Une brève histoire de l’habit ecclésiastique
Certains prêtres le portent, d’autres non. Depuis quand le col romain est-il en usage dans l’Eglise catholique? Qui peut l’arborer? Que symbolise-t-il? Pourquoi dit-on d’ailleurs col romain? De manière plus générale, que dit l’Eglise et le droit canon sur l’habit ecclésiastique? Réponses avec Alphonse Borras, canoniste belge.
Si l’habit ne fait pas le moine, il dit tout au moins la fonction de celui qui le porte. Ainsi en va-t-il pour le col romain qui identifie aujourd’hui le prêtre dans l’Eglise catholique. Mais en a-t-il toujours été ainsi?
Jusqu’au 4e siècle, les textes officiels ne mentionnent aucunement l’habit ecclésiastique et encore moins le col romain. Pour cause. Jusqu’au règne de l’empereur Constantin, l’Eglise doit faire face à des vagues successives de persécutions et il n’est donc pas souhaitable pour un chrétien – et a fortiori un clerc – d’être clairement identifié dans l’espace public.
«Pendant près de mille ans, jusqu’au Haut Moyen-Age, explique l’abbé Alphonse Borras, canoniste, il n’y a pas d’habit ecclésiastique prescrit pour les clercs et les ministres de l’Eglise. lls sont toutefois invités à s’habiller de manière simple et sobre, en évitant les étoffes précieuses et les ornementations style boucle, ceinture, épingle,…»
On sait toutefois que l’Eglise recommande alors de porter une tunique longue, pour se distinguer probablement des populations barbares installées dans l’empire depuis les 4-5e siècles.
Quant aux moines, dès le 4e siècle, ils adoptent un habit propre à chaque ordre, avec donc une grande diversité mais toujours dans l’idée d’une tunique simple, voire d’une extrême sobriété. Certains clercs plus zélés iront jusqu’à les imiter. Le Concile du Latran IV réitère cette invitation à la sobriété «qui ne distingue pas» le clerc des autres fidèles. Il est donc autorisé de penser que, jusqu’au début de la Renaissance, les hommes d’Église s’habillaient au quotidien de manière ordinaire, suivant les modes et coutumes de leur époque.
Notons toutefois l’apparition aux 11e-12e siècles du couvre-chef. «Le port du bonnet indique un certain rang social, les paysans ne portent pas de bonnet. Les évêques et prélats sont seuls autorisés à porter un chapeau, le reste du clergé un bonnet rond ou carré», raconte Alphonse Borras. Apparait également la pratique de la tonsure comme signe distinctif d’appartenance au clergé mais dans une mesure tout à fait discrète. Pratique adoptée de manière plus radicale par les moines qui en feront une fine couronne.
Au tournant du 16e siècle, les conciles n’épiloguent pas sur la question de l’habit ecclésiastique. On peut cependant penser que le noir était la couleur de prédilection des clercs d’alors. Toujours dans cette idée de simplicité et de sobriété mais aussi d’exemplarité.
Un habit ecclésiastique semble donc plutôt se dégager aux 18e et 19e siècles, composé d’une tenue noire et d’un col qui peut prendre des aspects très variés. Dont le fameux col romain. «Il doit simplement son nom à son origine. Il s’agit d’un col blanc entourant complètement le col de l’habit».
C’est à cette époque également que s’impose, en Europe occidentale, la soutane dont l’usage, à l’origine, est avant tout liturgique, précise Alphonse Borras. «Les clercs la portaient pour célébrer, avec un surplis blanc ou une aube surmonté d’une étole». A noter que l’usage et le port de la soutane recouvrent une grande latitude selon les contextes culturels. Il n’est d’ailleurs nullement recommandé de porter la soutane constamment mais dans le cadre de sa profession, à l’image des magistrats.
Pour en revenir au col romain, modèle qui s’est imposé à l’ensemble de l’Église, il n’est en rien une exclusivité catholique, ni masculine! En effet, il est également arboré par des clercs d’autres confessions chrétiennes comme les anglicans. Et aussi par des femmes. Le col romain tel que nous le connaissons remonte à l’époque du Concile Vatican II et l’adoption du clergyman inspiré précisément des clercs protestants.
Point de grand discours théologique ou spirituel pour expliquer l’apparition et l’usage du col romain. Si ce n’est que «aujourd’hui, reconnaît notre canoniste, il a une autre signification. Il permet aux clercs de s’affirmer et d’être identifiés. A titre personnel, je le porte toujours quand je vais dans un pays à majorité musulmane et à Rome, selon les circonstances. Cela facilite aussi la communication car l’habit est un identifiant qui indique une relation».
L’article 284, du code de droit canon stipule que le clergé doit porter «un habit ecclésiastique convenable selon les règles établies par la conférence des évêque et les coutumes légitimes des lieux».
En Suisse, selon l’abbé Pascal Desthieux, vicaire épiscopal à Genève, il n’existe pas de directives spécifiques de la Conférence des évêques concernant la tenue des prêtres. Aucun texte ne définit le port du col romain. Les clercs sont donc libres de s’habiller comme ils l’entendent. «Il m’arrive de le porter selon les occasions et les circonstances, mais ce n’est pas systématique. Le plus souvent je porte une chemise avec le col ouvert », explique l’abbé Desthieux.
«Chez nous, les séminaristes ne portent pas d’habit ecclésiastique et donc, le cas échéant, pas de col romain avant l’ordination diaconale», précise de son côté l’abbé Nicolas Glasson, directeur de la maison des séminaires à Givisiez.
Alphonse Borras met en garde contre toute forme d’absolutisme. Il n’est absolument pas obligatoire de porter le col romain 24h/24h ni pendant la messe. «Toute collectivité a des signes distinctifs, la question est de savoir comment on les utilise.» (cath.ch/cathobel/mp)
Sophie Delhalle/cathobel /cath.ch