La mindfulness ou méditation de pleine présence est un phénomène à la mode et séduit de plus en plus de personnes. Alors que certains émettent des réserves, d’autres la considèrent comme un nouvel outil permettant de renouveler leur rapport à Dieu.
Décryptage.
Depuis la rentrée, un nouveau service consacré à la spiritualité a fait son apparition au sein de l’Eglise catholique à Genève. Ce service vise à offrir « des occasions pour partager les trésors de sagesse que la foi chrétienne nous a légués, à travers la vie de tant de témoins anciens et récents ». Dans cette optique, la responsable de ce service, Federica Cogo, propose depuis le 1er octobre un parcours de méditation en pleine présence en lien avec la spiritualité, animé par Lia Antico, docteur en neurosciences.
Dans les années 1970, c’est aux Etats-Unis que le docteur Jon Kabat-Zinn s’inspire de la sagesse orientale pour développer un programme de réduction du stress basé sur ce type de méditation. Il définit la pleine conscience ou pleine présence comme « la prise de conscience qui surgit en prêtant attention à l’expérience, de manière volontaire, dans le moment présent et sans jugement ». En d’autres termes, l’individu va porter son attention au moment présent, ce qui se passe en lui et autours de lui, ici et maintenant, sans porter de jugement. Pas de mots à répéter, de visualisation à faire, juste une attention particulière à la respiration, à ce qui se joue au niveau des émotions, aux pensées qui vont et viennent, tout en les acceptant telles qu’elles surgissent. Jon Kabat-Zinn destine en premier lieu sa méthode à des fins thérapeutiques. Cette dernière vise à soutenir la guérison de patients atteints de stress et de douleurs chroniques.
Moyennant quelques adaptations, ce type de méditation a gagné en popularité auprès de toutes les générations. En effet, le contexte y est propice : dans une société où tout doit aller toujours plus vite, la pleine présence aide le pratiquant à s’arrêter et se recentrer sur l’essentiel. Et la sauce prend ! L’éventail de programmes se focalisant sur certains de ses aspects, ainsi que le nombre d’études parues ces dernières années prouvant ses bienfaits sur la santé en général en témoignent. Mais si cette méthode de méditation tire une partie de ses origines dans les spiritualités orientales, elle en a ôté la part religieuse, cela afin de pouvoir s’adresser à tous.
Paradoxalement, les modules de méditation développés par le Service de la Spiritualité de l’Eglise catholique romaine à Genève (ECR) proposent de réintroduire la spiritualité, mais pas n’importe laquelle. Il n’est nullement question de « spiritualité au sens large du terme », précise Lia Antico, qui guidera les participants dans la découverte de la pleine présence. Elle avoue d’ailleurs avec franchise, qu’il lui serait bien difficile de présenter les spiritualités orientales, car ce qu’elle connaît et pratique est issu de la tradition chrétienne. Par des exercices neutres, l’animatrice souhaite guider les participants dans une mise à l’écoute d’eux-mêmes comme porte d’entrée pour être présent à soi, à l’autre et à Dieu. La docteure en neurosciences a observé que certains « schémas de comportements rigides, les réactions instinctives, les flux constants de pensées et d’anxiétés peuvent nous détourner de notre environnement et des besoins des autres tout en diminuant notre sensibilité à la vie et à Dieu ». Les modules s’inscrivent donc dans une démarche de mise en disposition du corps pour accueillir le « Tout Autre ».
Malgré toutes les garanties données par le Service de la Spiritualité concernant ce nouveau programme, certains croyants émettent tout de même quelques réserves. Ils questionnent la pratique ainsi que sa légitimité en milieu ecclésial. L’animatrice se veut rassurante. Car bien que le parcours invite les participants à expérimenter la pleine présence, ces modules se présentent avant tout comme une manière de « redécouvrir toute une série d’auteurs ayant parlé de méditation », indique Lia Antico. Par ailleurs, elle note que les pratiques méditatives sont millénaires et universelles et reprend à son compte les propos de Fabrice Midal. « Dans la prière, on parle, on demande, tandis que dans l’oraison, on ne fait rien. Méditer, c’est apprendre à ne rien faire pour laisser la vie être en soi, c’est donc très proche de l’oraison », selon le philosophe et fondateur d’une école occidentale de méditation.
Pour étayer encore son propos, la docteure en neurosciences avance l’importance du silence, de la prière contemplative et de la disposition du corps dans la spiritualité des Pères du désert ou encore l’accent porté au « ici et maintenant », aux mouvements intérieurs, à la relecture de la vie dans la spiritualité des Jésuites. Force est de reconnaître que depuis les Ecritures jusqu’aux exercices ignatiens, en passant par les Pères du désert, le christianisme a déployé nombre d’outils de méditation.
La pleine présence ne pourrait-elle dès lors contribuer à redonner une certaine profondeur à la vie de foi ? C’est en tout cas ce que pense Lia Antico en reprenant la citation d’Hildegarde de Bingen, religieuse bénédictine du 12e siècle, à l’adresse des participants : « Regarde-toi, tu as en toi le Ciel et la Terre ! ».
Myriam Bettens, paru dans le Courrier pastoral – novembre 2020
Plus de vingt personnes ont participé au premier module du Service de la Spiritualité. Les six séances du soir se sont déroulées en octobre et en novembre dans les locaux de la paroisse Sainte-Marie-du Peuple puis, en raison des directives sanitaires, en mode hybride et par visioconférence. Ces séances s’inscrivent dans une série de trois modules, où la pratique de la pleine présence devient une porte d’entrée pour être présent à soi, à l’autre et au « Tout Autre ».
Ceci à travers la pratique de la méditation guidée, suivie d’un temps d’enseignement et de partage.
MÉDITATION ET SPIRITUALITÉ
Pendant le temps du semi-confinement : méditation guidée en ligne, en libre accès, les jeudis soir de 20h30 à 21h30, avec Lia Antico.
Sur Zoom: https://unige.zoom.us/j/97803318854?pwd=azVjTkYrbk56MEYvenBLby9xa2ZQZz09
Renseignements : ecr-spiritualité@bluewin.ch 077 441 17 80 (Federica Cogo) Page Facebook : Sentiers spirituels