Cet été nous vous proposons avec l’abbé Alain René Arbez un tour d’horizon non exhaustif de quelques figures de femmes du Moyen Âge. Aujourd’hui nous vous présentons les chevalières et les religieuses.
Sophie Cassagne Brouquet, médiéviste et chercheur à l’université de Toulouse, publie « Chevaleresses », où elle décrit la vie aventureuse de femmes engagées dans la chevalerie médiévale au service de nobles causes. Ces femmes sont moins popularisées et moins représentées que les hommes dans l’iconographie, mais elles existent et sont souvent comparées allégoriquement aux Amazones des mythes antiques.
Parmi les femmes du Moyen Age jouant un rôle de premier plan, il y a les religieuses. Les premières communautés monacales se forment dès le 5e siècle. On sait le rôle central joué par les couvents dans les pays européens. Certaines femmes ont évolué vers cette vocation (ora et labora = prie et travaille) depuis leur enfance : ayant effectué leur formation dans un couvent, elles s’engagent à l’âge adulte.
D’autres fuient une famille autoritaire menaçante, d’autres encore souhaitent vivre retirées loin du fracas des intrigues et des guerres.
Cependant nombre de ces femmes consacrées ne se désintéressent pas de la vie séculière et certaines acquièrent une envergure humaine de premier plan. Ainsi la princesse Elisabeth von Wetzikon (1235-1298) devenue abbesse du Fraumünster de Zurich : elle dirige non seulement le couvent, mais aussi les structures sociales de la ville. Juge suprême, elle nomme le bourgmestre, diffuse sa propre monnaie et prélève des droits de péage sur les ponts du territoire et les accès à la cité.
Des personnalités de moniales aux multiples qualités émergent au fil du temps dans les cloîtres du Moyen Âge. Elles y ont trouvé une instruction conséquente, une protection et une sécurité, la possibilité de se soustraire aux contraintes de leurs familles.
Entre Paris et Nantes se situe l’abbaye de Fontevraud, objet de nombreuses études sur le rôle des moniales médiévales. Des chercheurs comme Annalena Müller, de Fribourg, ont mis en lumière le fait que des abbesses de monastère avaient acquis une influence spirituelle et politique considérable. L’abbaye de Fontevraud avait en responsabilité des terres, des forêts, des pâturages, des moulins, des droits de rentes seigneuriales, et divers documents historiques attestent de la fructueuse gestion de ces biens communautaires par la première abbesse, Pétronille de Chemillé (+1149). Des abbesses issues des Bourbon ont ensuite administré l’ordre avec succès de 1491 à 1670.
Alors que les guerres de religion dévastaient la région durant 35 ans, ces abbesses ont su veiller à ce que leurs possessions ne soient pas spoliées et restent catholiques. L’abbaye de Fontevraud fut durant des siècles un centre de pouvoir avec lequel la politique française devait compter, et une référence dans la vie de l’Église.
En Europe, plusieurs monastères furent administrés de cette manière : Notre Dame de Soissons, le Fraumünster de Zurich, Las Huelgas de Burgos, les couvents d’Essen et Quedlinburg parmi d’autres.
A noter que ces puissantes abbesses du Moyen Âge ont souvent un pouvoir plus important que celui des évêques, et d’ailleurs elles tiennent une crosse épiscopale comme symbole de leur autorité.
Crédit image article chevalières et religieuses: Godong