« Aujourd’hui, j’ai compris que vivre la foi dans mon coin, sans une communauté, ce n’est pas complet ». Louis a reçu la confirmation, l’un des trois sacrements de l’initiation chrétienne, le 20 mai dernier, à l’âge de 38 ans, de longues années après avoir renoncé à la recevoir lors de son adolescence. Le sens de cette démarche, longuement remise à plus tard, s’éclaire au fil de son récit et prend la forme d’une prise de conscience.
Né à Genève, Louis est issu d’une famille mosaïque : un père catholique d’origine libano-palestinienne et une mère musulmane d’origine iranienne et allemande, fille d’un père protestant. Il a été baptisé catholique et a reçu une éducation chrétienne. « J’ai suivi le parcours classique de catéchèse jusqu’à la première communion : bien que musulmane, ma mère nous accompagnait toujours à la messe », se souvient-il.
Pourtant, « comme beaucoup d’autres, à l’adolescence j’ai arrêté le catéchisme. Je trouvais le contenu des rencontres trop abstrait, ça ne m’intéressait pas et je n’avais pas de véritable motivation ». Le sacrement de la confirmation, proposé au terme du parcours « n’était pas parmi mes priorités » à cet âge-là. Et il ne le sera pas durant longtemps : presque trois décennies se sont ainsi écoulées entre sa première communion, autour des 10 ans, et sa confirmation à 38 ans. Pourquoi si longtemps ?
Resté croyant, Louis considère cette période comme une « très longue pause » dans son parcours, un temps d’arrêt sur un chemin qu’il n’a jamais vraiment quitté, comme si la perspective de cheminer vers le sacrement de la confirmation était restée en veilleuse, présente mais presque imperceptible, alors que la vie poursuivait son cours. Louis a continué à aller à la messe, « bien que de façon sporadique », et gardé un intérêt pour la religion.
Devenu négociant de matières premières, après des études en gestion d’entreprise, il évoque une évolution de son rapport à la religion en plusieurs phases.
« Jeune adulte, je me suis intéressé à d’autres confessions chrétiennes, avec des lectures pour mieux connaître Calvin ou les orthodoxes, ainsi qu’à d’autres religions, avec des visites des communautés présentes à Genève, sans pour autant qu’il ne remette en question sa « fidélité au christianisme », mais en gardant un certain détachement.
Au fil des ans, plusieurs épisodes ont remis en question cette distance et lui ont permis de ressentir une grande proximité à la foi.
La lecture du Sermon sur la montagne, dans le contexte d’un cours universitaire d’histoire des Etats-Unis, en est un bon exemple. Le message de ce texte « m’a marqué pour toujours », en particulier le verset suivant : « Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée ».
Plus tard, alors qu’il étudiait à Saint-Gall, dans une ville où « je ne connaissais personne, je me suis senti chez moi en entrant dans une église et en allant à la messe ».
Ces expériences restent toutefois sans suite dans l’immédiat. L’entrée dans le monde du travail marque une nouvelle période de détachement. La « contrainte » du bureau, passer des heures devant un écran, les nouvelles responsabilités, « tout cela a eu d’abord un impact négatif sur mon parcours de vie chrétienne. Il m’a fallu plusieurs années pour retrouver mes repères », raconte Louis.
Louis se marie en 2016. Sa femme est catholique et les deux futurs conjoints participent aux rencontres de préparation au mariage proposées par la paroisse anglophone de Saint-Nicolas-de-Flue. Ces moments de partage, encouragent Louis à se replonger dans la religion, mais il ne franchit pas le pas et il se marie « sans avoir au préalable été confirmé », une dérogation à la norme. Il s’engage tacitement à recevoir le sacrement plus tard.
L’heure semble venue. Après un séjour en Allemagne, il est déterminé à demander le sacrement, mais le temps passe. « Une fois de plus, j’ai procrastiné. J’étais plongé dans le travail et sans vraiment me l’expliquer je n’y arrivais pas. Par paresse ? Par manque de clarté ? Je crois que j’attendais un appel sincère ».
Ce temps de réflexion supplémentaire « m’a permis de mieux comprendre la différence entre un simple formulaire que l’on remplit pour être en règle et un sacrement que l’on reçoit animé par une volonté sincère. Ce contexte a aussi mis en lumière l’élément de liberté que je perçois dans la foi chrétienne, qui ne peut pas être imposée », analyse Louis.
Un jour c’est enfin le déclic. « J’ai senti profondément le besoin d’être cohérent et de m’engager dans ma foi. J’ai donc frappé à la porte de la paroisse du Petit-Saconnex, celle de mon quartier, et j’ai rencontré le curé pour lui faire part de ma volonté de recevoir le sacrement de la confirmation. Il m’a demandé de mettre par écrit ma motivation et à partir de là, tout s’est enchaîné ». Après un premier un entretien, il intègre le parcours pour les catéchumènes adultes de la Pastorale des chemins de l’Eglise catholique romaine.
Un parcours de rencontres mensuelles « bien encadrées » et « extrêmement intéressantes », souligne Louis.
Avec des apports par l’équipe d’accompagnants, des échanges en groupe et des célébrations, la préparation est jalonnée par plusieurs étapes et réunit des adultes d’origines et d’âges différents, en chemin pour recevoir le baptême, la communion ou la confirmation.
« J’ai vraiment aimé décortiquer les pages de la Bible, les interroger avec les autres. C’est passionnant. Ces textes ont beaucoup de choses à dire, rien à voir avec les livres colorés du catéchisme de mon enfance ! J’ai été très positivement surpris par la qualité des apports et des échanges ».
Au fil des rencontres, le parcours « m’a aidé à comprendre la religion sous un autre angle et à en apercevoir, dans les relations avec les autres, une dimension différente. Cette expérience m’a amené à ressentir que vivre la religion dans mon coin n’est pas complet. J’ai senti que j’avais besoin de me rapprocher de l’Eglise et de faire partie d’une communauté », confie Louis.
« Recevoir le sacrement de la confirmation a signifié pour moi une entrée dans l’Église avec une responsabilité agrandie » et la solennité de la célébration avec l’évêque a souligné cet aspect. Un moment fort, partagé dans « la joie, avec les autres, les amis, la famille, ma marraine et mon parrain ». Un parrain dont il ne savait pas tout !
« J’avais demandé à un ami de longue date s’il était d’accord d’être mon parrain de confirmation, mais je ne savais pas s’il était confirmé. Ma demande a ouvert une discussion sur la foi et je me suis rendu compte que nous n’avions jamais parlé de religion ensemble tout en étant proches. Je crois que nous les chrétiens avons tendance à vivre notre religion avec trop de pudeur alors que j’ai des amis musulmans ou juifs qui le font d’une façon beaucoup plus affirmée. En abordant le sujet avec mon futur parrain, j’ai presque l’impression d’avoir cassé un tabou et aujourd’hui je peux aller à la messe avec un ami ! », se réjouit Louis.
Pour cet homme, récemment devenu père, la confirmation « a remis le moteur en marche ». Aujourd’hui, il aimerait beaucoup poursuivre ce chemin, si possible avec des groupes pour lire et comprendre ensemble les textes bibliques.
SD&C, août 2024
Image: Messe de la Confirmation des adultes de plusieurs paroisses et du groupe cantonal, célébrée par Mgr Morerod – 20 mai 2024 – église Saint-Nicolas-de-la-Flue (Montbrillant) -© ECR