Une première en Romandie, la Pastorale des familles de l’Eglise catholique romaine Genève (ECR), en collaboration avec la Pastorale d’animation jeunesse du canton de Vaud, a organisé le 29 avril 2023 un événement intitulé «Walk of faith» destiné aux catholiques LGBT+. Une journée se voulant «pastorale, officielle et catholique romaine». Toutefois, la messe d’ouverture de cette rencontre n’a pas manqué de susciter des réactions indignées de la part de catholiques romands.
Myriam Bettens, pour cath.ch
Anne-Claire Rivollet, responsable de la Pastorale des familles de l’Eglise catholique de Genève s’étrangle presque en lisant l’e-mail qu’elle vient de recevoir. La source de cet émoi provient d’une lettre ouverte signée par plus d’une centaine de personnes et envoyée la veille de l’événement à l’abbé Pascal Desthieux dont la paroisse accueillera la rencontre, avec copie à Mgr Charles Morerod, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, ainsi qu’aux responsables des deux pastorales concernées. Cette missive indignée conteste la messe qui doit se tenir l’après-midi du 29 avril à la Basilique Notre-Dame de Genève. L’objet de la révolte? Cette célébration ou «sacrifice de la messe», comme l’écrivent les signataires, est destinée tout spécialement aux catholiques LGBT. Et cela ne passe pas. Pas de quoi ternir la joie d’Anne-Claire Rivollet quant à cette première romande. Comme elle le chantera plus tard durant la célébration: «Sur son visage [pas] d’amertume pour qui regarde vers Dieu.»
Une inquiétude demeure tout de même à l’approche de la messe: les contestataires viendront-ils perturber le déroulement de cette célébration? Dans cette attente quelque peu anxieuse, les rencontres et conversations vont bon train sur le parvis de Notre-Dame. Les jeunes catholiques venus de tous les coins de Suisse romande et même du Tessin font connaissance, ou se retrouvent avec un enthousiasme non dissimulé. Jean-Michel Dunand, fondateur de la Communion Béthanie, est lui «venu contempler là – comme [lui] écrivait récemment Anne-Claire Rivollet – des petits germes d’Eglise».
A l’intérieur de la basilique, un groupe a investi la chapelle dédiée à la Vierge, sise au fond de l’édifice, pour un chapelet plutôt…bruyant. Mesure de rétorsion ou coïncidence? Nul ne le saura. A nouveau, ce contre-temps n’entame en rien l’entrain des fidèles venus assister à une messe unique en son genre. L’église ne manquant pas de lieux de recueillement, l’abbé Pascal Desthieux a tôt fait de trouver un espace permettant «l’intimité de la prière et de la rencontre».
«En tant que curé du lieu, je viens vous accueillir et vous dire combien je suis heureux de vivre cet événement avec vous. C’est à la fois important et très clair, aussi pour moi en tant que prêtre, que l’Eglise est là pour tous. Vous êtes l’Eglise et êtes donc chez vous. En même temps, vous avez constaté que tous ne le conçoivent pas de la même manière que moi et je suis surpris de certaines réactions [en référence à la lettre ouverte, ndlr.]. Cela fait partie d’un mouvement et d’une évolution qui prend du temps malgré les résistances.»
Après avoir encore souhaité la bienvenue à l’assemblée, l’abbé, appelé vers d’autres obligations, passe le flambeau à un confrère pour célébrer la messe. «C’est d’abord notre baptême qui nous rassemble et s’il y a de la place pour nous dans le cœur de Dieu, il y en a aussi sur terre», rappelle le prêtre aux fidèles suspendus à ses lèvres. Pourtant, malgré cette mention et les paroles bienveillantes de l’abbé, les intentions de prière se font l’écho des préoccupations des catholiques homosensibles.
«Avoir goûté Dieu bouleverse la vie et change la perception que nous portons à la création. Certains peuvent croire qu’avoir la foi et être LGBT est ambivalent. Seigneur, tu nous as faits, tu nous aimes et tu demeures en nous. Que la vie que tu nous as donnée soit vécue comme un cadeau qui est une quête vers notre destinée», demande une lectrice. «Nous prions pour l’Eglise que tu nous as donnée. Qu’elle soit toujours dans une dynamique de rencontre avec tes enfants. Qu’elle offre un lieu d’accueil indéfectible pour toutes les personnes cherchant à découvrir qui tu es dans leur vie», prie un autre fidèle valaisan. Peu avant ce moment de prière, l’officiant avait évoqué avec l’assemblée l’histoire et surtout le cheminement intérieur des disciples d’Emmaüs.
Il poursuit l’intercession: «Puisque c’est le regard des disciples d’Emmaüs qui a changé, donne nous aussi d’avoir ton regard sur les autres, les choses et le monde que tu as tant aimé.» Il matérialise cette supplique lors du rituel du lavage des mains. «Aujourd’hui, je demande humblement que dans mon cœur et dans ma tête ne coule pas la haine et l’amertume envers qui ne m’aime pas, envers qui ne m’accepte pas », déclare le prêtre alors que le liquide s’écoule lentement dans le petit bassin.
«Nous sommes venus et avons peut-être été un peu comme les disciples d’Emmaüs, attristés et affectés. Nous sommes ensuite arrivés face au Christ, qui a rompu le pain et nous a remis en marche. Côte à côte, avec lui, et surtout plein de lui. Que ce temps qui nous est offert maintenant ne soit pas juste un exercice de gymnastique. Qu’il soit une occasion de cheminer, les uns avec les autres, car Dieu est là en nous», conclut le ministre. Il envoie ensuite les fidèles à travers les rues de Genève pour une marche animée avec échanges, réflexions et concert.
Les participants se sont plus tard retrouvés pour un apéritif et une soirée en présence de Jean-Michel Dunand. Ce dernier est engagé dans la conciliation entre foi catholique et homosensibilité par le biais de la Communion Béthanie, une fraternité de prière au service des personnes homosexuelles et transgenre. En lien avec la Conférence des évêques de France et plusieurs communautés religieuses, elle rassemble spirituellement de nombreuses personnes dans la francophonie. (cath.ch/mb/rz)
© Centre catholique des médias Cath-Info, 30.04.2023