co-directrice catholique de l’AOT, à l’adresse de François-Xavier Amherdt. Ce dernier était l’orateur de la seconde conférence donnée en l’honneur du cinquantenaire de l’AOT, ce 22 juin dernier. Un titre « à la fois suggestif et énigmatique », comme le relève Blaise Menu, homologue protestant d’Anne Deshusses-Raemy.
Le prêtre sédunois, n’a pas manqué de « dribbler avec les mots » et d’émailler son intervention de nombreux traits d’humour qui n’ont pas manqué de faire sourire l’auditoire rassemblé pour l’occasion.
A partir de la rencontre de Philippe et l’eunuque éthiopien, située en Acte 8, François-Xavier Amherdt a mis en exergue la nécessité de l’accompagnement personnalisé porté par le souffle de l’Esprit, meilleure manière de déployer la grâce déjà en germes dans « cette humanité capable de Dieu ». Il va plus loin en rappelant que le mot « compagnon » vient des locutions latines cum et panis, signifiant littéralement « ensemble » et « pain ». Les compagnons sont, de fait, ceux qui cheminent pour partager le pain
Le compagnonnage est donc par essence bien plus exigeant qu’un simple accompagnement. Il implique un nécessaire déplacement de focale : en passant d’un christianisme qui ne fait que répondre aux besoins et s’apparente plus à un simple bien de consommation à un christianisme de participation, voire même dans un second temps de conversion. A l’image de ce qui s’est produit en Philippe suite à la rencontre avec l’eunuque. Est-il temps que le christianisme se convertisse ?
« Cette diaconie touche toutes les dimensions de la pastorale, conduit à la foi et suscite les paroles et les actions adéquates pour révéler la grâce déjà à l’œuvre », indique François-Xavier Amherdt. Pour ce faire, il relève l’importance de savoir « déceler les quêtes de sens exprimées derrière les questions immédiates » tout en sachant mettre « en place les conditions de possibilités ». En d’autres termes, de développer cette capacité à « traduire l’annonce de l’Evangile sans omettre les souffrances et la mort ».
L’enseignant de théologie pratique à l’Université de Fribourg admet volontiers qu’il y a là une vraie prise de risques, mais préférable à celle de se « recroqueviller sur nos sécurités ». Il sous entendait également le fait de ne pas mettre « constamment des obstacles [à la grâce, ndlr.] », ni « encombrer les catéchistes par nos étroitesses de foi », ce qui n’a pas manqué de faire réagir les auditeurs de la conférence.
« Alors que fait-on ? Devons-nous mettre le feu au droit canon », s’interroge une participante en pointant les nombreux obstacles qui jalonnent encore la vie des catholiques. Elle relevait notamment la question des divorcés-remariés ou encore l’interdiction de se marier à l’Eglise pour les non-confirmés.
« Nous profitons du chemin synodal qui est entamé pour reposer ces questions, puisque le pape lui-même nous y invite », estime François-Xavier Amherdt. Il poursuit : « Ceux qui se réfugient dans une affirmation identitaire néo-conservatrice ne correspondent pas à cet élan des Actes et la démarche synodale existe afin de mettre en place les conditions favorables pour que des avancées soient possibles dans le respect des personnes et le dialogue ».
Blaise Menu le relance alors sur les résistances qui s’expriment au sein de la curie romaine. « Je pense que cela préfigure un nécessaire Vatican III », déclare l’orateur avant de reprendre après une courte pause. « Avec la crise que nous avons vécue, il est maintenant fondamental de traduire [les enseignements de cette crise, ndlr.] aussi juridiquement, afin que cette bruyante petite minorité ne continue pas de donner l’impression que tout est cadenassé ».
Myriam Bettens, juin 2023
La foi en héritages ?
« Chacune et chacun d’entre nous vient de quelque part : une famille, un lieu, une culture, une tradition, une religion, un milieu social… que nous portons, selon notre histoire, comme un poids lourd ou comme un étendard. C’est ce « quelque part » que nous nommons « héritages ». Il arrive qu’il soit, non pas unique ou unifié, mais multiple, croisé, entrelacé. »
Depuis 50 ans, l’Atelier œcuménique de théologie (AOT) interroge les opinions tranchées et jugeantes, bouscule et se donne pour mission de faire bouger les lignes. Ne souhaitant pas s’arrêter en si bon chemin, l’AOT lance en septembre prochain sa 26e volée sur la thématique des héritages afin de Confronter les points de vue et rivaliser d’estime mutuelle.
Les inscriptions sont ouvertes jusqu’au 15 septembre prochain !
Plus de renseignements : aotge.ch
Crédit image: ©Mathias Deshusses AOT