En dépit des scandales qui frappent l’Église et de la sécularisation galopante de nos sociétés des jeunes et des adultes décident de suivre le Christ. De plus en plus nombreux, ils frappent à la porte de l’Église pour demander le baptême ou la confirmation.
De quelques personnes par an, le nombre d’adolescents qui demande le baptême est passé à plus de 20 en 2022 et dépassait les 40 l’année dernière. Qui sont-ils ? Comment l’Église accueille-t-elle ces jeunes ? Comment expliquer cette croissance alors que la transmission de la foi en famille semble faiblir ? Fabienne Veil a mené l’enquête. Auxiliaire pastorale de l’Église catholique romaine à Genève, elle a la charge de la catéchèse dans l’Unité pastorale Nations-Saint-Jean (qui réunit les paroisses St-Antoine de Padoue, Ste-Jeanne de Chantal, St-Hippolyte et St-Nicolas de Flüe). Fabienne Veil vient d’accomplir une formation au Centre catholique romand de formations en Église (CCRFE) et a dédié son travail de fin d’étude à la « Réflexion sur l’accompagnement en Église aujourd’hui des adolescents qui demandent le baptême, et qui n’ont pas de repères de la foi chrétienne ». Entretien
Fabienne Veil: Depuis quelques années déjà, je remarque sur mon terrain pastoral une augmentation du nombre d’adolescents qui demandent le baptême et qui n’ont pas de repères de culture religieuse en général, catholique en particulier. Certains ont entendu parler de Jésus par leur grand-maman, et d’autres par les réseaux sociaux ou les cours de religion à l’école. D’autres encore se posent des questions sur leur identité religieuse, car ils sont confrontés à la multiculturalité de la Genève Internationale.
Lors de la rentrée pastorale 2023/24, notre Unité pastorale a observé une nouvelle hausse des demandes d’adolescents demandant le baptême. Nous avons mis en place un groupe de catéchumènes enfants et adolescents, avec des ateliers et des temps forts spécialement destinés aux adolescents.
En Occident, en 60 ans, nous sommes passés d’une société traditionnelle stable, rassurante et hiérarchisée à une société d’individus dans laquelle chacun peut choisir avec qui se marier, son métier, sa religion, de changer de sexe ou de genre, etc. Chacun peut se relier à Dieu à titre personnel et décider de ne pas se marier, de ne pas baptiser ses enfants, ou de divorcer. De plus, les enfants de différentes cultures se fréquentent à l’école et les programmes d’histoire consacrent une place à la Bible et au Coran.
Selon la journaliste et auteur catholique Claire Lesegretain, cette génération, plutôt ignorante des traditions religieuses, est de ce fait aussi sans préjugés et développe ainsi une plus grande curiosité spirituelle que ses aînés.
Aujourd’hui, la société occidentale déchristianisée et individualiste ne propose plus de passage de l’enfance à l’âge adulte ; par conséquent cette transition se dilue dans le temps.
À l’adolescence, la spiritualité est comme un repère pour le jeune qui construit son identité. La tradition religieuse propose de fait des rôles et modèles auxquels s’identifier ou s’attacher, des principes éthiques et une communauté. Le professeur de théologie Jean-Baptiste Lecuit explique que les rites de passage, ayant une dimension religieuse, ont quelque chose à voir avec les enjeux psychiques du passage de l’enfance à l’âge adulte. La dimension d’épreuve, de passage par la mort, puis de renaissance marque ainsi profondément le sacrement du baptême et tendrait à soutenir la subjectivation de l’adolescent.
Comme pour la société, il me semble que nous n’avons pas vraiment de réponses à leur apporter. Tout est structuré pour une catéchèse « classique » de préparation aux sacrements et nous avons besoin aujourd’hui de créer une réponse pour les adolescents curieux de découvrir Jésus. Par leurs demandes, ils nous amènent à réajuster nos convictions et à revisiter nos pratiques. Ils nous conduisent même à une conversion dynamisante !
La catéchèse de cheminement permet une transition entre une catéchèse préparatoire à la première communion et à la confirmation, mise en œuvre depuis l’époque du Concile Vatican II, et une catéchèse communautaire et décloisonnée qui permet à chacun un cheminement. La catéchèse intergénérationnelle rend par exemple possible d’accueillir dans les groupes des adolescents qui demandent le baptême, pour qui rien n’est prévu dans un système « classique » figé par les âges.
La société, les parents et les jeunes ayant évolué, les repères culturels étant modifiés, les structures et les activités de la catéchèse paroissiale doivent aussi aller de l’avant.
La référence à l’exhortation apostolique Evangelii Gaudium nous rappelle que le cœur de l’expérience chrétienne est la rencontre personnelle de Jésus. Je crois que le Christ continue à être pour les adolescents un modèle à suivre.
Mon défi est de créer des parcours de foi qui correspondent à cette tranche d’âge pour donner à ces adolescents des repères chrétiens qui puissent les aider à s’épanouir, en vivant de l’Amour du Christ. Dans notre Unité Pastorale, nous avons constitué un groupe d’adolescents qui peut accueillir des jeunes tout au long de l’année. En parallèle, un groupe de catéchumènes enfants et adolescents chemine en famille vers le baptême. Le fil rouge de ce parcours est la proposition catéchétique Man-Hû* du catéchuménat qui présente d’une autre manière le rituel catéchuménal, avec des paroles et des symboles compréhensibles par tous.
De mon côté, je tente de réactiver chez les jeunes l’émerveillement de l’enfant et d’offrir une proposition catéchétique pour que le sacrement ne soit pas une fin en soi.
* Récits bibliques ou liturgiques racontés en s’appuyant sur des objets symboliques.
Article paru dans le n°22 de REGARD – octobre 2024
LE SAVIEZ-VOUS ?
À tout âge, un cheminement vers le baptême, l’eucharistie et la confirmation est possible ! Ce parcours d’initiation aux « sacrements de l’initiation chrétienne » s’appelle le catéchuménat. A Genève la « Pastorale des chemins », service de l’Église catholique de Genève, accompagne les personnes vers le baptême, la confirmation et l’eucharistie, en collaboration avec le diocèse et les paroisses du canton.
Dans le cheminement des catéchumènes, les accompagnants formés proposent l’écoute de la Parole de Dieu pour qu’elle résonne en chacun. Par cette démarche on touche au cœur de l’expérience chrétienne : la rencontre personnelle de Jésus. L’étymologie du verbe accompagner – ad-(mouvement) et cum pane (avec pain) « celui qui mange le pain avec » et du terme catéchèse, – du grec katêkhéô, « faire retentir aux oreilles » – éclairent cette posture.
La catéchèse est le processus de formation de l’Église au service de la croissance de la foi des personnes qu’elle accompagne. Le catéchisme est la doctrine catholique tant sur la foi que sur la morale. Le catéchuménat est le temps de préparation de jeunes et adultes au baptême et à l’Initiation chrétienne.
Le DIRECTOIRE POUR LA CATÉCHÈSE (2020) exhorte à fonder l’activité évangélisatrice sur le kérygme (le contenu essentiel de la foi) et à mettre l’accent sur le style dialogal. Il souligne que le catéchuménat est une source d’inspiration pour toute la catéchèse, car il permet d’initier à la foi chrétienne avec des rites de passage, tout au long du parcours.
> Lire également l’interview de Sébastien Baertschi (en ligne dès lle 8 novembre 2024), coordinateur du catéchuménat des adultes à Genève au sein de l’équipe de la Pastorale des chemins.
Crédit image en Une: Godong