Dans l’Eglise, au niveau mondial et au niveau diocésain, la synodalité est devenue un mot « à la mode ». Le pape François a même dit que « Le chemin de la synodalité est celui que Dieu attend de l’Église au troisième millénaire » (17.10.2015), mais concrètement qu’est-ce que la synodalité ? Qu’est-ce qu’un synode ? Eclairage avec Michel Colin, adjoint du Vicaire épiscopal, et Guillermo Kerber, formateur à l’Eglise catholique romaine-Genève et enseignant à l’Atelier Œcuménique de Théologie.
Bien que dans l’Eglise catholique quand nous parlons de synodalité nous évoquons principalement des évènements comme les synodes des évêques, une pratique établie par le pape Paul VI en 1965 au début de la dernière session du Concile Vatican II, la perspective du pape François fait allusion à un processus qui implique toute l’Eglise, comme il l’a exprimé lors de son discours en occasion du cinquantième anniversaire du synode des évêques.
L’évènement, le synode, reste très important, mais la préparation, avec différentes étapes, la communication, la réception sont aussi des aspects cruciaux du processus synodal.
Le dernier synode des évêques sur l’Amazonie est un bon exemple. Avant le synode lui-même, en octobre 2019, deux ans de consultations, de discussions et de publications dans la région pan-amazonienne et ailleurs ont donné le cadre et des réflexions précieuses qui vont être la colonne vertébrale du document final (DF). Celui-ci rappelle que plus de 80.000 personnes (habitants de l’Amazonie, chrétiens d’autres secteurs, théologiens, scientifiques et organisations de la société civile) ont participé à ce processus et élaboré le document de travail du Synode.
A la fin, le rapporteur général, le cardinal Claudio Hummes, affirmait : « Cela ne se termine pas avec le Synode : c’est un processus synodal qui commence vraiment à se réaliser maintenant. L’après-Synode, l’application du Synode, est tout aussi important dans ce processus. Bien sûr, le Synode c’est le point culminant qui illumine la route. Mais tout le processus continuera aussi dans l’application post-synodale, dans chaque endroit concerné ».
En 2020, lorsque le pape François publie l’exhortation apostolique Querida Amazonia (Chère Amazonie) (QA) dans laquelle il partage ses rêves pour la région et pour l’Eglise, il rappelle que l’exhortation ne remplace pas ce qui a été fait avant et il recommande de lire tout le document final du Synode (QA 3).
Le processus synodal ne concerne pas seulement les évêques. Tous les chrétiens sont invités à y participer. C’est la participation de tout le peuple de Dieu dans ses divers ministères qui révèle, comme le souligne Sœur Nathalie Bécquart1, un style, une pratique, une manière d’être Église dans l’Histoire, d’être Eglise comme mystère de communion, à l’image de la communion trinitaire. Participer signifie marcher ensemble, traverser ensemble le seuil pour répondre à l’appel de Dieu et annoncer la Bonne Nouvelle dans chaque situation historique.
Dans cette marche l’écoute, le dialogue, l’interprétation de la Bible, le partage de l’Eucharistie sont des éléments clés. Le récit des pèlerins d’Emmaüs (Lc 24, 13 – 35) est paradigmatique de la démarche synodale. Bouleversés par la mort de Jésus, en route avec le Ressuscité sans le reconnaître, après le dialogue et la fraction du pain ils vont reconnaître le Christ. L’ayant reconnu, ils retournent à Jérusalem pour l’annoncer aux autres disciples.
La rencontre avec le Christ nous pousse à faire demi-tour, à nous convertir et à l’annoncer aux autres. Le processus synodal est un processus de conversion au niveau personnel et communautaire. Pour nous préparer, pour contribuer au Synode de 2023 le pape nous invite à chacun et à chacune, chaque communauté, chaque paroisse, chaque diocèse à entrer dans la dynamique synodale pour être attentifs à l’Esprit, pour discerner la présence du Ressuscité et l’annoncer au monde.
Guillermo Kerber et Michel Colin,
paru dans le Courrier pastoral du mois de septembre 2021
1 Nathalie Becquart, La synodalité, un chemin de conversion communautaire, Revue Christus, n° 270, avril 2021.
DE L’ÉTYMOLOGIE À LA VIE DE L’EGLISE
Le mot synode vient du grec. L’étymologie la plus répandue voit dans ce mot deux composants : syn (avec) et odos (chemin). Il y a une autre étymologie proposée par le théologien Arnaud Join-Lambert qui en changeant l’accent de « odos » voit dans ce mot le terme grec « seuil ». Synode veut dire donc cheminer, marcher ensemble ou traverser ensemble le seuil.
Dans la vie de l’Eglise, le synode a été une pratique millénaire. Il y a eu des synodes au niveau diocésain et au niveau mondial. Le mot concile est la traduction latine du grec synode.
Dans l’histoire contemporaine dès la fin du Concile Vatican II le synode des évêques est une rencontre périodique des évêques du monde entier. Le dernier synode des évêques a été sur l’Amazonie (2019), le prochain sera en mai 2023 avec le thème « Pour une Eglise synodale : communion, participation et mission ». La nomination de Sœur Nathalie Bécquart comme sous-secrétaire du Synode est une nouveauté ! Ce sera la première fois qu’une femme aura le droit vote dans le synode des évêques. Une porte a été ouverte .
DES ATELIERS SUR LA SYNODALITÉ
En mai et juin 2021 une dizaine de participants se sont rencontrés pour discuter ensemble des fondamentaux d’un processus synodale. Dans ces ateliers les participants, accompagnés par Michel Colin et Guillermo Kerber, ont approfondi comment, dès les premières communautés chrétiennes du Nouveau Testament la démarche synodale répond à des conflits, des crises, des différends dans la communauté. Pour vivre la synodalité, l’écoute, le dialogue, la conversion, la célébration liturgique sont éléments centraux. Ce sont de concepts clés dans le Premier et le Nouveau Testament et dans l’histoire de l’Eglise.
UN SYNODE SUR LA SYNODALITÉ
Le parcours pour la célébration de l’assemblée du Synode des évêques sur la synodalité durera deux ans et s’articulera en trois phases, entre octobre 2021 et octobre 2023. Thème : «Pour une Église synodale: communion, participation et mission».
Phase diocésaine
Elle sera ouverte par le pape les 9 et 10 octobre et dans les diocèses une semaine plus tard. Se tenant jusqu’à avril 2022, elle doit permettre « l’écoute de la totalité des baptisés », selon diverses modalités.
Phase continentale
Elle est prévue de septembre 2022 à mars 2023. Il s’agira de dialoguer autour du premier Instrumentum Laboris rédigé sur la base des consultations diocésaines. A son issue sera rédigé un second Instrumentum Laboris.
Phase universelle
Elle est agendée en octobre 2023. A cette date, les participants de l’Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques étudieront le deuxième Instrumentum Laboris.
Le Vatican souligne que le Synode des évêques est le point de convergence du dynamisme de l’écoute mutuelle dans l’Esprit Saint, menée à tous les niveaux de la vie de l’Église.