Choisir entre convictions religieuses et orientation sexuelle ? Pour Clémentine Dubuis, la question ne se pose pas. Il lui aura fallu traverser des épreuves avant de se sentir acceptée. Homo et catho, l’équation n’est pas toujours facile. Ces deux composantes pourtant « font partie de ma vie ». Témoignage.
« Sans la foi je n’aurais jamais accepté qui j’étais », déclare d’emblée Clémentine Dubuis. Cette jeune valaisanne de 26 ans, catholique pratiquante, assume pleinement son orientation affective. Elle en témoigne lors d’une soirée organisée à la mi-janvier per l’Antenne LGBTI de l’Église protestante de Genève, en collaboration avec la pastorale des familles de l’Église catholique romaine à Genève . Cette rencontre en vidéoconférence et plébiscitée par plus d’une cinquantaine de personnes avait pour but d’encourager d’autres personnes LGBTIQ+ à vivre librement leur foi et ainsi aider l’Église à s’ouvrir peu à peu à la différence.
À aucun moment l’homosexualité n’est apparue à Clémentine comme une maladie, car elle a toujours eu « la chance de ressentir la présence de Dieu [lui] murmurer un « Je t’aime » à l’oreille ». Néanmoins, elle reconnaît que s’affirmer comme telle n’a pas été simple. La Valaisanne grandit dans une famille pratiquante et très aimante. Impliquée dans le mouvement des Focolari, c’est lors d’un camp qu’elle s’exprime pour la première fois les sentiments qu’elle éprouve pour les femmes. Elle s’en ouvre aux autres campeuses en pleine discussion sur leurs premiers émois amoureux. Cela remonte aux oreilles de la responsable du camp. On demande à la jeune fille de n’en parler qu’avec les adultes, ce ne sont pas des choses dont on parle avec les camarades. Elle a 12 ans et la colère monte contre l’Église. « Cela niait qui j’étais, mais j’ai tout de même continué à fréquenter ma communauté, car la spiritualité était vitale pour moi. » Aujourd’hui, Clémentine se sent pleinement libre d’être celle qu’elle est. Mais le déclic ne s’opère pas sans souffrances. A l’adolescence, une de ses amies proches, dans la même situation qu’elle, met fin à ses jours. Elle cherche conseils et pardon auprès d’un prêtre de sa paroisse, mais la rencontre ne produit pas les effets escomptés.
Entre colère et détermination, Clémentine ne souhaite pas que la mort de son amie reste vaine. Lorsqu’elle atteint sa majorité, elle décide alors de prendre la parole publiquement puis de fonder un groupe pour jeunes catholiques homosexuels. « Il était important pour moi de témoigner à ces jeunes. C’est une grande tristesse de les voir quitter l’Église parce qu’ils ne s’y sentent pas acceptés », raconte Clémentine.
Elle est aidée dans cette démarche par Joël Pralong, prêtre du diocèse de Sion. Ce dernier porte depuis plusieurs années les préoccupations des catholiques homosexuels. « Enfin un prêtre qui ouvrait le débat et prenait le risque de parler de cela », lance la jeune femme. Grâce à lui, le groupe est reçu par l’évêque de Sion et reçoit également sa bénédiction en 2015. Un pas dans la bonne direction pour la Valaisanne, mais encore insuffisant pour considérer cela comme une réelle intégration des personnes LGBTIQ+ à l’Église. « Nous sommes encore dans la phase d’accueil. L’intégration ne sera pleine et entière que lorsque nous n’aurons plus besoin de parler de ces questions », avance Clémentine. Comme en écho à la jeune femme, Anne-Claire Rivollet, responsable de la pastorale des familles à Genève, s’exprime sur les pistes à explorer pour atteindre l’intégration.
« Nous travaillons actuellement sur la manière la plus adéquate de démontrer la légitimité de la présence de croyants LGBTIQ+ au sein de la communauté catholique genevoise. Nous désirons offrir à l’avenir des espaces de parole ou de rencontres à l’image de ce qui se fait du côté protestant ». Elle pointe également « le lien entre liberté et vérité qui se profile aujourd’hui d’une façon assez différente, la théologie doit pouvoir être à l’écoute et composer avec ces nouveaux lieux de révélation ». « L’Église doit absolument ouvrir son propos à une théologie pastorale et plus uniquement dogmatique. Pour que cela se fasse, il faut que d’un côté les gens puissent parler, et de l’autre, que l’Église puisse écouter, mais encore trop de gens dans l’Église ne sont pas prêts à écouter la parole d’une personne homosexuelle désirant cheminer dans sa foi catholique. »
Outre la mission que s’est donnée Clémentine pour témoigner et tordre le cou aux stéréotypes, Joël Pralong souligne encore qu’« il est maintenant urgent dans l’Église d’aider les gens à prendre conscience de qui ils sont afin qu’ils puissent trouver l’unité en eux-mêmes. Notre but doit être d’accompagner les gens dans leur quête de Dieu et discerner avec les personnes ce qui les construit ou non dans les actes qu’elles posent ». Ce que Pascal Desthieux, vicaire épiscopal pour le canton de Genève, présent lors de la conférence, appelle également de ses vœux. « Nous sommes dans un cheminement qui prend du temps et je souhaite de tout cœur qu’il y ait ouverture et enrichissement mutuel ».
Myriam Bettens
Paru dans le Courrier pastoral, février 2021
Crédit image: © Pierre Pistoletti (cath.ch)