Les jeunes désertent les églises. Et pourtant ! Ce soir, ce sont une quarantaine de jeunes qui se retrouvent à la paroisse de la Sainte-Trinité de la rue de Lausanne. Ils ont entre 16 et 25 ans et sont prêts à s’engager dans un long parcours pour partager leur expérience de foi : les préparatifs de la retraite Kairos. Mais qu’est-ce que Kairos, au juste ?
Les retraites Kairos sont sans doute la proposition « phare » de la Pastorale des jeunes à Genève (PJGE). Ces rencontres pour les jeunes et par les jeunes rassemblent durant trois jours entre 25 et 30 participants en octobre. Elles sont animées par une équipe d’environ huit jeunes ayant déjà vécu une retraite, les animateurs, soutenus par autant d’adultes, les accompagnants.
Les retraites Kairos visent à offrir un temps propice pour s’interroger sur la relation à soi-même, aux autres et à Dieu, rythmé par des échanges, des moments de prière et de détente, des prises de parole, des animations et des témoignages à la première personne. Mais les trois jours de la retraite « ne sont que la pointe de l’iceberg, d’un projet pastoral qui dure toute une année et qui forme les jeunes à l’animation de groupe et au témoignage », explique l’assistant pastoral de l’ECR, responsable de la PJGE.
Ce soir du mois de janvier, la quarantaine de jeunes impliqués dans les préparatifs vivent leur première rencontre
Matteo a choisi de s’engager pour « partager sa foi avec d’autres et rencontrer des gens ». Alice a envie « de transmettre ce qu’elle a vécu à la retraite, vivre sa foi avec d’autres » et saisir l’opportunité d’apprendre à animer des groupes. Pour Blandine, il s’agit de rendre service. Son chemin de foi n’est pas régulier, mais elle a été aidée par des amis.
Pour beaucoup la notion de groupe est importante. Plusieurs portent une croix autour du cou. Nombreux ont eux-mêmes vécus la retraite Kairos en tant que retraitants, inscrits par leurs parents ou par leur responsable de groupe de confirmation à l’époque. L’enthousiasme de l’âge est au rendez-vous et les éclats de rire ponctuent la soirée au fil des animations.
La séance commence toutefois très sérieusement dans l’église de la Sainte-Trinité avec une prise de parole de Miles Fabius. « Le Christ est celui qui nous rassemble et nous allons commencer par un partage de sa parole, source de vie. C’est lui qui nous appelle et qui nous accompagnera, pour nous faire grandir humainement et spirituellement durant ces 9 mois de préparation jusqu’à la retraite ». Son collègue Sébastien Baertschi, également engagé à la PJGE, déploie alors des figurines d’un Man-Hû* et fait la lecture animée du récit de Samuel et Elie (L’appel de Samuel), préalable à un échange avec les participants. Des chants et des prières résonnent dans la sphère blanche de l’église de la rue de Lausanne.
Changement de lieu. En guise de brise-glace, des animations et des jeux en groupe réunissent les jeunes dans la salle paroissiale. Ils se présentent : Joseph, Natacha, Matteo, Louis, Alice, Éva, Étienne… Chacun annonce son futur rôle lors de la retraite : adulte, animateur ou accompagnant. Les profils sont très variés : étudiants au cycle ou à l’université dans différentes disciplines ou déjà engagés dans la vie professionnelle.
Le travail de préparation commence avec la présentation des thèmes des témoignages qui animeront la retraite Kairos : mes valeurs, la place de ma foi, être vrai, le désir de Dieu, Dieu mon père, Jésus mon frère mon ami, l’Esprit Saint ma force, expérience d’une rupture de la foi ou encore témoins du Christ aujourd’hui, autant d’impulsions pour mettre en récit son propre parcours de vie, les épreuves dépassées, les ressources de la foi, les personnes rencontrées.
