Un film et un débat sur la place des femmes en Église. La soirée proposée le 14 juin par les Rendez-vous cinéma de l’ECR IL EST UNE FOI, autour du film Magnificat a fait salle comble. Compte rendu de Myriam Bettens.
Doit-on répondre « non » à l’appel de Dieu alors que celui-ci remet en question la place dévolue aux femmes au sein de structures qui réservent le pouvoir et son exercice exclusivement aux hommes ? La projection en avant-première du film Magnificat de Virginie Sauveur a tenté de répondre à cette interrogation en invitant les spectateurs au débat.
La clameur de la rue s’est estompée. Le trafic urbain, qui avait momentanément cédé son territoire aux femmes battant le pavé, n’a pas encore repris ses droits. C’est justement de ces derniers dont il était question ce 14 juin, date à laquelle les femmes étaient invitées à faire entendre leurs voix. Dans la salle du cinéma Les Scala, quelques traces éparses de violet témoignent encore de cet appel de la rue. Néanmoins, les spectateurs ont répondu en nombre à l’invitation des Rendez-vous cinéma IL EST UNE FOI de l’Église catholique romaine à Genève, pour découvrir en avant-première le film Magnificat, une libre adaptation cinématographique du roman d’Anne Isabelle Lacassagne, Des femmes en noir, paru en 2017 aux éditions Le Rouergue.
L’adaptation retrace avec délicatesse et justesse le parcours de Charlotte (interprétée par Karin Viard), chancelière du diocèse, découvrant avec stupéfaction que le prêtre dont on vient de lui annoncer le décès était une femme. Elle se heurte à son évêque (François Berléand) qui souhaite étouffer l’affaire. Contre l’avis de celui-ci, elle se lance alors dans une enquête pour découvrir de quelle manière une telle imposture a été rendue possible.
Outre la profondeur et la sensibilité dont a fait preuve Virginie Sauveur dans le traitement de la délicate question de l’ordination des femmes, le film,a également permis d’ouvrir un échange nourri et sans langue de bois sur la place des femmes en Église aujourd’hui , lors du débat à la suite de la projection. Face à une salle comble, les deux intervenantes au débat – Anne Isabelle Lacassagne, l’auteure du roman qui a inspiré le film, et Lauriane Savoy, théologienne protestante et elle-même rédactrice de Pionnières. Comment les femmes sont devenues pasteures ? (édition Labor et Fides 2023) – ont pris à bras-le-corps le Non « éternel » martelé par le pape Jean-Paul II en 1995 concernant la vocation sacerdotale féminine et la place qui leur est généralement dévolue dans l’Église.
« L’ombre est le meilleur des refuges », affirmait l’évêque à une Charlotte abasourdie par les propos de son supérieur hiérarchique. En effet, Anne Isabelle Lacassagne, déplore que « la parole des femmes ait toujours moins de poids que celle d’un prêtre ». Néanmoins, elle ne cache pas son optimisme en regard de ce qui a été accompli par la réalisatrice. Ce Magnificat est une manière de rendre justice à « toutes ces oubliées, ces discrètes, celles à qui on ne demande leur avis que pour s’en passer ».
Lauriane Savoy abonde : « Une église peut évoluer grâce aux femmes qui osent transgresser et par ce à quoi elles se risquent en le faisant ». L’espoir qu’elle porte de voir « le mouvement amorcé il y a un siècle dans le protestantisme réformé se transmette à toutes les traditions religieuses » est largement partagé ce soir-là. « Il ne faut pas oublier qu’être catholique, c’est croire à la résurrection et donc aux choses impossibles », glisse encore Anne Isabelle Lacassagne avec un sourire.
Myriam Bettens, juin 2023
Crédit images: ECR