L’abbé Elvio Cingolani , curé modérateur de l’ Unité pastorale Plateau,à Genève, nous propose l’homélie de ce 10 mai 2020, 5ème Dimanche de Pâques.
Lectures du 5ème Dimanche de Pâques
Chers amis, souvenez – vous : dimanche dernier nous avons lu les premiers versets du chapitre 10 de l’évangile de Jean. Il nous invitait à comprendre comment devenir de bons bergers à l’exemple de Jésus. Et nous avons compris que l’on ne doit pas escalader ou contourner l’enclos des brebis, mais passer par lui, qui en est la porte. Jésus devait préciser cela à ses auditeurs, car ils prétendaient être de bons bergers sans le reconnaître comme envoyé de Dieu, Fils du Père, qui donne sa vie pour sauver tous les êtres humains.
Aujourd’hui, le même évangile, mais 4 chapitres plus loin et dans un tout autre contexte, nous demande encore un effort de compréhension qui renouvelle et ajuste notre foi à la volonté de Dieu.
La première étape : croire en Dieu c’est croire en Jésus. Le Maître disait aux disciples qu’il était « le chemin, la vérité et la vie », c’est-à-dire celui qui conduit au Père qui est vérité d’amour et qui offre la vie éternelle. Jésus affirmait donc qu’il est l’égal de Dieu. Ailleurs il disait aussi qu’il est UN avec le Père. Pour certains auditeurs, cela équivalait à blasphémer, péché autrefois puni par la condamnation à mort. On peut comprendre alors comment les apôtres pouvaient être bouleversés par ces paroles ainsi que par celles qui annonçaient sa prochaine disparition. Mais Jésus les réconforte en leur disant qu’il ressuscitera pour aller vers le Père. Ensuite, il reviendra vers eux pour les prendre avec lui et pour être ensemble là où lui sera. Il est difficile pour nous de nous imaginer quels déplacements de foi, quel saut d’espérance les amis de Jésus doivent faire à ce moment-là. Ils doivent continuer de croire en Dieu, mais aussi à son Fils qui se trouve près de Lui.
Oserais-je comparer cette épreuve que les apôtres subissent à celle que nous vivons ces temps-ci ? Touchés par une pandémie inattendue avec toutes les contraintes sanitaires qui nous sont imposées, nous avons de la peine à comprendre. Nous ne savons pas trop ce qui nous arrive sur le plan des relations sociales, familiales, professionnelles, et même sur la pratique religieuse… Et pourtant nous devons faire face, avoir confiance. Nous sommes appelés à continuer notre chemin de vie autrement, en nous adaptant, en luttant contre toutes les adversités et les peurs. En espérant qu’une fois la pandémie vaincue, nous retrouverons non pas le même mode de vie, mais une existence plus sobre, dépouillée du superflu, du gaspillage… Et une vie sociale basée davantage sur la fraternité.
La deuxième étape : Jésus dit qu’il va vers le Père mais pas sans nous ! Les contemporains de Jésus, dont ses disciples, pensaient que Dieu était bon, miséricordieux, amoureux des êtres humains… mais aussi qu’il était inaccessible, lointain. Il fallait le craindre et respecter sa transcendance. Les paroles et les « œuvres » de Jésus révélaient au contraire un Dieu plus proche des humains, qu’il est comme un Père, un Papa. Sur ce point aussi les apôtres étaient appelés à déplacer les paramètres de leur foi. Ils devaient comprendre qu’en allant vers le Père, Jésus, solidaire de tous les êtres humains, « emmène » vers Lui, toute l’humanité, avec ses joies et ses peines. St-Augustin disait qu’ainsi se réalisait le « Christ total », c’est-à-dire le projet divin de toujours.
D’aucuns pensent que Dieu a abandonné le monde, qu’il l’a oublié. Surtout en constatant la souffrance et la misère d’hommes et de femmes, habitant à l’autre bout du monde ou même dans notre ville, considérée comme l’une des plus riches du monde. Nous avons tous été choqués d’apprendre que des personnes résidant à Genève ont accepté d’attendre jusqu’à 3 heures de temps pour obtenir un colis alimentaire d’une valeur de 20 Francs, aux Vernets. Non, Dieu n’a pas abandonné le monde, car il nous a laissé la responsabilité d’en prendre soin. De venir au secours de nos frères et sœurs qui ont besoin de notre aide et de plus de justice.
La troisième étape : Celui qui croit en Jésus fera les mêmes œuvres que lui. Par cette expression, l’évangéliste ne se réfère pas d’abord aux miracles faits par Jésus, mais aux paroles et aux gestes qu’il réalise en se référant à l’ « œuvre » du Père. Qui sont d’abord de libérer son peuple. Les disciples de Jésus doivent là encore faire des déplacements de conviction énormes. Pauvres et démunis, comment croire qu’ils seront capables de faire les mêmes œuvres que Jésus ? Ils devront attendre avec confiance de recevoir ce que Jésus leur a promis : l’Esprit Saint, la force de Dieu. Ainsi ils seront associés, comme Jésus, à l’œuvre entreprise par Dieu pour libérer l’humanité de tout esclavage physique ou moral.
La fête de la Pentecôte n’est plus tellement loin. Que l’Esprit de Dieu nous donne à nous aussi de renouveler notre mission de disciples de Jésus.
Que nous puissions accomplir les mêmes œuvres que lui, dans un monde qui aujourd’hui encore se révèle dans toute sa fragilité.
Elvio Cingolani, 10 mai 2020
Crédit image homélie du 10 mai 2020: mosaïque du Centre Aletti