Au cours des travaux de déblaiement cet été, des vestiges ont été dégagés au Sacré-Cœur. C’est Evelyne Broillet Ramjoué, archéologue au Service archéologique du canton de Genève (OPS/DT) qui a pu constater qu’un ouvrage de fortification en forme de triangle rabattu appelé demi-lune se trouvait sous le Sacré-Cœur. Cette demi-lune faisait partie des fortifications bastionnées qui protégeaient la ville des dangers extérieurs.
Genève a une longue histoire d’enceinte de protection. Il semblerait que dès le moyen-âge, elle était protégée par des fortifications en élévation.
C’est dans un contexte de guerre des religions, après l’installation de Calvin à Genève, que les réformés décidèrent de fortifier la ville, selon les nouvelles techniques de génie militaire de l’époque, en construisant des fortification bastionnées. Ces nouvelles techniques, misent au point en Italie, consistent en des systèmes de fortifications en étoile alternant bastions et fossés.
Lorsqu’elle rejoint la Confédération en 1815, Genève dispose de l’un des plus vastes réseaux de fortifications en Suisse. Cette couronne de murailles fait tellement partie de son histoire et du paysage environnant qu’il parait impossible de s’en séparer. C’est malgré tout ce qu’il va se produire, dans le courant de la deuxième moitié du XIX siècle.
Mise au jour en partie en 2019 par l’archéologue Gionata Consagra lors des investigations menées sous le Conservatoire de Musique voisin, la structure défensive dégagée date du début du 18e siècle et appartient à la dernière grande étape de fortification. Cette étape a été réalisée entre 1715 et 1750 dans le respect des systèmes défensifs hollandais. Elle vient compléter l’ancien dispositif du 17e siècle. Son principe est relativement simple : il s’agit d’installer régulièrement des demi-lunes à l’avant des anciens bastions, au sein d’un réseau étendu de fossés alors en eau, le tout étant défendu par un chemin couvert.
Les archéologues n’ont jusqu’ici, jamais exhumé une « pointe » des fortifications, ce qui fait de ce vestige une découverte majeure dans l’histoire de la cité. Evelyne Broillet Ramjoué va la répertorier et mettre à jour les cartes du passé. Puis cette construction sera à nouveau recouverte moyennant un léger réaménagement de sa surface pour permettre l’installation de locaux techniques. Quant à sa pointe, elle sera préservée dans son état de découverte. « C’est comme une pièce de puzzle supplémentaire que nous pouvons ajouter à nos connaissances de ce quartier. C’est vraiment passionnant. On savait que la demi-lune se développait dans ce secteur, mais pas exactement ici ».
Ce qui est très intéressant c’est que l’emplacement de la demi-lune n’est pas dans le même axe que celle qui apparaît sur les plans du 18e siècle. La mission de l’archéologue consiste à repositionner ce vestige correctement, le documenter et, grâce à une photogrammétrie très précise, le remettre en connexion avec ce qui a été découvert sous le Conservatoire
Cette découverte fera l’objet d’une publication dans le cadre de la prochaine chronique archéologique.