La retraite démarre dans le bus, départ de Genève direction Giron, en France. Il est 7h45 du matin, samedi, les jeunes retraitants ont de 15 à 16 ans. Les animateurs sont à peine plus âgés, de 17 à 20 ans en moyenne. ils préparent depuis un an cet événement avec la Pastorale des jeunes.
Ils sont présents de bon matin le samedi.
Les 33 jeunes participants arrivent avec leurs sacs de couchage, quelques bâillements, sans grande motivation pour la plupart. Ils sont nombreux à s’être inscrits plus par obligation et à la demande des parents que par décision personnelle.
La retraite Kairos est proposée aux jeunes catholiques pendant leur parcours de confirmation, elle est un réel temps de partage et de cheminement intérieur. L’animation est assurées par des jeunes à peine plus âgés qu’eux, qui ont déjà vécu la retraite. Sur un format de trois jours assez intensifs et sans parents, elle est conçue pour faire vivre une expérience personnelle de la foi.
Cette retraite est pensée et soutenue par la Pastorale des jeunes, un service de l’Église Catholique Romaine à Genève, coordonné par Miles Fabius, Frère Johann et Sébastien Baertschi. La Pastorale est un lieu pour permettre aux jeunes de développer leur foi personnelle, leur autonomie.
La retraite est un lieu de ressourcement et peut permettre aux jeunes de s’engager auprès d’autres jeunes ou d’autres communautés : paroisses, activités sociales, bénévolat. Cela peut permettre de dynamiser l’ensemble de la jeunesse.
L’équipe de la Pastorale des jeunes remarque un réel avant et après l’expérience « Kaïros » . Les jeunes sortent enchantés de ces trois jours .
« J’ai vécu une réconciliation avec Dieu et ma foi. Je sais que l’on n’est pas seul dans le parcours de la vie et vivre en symbiose avec des jeunes qui partagent la même vie avec Dieu. »
Un ancien retraitant de 18 ans propose une réflexion sur la définition du mot Kairos : kairos (καιρός) est un concept qui, apparu chez les Grecs . Il est représenté par le dieu Kairos. Le kairos est le temps du moment opportun. Dans le langage courant, on parlerait de point de basculement décisif, avec une notion d’un avant et d’un après. Le kairos est donc « l’instant T » de l’opportunité : avant est trop tôt, et après trop tard.
Il conclut par, « maintenant est le bon moment pour agir ! »
Les jeunes confirmands écoutent les animateurs dans une concentration déroutante. Les membres de l’équipe de la Pastorale des jeunes – Miles Fabius 38 ans, frère Johann 40 ans, Sébastien Baertschi 38 ans, et les adultes bénévoles, dont une sœur italienne – restent volontairement en retrait. Ils souhaitent en effet laisser les animateurs au contact des retraitants, sans intermédiaires.
Les abbés Maoumou Elie et Jean-François Cherpit viennent prêter main-forte pour les confessions lors de la grande veillée de réconciliation qui a pour thème: le retour de l’enfant prodige.
Très vite les retraitants entrent dans le jeu, fascinés par l’engagement des animateurs.
Les activités sont variées. Liées à une démarche de partage et d’échange, des propositions permettent par exemple aux jeunes de lire les événements de leur vie. Elles sont basées sur des réflexions autour des valeurs. Des retours sur les témoignages sont entendus.
Pour favoriser les échangent, les jeunes se regroupent parfois à part, à quatre ou cinq . Ils réapparaissent par la suite tous ensemble dans la salle commune pour le premier « témoignage ».
Un animateur, lui aussi ancien retraitant, prend la parole pour partager avec les autres jeunes son cheminement de foi à travers son quotidien. Il parle en vérité et toute liberté de son parcours, de ses colères, ses joies, de comment son cheminement de foi lui est apparu, de ses doutes également. Ce sont des moments très intenses qui « résonnent » pour les jeunes. Ils se retrouvent dans des histoires communes, ils réalisent qu’ils ont tous des chemins de vie qui comportent des joies et des souffrances. Ceci provoque une « entrée en eux-mêmes ».
C’est aussi le moment de s’ouvrir à l’autre, de découvrir son charisme et ses talents. Deux jeunes, une fille et un garçon, chantent « shallow » de Lady Gaga au micro, instant magique. Le temps s’arrête.
« Ce fut une expérience humaine et spirituelle extraordinaire »
Un autre moment fort est la messe. Elle est célébrée par frère Johann, dans un format complètement adapté au langage des jeunes. La chapelle est improvisée dans une salle, avec un tapis blanc au sol, une projection vidéo et des chants et de la musique. Une violoniste est ainsi venue jouer bénévolement , Accompagnée à la guitare. Un garçon se met au piano.
Plus tard, tous assis au sol, même les prêtres, les participants reprennent les thèmes abordés lors des témoignages en amont. « Son témoignage, nous a parlé de l’importance de la curiosité », celle que nous manifeste aussi Jésus lors de sa rencontre avec les pèlerins d’Emmaüs.
La curiosité devient alors cette qualité d’être Curieux, du latin « prendre soin de », du mot cure. Une curiosité qui n’est pas une intrusion dans la vie de l’autre, comme l’on peut l’entendre fréquemment, mais qui signifie une attention pour faire le bien de l’autre.
Les jeunes abordent avant tout des sujets qui les touchent. Ils redécouvrent que les textes bibliques rejoignent leurs quotidiens respectifs tout en ouvrant des pistes de réflexion.
La joie d’être ensemble s’exprime aussi par des chants,. Les jeunes chantent par exemple à l’unisson « mon enfant, tu es précieux et je t’aime ». Un jeune improvise alors une voix en sorte de gospel. C’est très joyeux, ils tapent des mains tous ensemble.
Les témoignages se poursuivent et se finissent sous des applaudissements, quelques larmes parfois, quand cela résonne à l’intérieur. Le témoignant reçois des « HUGGS » (câlins) remplis d’amour, comme pour dire : « on est avec toi »
« La retraite était pour moi la découverte de Dieu dans les autres »
« J’ai découvert que je n’étais pas toute seule, je peux me tourner vers l’Eglise »
Les journées continuent à ce rythme intense. Mais pas un jeune ne se plaint ou ne se dit fatigué. Chacun comprend l’importance de ce « kairos » où tous sont dans le non-jugement, la bienveillance et une grande fraternité.
Comme me dira une jeune de 15 ans : « ça me restaure, on se sent bien et calme et on prie avec tout notre cœur. Le format de la messe nous fait du bien, ça change des paroisses. On rit beaucoup entre nous ».
Après la grande veillée de réconciliation, c’est l’heure de la surprise.
L’équipe fait monter les retraitants dans la salle commune, dans le noir, invoquant un dernier temps de prière et d’échanges. Mais une fois réunis, c’est une musique de Shakira et des spots de lumière qui démarrent. Chips, Coca, les jeunes sont abasourdis par la transition et vont danser jusqu’à tard. Un animateur s’improvise en DJ FJ… « Ils l’ont bien mérité, c’est aussi ça la joie partagée et il faut l’expérimenter. »
« C’était un temps inoubliable et riche en émotion. J’ai senti la présence de l’Esprit saint à travers tous les différents moments de la retraite ! »
Jessica Tabary, novembre 2019
Les passages en « italique » sont des témoignages de jeunes collectés pendant ou en fin de retraite