La maladie nous rend vulnérable, mais la précarité, l’exil, les différences culturelles et religieuses sont d’autres facteurs qui accentuent les difficultés d’une hospitalisation. Des aumôniers-es de quatre traditions religieuses ont récemment partagé leur expérience autour de la vulnérabilité lors d’une rencontre à la paroisse Sainte-Thérèse.
A cette occasion, Virginia Possa, aumônière catholique aux HUG, a livré ce témoignage.
Pablo Neruda, poète chilien, qui a vécu l’exil, a écrit : « Le déracinement, pour l’être humain, est une frustration qui, d’une manière ou d’une autre, atrophie la clarté de son âme ».
Virginia est d’origine chilienne, en Suisse depuis 1979. En 2001, elle est devenue aumônière aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG).
Dès le début de son engagement, elle a été appelée à accompagner des patients de ce grand continent latino-américain. Ceux qu’elle a rencontrés dans différentes unités des HUG et particulièrement en oncologie, sont à Genève, pour certains sans permis.
Ils arrivent à l’hôpital dans un état de grande détresse due à l’isolement familial et souvent avec des difficultés de communication. Le fait de partager les mêmes origines ainsi que la même langue crée immédiatement une relation très rassurante avec ces patients, ce qui les aide à retrouver un peu de force.
Peu à peu, en espagnol, elle entend leur récit de vie, leur grande nostalgie et les raisons qui les ont conduits à quitter leur terre natale. Ce sont des rencontres de grande émotion qui leur font du bien. Virginia s’entretient avec elles de leurs maladies, telles qu’elles les perçoivent, acceptées ou non, en fonction de leur ethnie et de leur nationalité.
Sa vocation est de se tenir à leurs côtés, de les accompagner, de faire le lien entre eux et le corps médical afin qu’elles soient comprises au mieux dans ce qu’elles sont, dans leur culture, leur perception de la maladie et aussi de les aider à comprendre les choix thérapeutiques dont elles font l’objet.
Elle les encourage à poser des questions, à être actives dans ce qu’elles vivent en tant que personnes souffrantes. Elle les encourage à passer de l’état de peur et de vulnérabilité dans lequel elles se trouvent à un état résilient et de confiance,. A chercher en elles-mêmes ce qui peut les faire aller de l’avant, à préparer leur avenir.
La religion, la foi est une partie très importante de la recherche du sens de la maladie. Peu de patients rendent Dieu coupable de celle-ci, a-t-elle pu constater. Au contraire ! Dieu les aide peu à peu à trouver de nouvelles forces. La foi constitue une grande ressource, à leurs yeux. Pour beaucoup il existe un lien fort entre la religion chrétienne et leurs croyances ancestrales.
La foi constitue une forte ressource pour prendre des décisions importantes concernant leurs traitements. Et, dans certains cas, pour envisager leur fin de vie.
Que va-t-il m’arriver, vais-je rester en Suisse ou rentrer au pays, vais-je être incinéré, que vont devenir mes cendres, sont des questions qui sont récurrentes.
Virginia a constaté que les latino-américains qui arrivent à Genève se tournent assez fréquemment vers les églises évangéliques. Elles leur paraissent expressives et attrayantes dans leur manière de célébrer la foi et de l’exprimer.
Être reliés à leurs origines malgré la gravité de leur état et la distance qui les sépare de leur pays, est pour eux un véritable réconfort.
Lorsque la fin de vie survient, la confession originaire, accompagnée de ses rituels et manières de prier, revient peu à peu. Ils demandent alors à recevoir la communion et les sacrements.
Virginia pense que le Christ l’appelle là où il a besoin d’elle. Depuis le début de son engagement comme aumônière un verset biblique l’a guidée. Dans Matthieu 25 il est dit : J’étais malade et vous m’avez visité. Avec le temps elle a adopté cet autre verset : J’étais étranger et vous m’avez recueilli.
Pascal Gondrand, mai 2021
Image: espace de ressourcement pluriconfessionnel destiné aux patients, mais aussi à leurs proches et aux collaborateurs. Crédit HUG