Le Père Bruno Fuglistaller sj, jésuite de Genève, nous propose l’homélie de ce dimanche
Lectures du 5ème Dimanche de Carême — Année A
Au fil de ces derniers dimanches nous avons croisé la Samaritaine (troisième Dimanche de Carême), l’aveugle-né qui a été guéri (quatrième Dimanche) et aujourd’hui Marthe, Marie et Lazare. Dimanche prochain nous célébrerons le Dimanche des Rameaux.
Un fil rouge qui peut se dégager de ces évangiles est le thème du mouvement. Le Christ vient, va et il fait bouger les autres. De dimanche en dimanche, la liturgie nous le montre « vivifiant » les vies de celles et ceux qu’il rencontre. Elle nous révèle toujours plus la richesse de son humanité qui va jusqu’à la mort… Mais nous savons que cela ne s’arrête pas là.
Et dans ces temps si particuliers qui sont les nôtres, nous voyons que l’Evangile d’aujourd’hui est traversé par un mouvement vers plus d’humanité, un mouvement d’humanisation. En effet, nous apprenons que quelqu’un est malade, puis nous découvrons qu’il s’agit de Lazare, qui est de Béthanie, le frère de Marie et de Marthe. Le souffrant peu à peu prend chair, il n’existe pas seulement par sa maladie mais nous découvrons quelqu’un, ses relations. Il sort des statistiques en quelque sorte.
C’est peut-être là un enseignement de l’Evangile d’aujourd’hui : derrière la maladie, les chiffres, il y a toujours des personnes, des patients et souvent tout un réseau de gens qui sont affectés. Les événements de l’actualité peuvent nous sembler un égrainement de chiffres et de statistiques mais derrière ces informations il y a des hommes, des femmes dont la vie bascule, tout comme celle de leur entourage. Et nous qui suivons l’actualité risquons d’être décalés par rapport aux réalités vécues en première ligne.
Mais l’Evangile de ce dimanche nous met lui-même au cœur d’un décalage qui prend plusieurs formes. Décalage de temps : Marthe et Marie envoient un message à Jésus qui est tout près, environ trois kilomètres… Mais il attend deux jours… Quand il veut enfin se mettre en route, on tente de le retenir… Décalage de compréhension : les disciples pensent que Jésus parle de sommeil alors qu’il évoque la mort… Marthe pense à la résurrection au dernier jour, alors que Jésus parle de lui.
Et Jésus lui-même semble décalé par rapport aux émotions qu’il rencontre chez Marthe et surtout Marie. Il lui faut plusieurs échanges d’abord avec Marthe puis ensuite avec sa soeur pour qu’il saisisse la douleur et le désarroi. Ce sont finalement les larmes de Marie et de ses amis qui le submergent. Invité à venir et à voir où est Lazare, Jésus se met à pleurer. Face à la réalité de la douleur et de la perte, les mots n’ont plus rien à dire, seules les larmes parlent.
Dans l’Evangile d’aujourd’hui le Christ est en chemin vers la douleur de ceux et celles qu’il rencontre. Les échanges donnent au Christ d’accéder davantage à la réalité de ces vies. Il n’a pas « besoin » de cela pour se faire proche mais c’est le chemin qu’il a décidé de prendre. Il rejoint Marthe et Marie et vient aussi auprès de nous. Il vient. Il est là à nos côtés quoi que nous vivions. Ainsi il est vraiment homme et vraiment Dieu.
Père Bruno Fuglistaller sj, jésuite de Genève
Image: Cetre Aletti (Rome)
Dimanche 29 mars 2020