Répartis en deux groupes guidés par Miles et Sébastien et deux ou trois jeunes coordinateurs, les jeunes choisissent le thème de leur témoignage, encouragés et rassurés par les anciens . « Il ne faut pas avoir peur de choisir un thème difficile, vous n’allez pas être seul dans la préparation et le thème est un point de départ ». Sans trop d’hésitation, les thèmes sont répartis, les binômes témoin-accompagnant constitués. Les dates des prochaines rencontres agendées pour chacun des deux groupes. Une bonne odeur de lasagnes envahit les salles de réunion. La porte est ouverte et c’est l’heure du repas.
Le mois de février vient de commencer et l’un des deux groupes se retrouve à nouveau. Au programme, après le partage d’un texte de l’Evangile, l’écoute des premiers témoignages des futurs animateurs de la retraite. Ce sont Jean** et Nathalie** de 18 ans qui se lancent. Les thèmes : Mes valeurs et Mon look, être vrai.
Jean parle de sa passion pour le sport et de sa famille « très importante pour moi ». Il s’attarde sur les figures fortes de sa grand-mère et de sa mère, qui ont vécu des situations difficiles. Puis il évoque les valeurs de paix et d’amour, du sens du sacrifice et de la foi catholique qu’il a reçus.
Il confie l’importance d’être apprécié pour ce qu’il est, sans changer ses valeurs et celui qu’il veut être dans la vie. Aujourd’hui il regrette les compromis qu’il a faits pour être populaire. « Formellement j’étais un chrétien parfait avec le baptême, la première communion et la messe. Mais dans le quotidien ce n’était pas très présent… Jusqu’à un accident où j’ai senti que Dieu était présent pour moi ».
Nathalie parle d’un père qui a fait souffrir sa mère et d’un Dieu qui a sauvé son père d’un cancer, mais n’a pas aidé sa mère, une injustice qui l’a blessé et éloigné un peu de Dieu, « que je connais peu », en dépit d’une éducation catholique. « Aujourd’hui, surtout après avoir participé à Kairos, ma foi revient peu à peu. Je lis la Bible et j’ai appris à pardonner, mais le travail n’est pas terminé ».
Les membres du groupe écoutent, félicitent, posent des questions, esquissent des commentaires, des pistes et des suggestions. Ces premiers témoignages, et ceux qui suivront, seront en effet encore travaillés et affinés avant d’être proposés aux participants de la retraite Kairos.
Des rituels accompagnent les témoignages, avec la pose des mains sur celui qui va prendre la parole et des accolades à la fin. Chacun est entouré, encouragé, accueilli, conseillé par les adultes et les « anciens » ayant déjà vécu une retraite. Le plaisir d’être ensemble, d’avancer vers un but partagé est palpable.
En sus des témoignages, les jeunes devront organiser des animations variées en vue de la retraite, des temps forts, des chants et des temps de prière.
Les préparatifs des retraites Kairos sont un engagement de longue durée, une formation à l’animation qui dure toute l’année. Au compteur des préparatifs il y a en effet: de dix rencontres et deux weekends pour chaque groupe. Chacun a son rôle, e explique Miles Fabius. Les coordinateurs de groupes organisent les rencontres, les animateurs-témoins préparent les activités de la retraite et l’équipe d’adultes – accompagnants les forment et les conseillent. Mais globalement, il s’agit d’un travail d’équipe.
Chaque groupe prépare une des deux retraites de trois jours qui seront proposées en octobre. « Lors des retraites beaucoup de jeunes participants découvrent le sens de l’engagement et du bénévolat en Église . C’est ainsi qu’ils s’engagent dans l’organisation des rendez-vous Kairos, sur la Rencontre des confirmands et maintenant aussi sur l’Appel décisif. Il y a une vraie émulation. D’année en année, nous avons de plus en plus de jeunes formés prêts à s’engager », se réjouit le responsable de la PJGE.
SD&C-ECR, mars 2024
*Récits bibliques ou liturgiques racontés en s’appuyant sur des objets symboliques.
**Prénoms fictifs
Crédit images: retraites kairos – la foi des jeunes -@ECR