Comment répondre à la soif spirituelle de nos contemporains ? Alors que la quête de sens reste vive pour nombre d’hommes et de femmes, dans le contexte de sécularisation et d’individualisation de nos sociétés, elle emprunte souvent de nouveaux chemins, en dehors des propositions traditionnelles de nos paroisses et de l’institution ecclésiale.
Des hommes et des femmes, et surtout ces dernières, se tournent en effet vers différentes traditions orientales, s’essayent à des expériences spirituelles de différents bords pour nourrir leur quête de sens, de développement personnel ou de ressourcement. Parmi ces « chercheurs » figurent également de nombreux chrétiens. Que cherchent-ils qu’ils ne trouvent pas dans nos communautés ? Notre Eglise aurait-elle délaissé l’expérience spirituelle au profit du rituel, des sacrements ou de la doctrine ?
Ce constat et ces interrogations ont amené l’Église catholique romaine à Genève à ouvrir un nouveau service à la rentrée : le Service de la spiritualité. La volonté est de mieux répondre à la quête spirituelle de nos contemporains et d’explorer de nouveaux terrains de rencontre, de nouveaux langages et de formuler de nouvelles propositions adaptées aux quêtes contemporaines. Ces initiatives viendront s’ajouter à celles déjà proposées au sein de l’Église par des paroisses, d’autres services de l’ECR ou des mouvements, telles que les retraites dans la vie selon la spiritualité ignatienne.
Nous faisons le point avec Federica Cogo, responsable du nouveau service, le père Bruno Füglistaller, Supérieur de la Communauté jésuite de Genève et membre du conseil du nouveau service, et Isabelle Nielsen, adjointe du Vicaire épiscopal à Genève.
« C’est une aventure qui commence », s’exclame la théologienne Federica Cogo, responsable du nouveau Service de la Spiritualité qui ouvre ses portes dès la rentrée avec un premier module de méditation en octobre. Un certain esprit d’aventure caractérise en effet les premiers pas de ce nouveau Service.
La spiritualité n’est certes pas un terrain nouveau ni inconnu pour l’Église, mais parler de spiritualité aujourd’hui renvoie à désigner une réalité plurielle où se croisent les besoins d’intériorité, d’épanouissement ou de ressourcement, la recherche de sens, de transcendance, de Dieu et des propositions toujours plus nombreuses et de toutes sortes, religieuses ou laïques. L’Église a choisi de s’y aventurer résolument avec la création d’un service spécifique chargé de formuler de nouvelles propositions.
Longuement réfléchie, la mise en route du nouveau service répond en premier lieu à l’élan missionnaire de l’Église qui demande de rejoindre les hommes et les femmes d’aujourd’hui « là où ils sont et d’investir des lieux où ne sommes pas ou peu présents », explique Isabelle Nielsen. Des enquêtes sociologiques récentes, en Suisse comme en France, montrent que de nombreux chrétiens n’hésitent plus à nourrir leur quête spirituelle loin des paroisses et de l’Église. Si certains se rapprochent des communautés monastiques, d’autres fréquentent des lieux de spiritualité qui associent des propositions plus classiques, telles des retraites, à des parcours dans lesquels la dimension du corps et des sens est largement convoquée (méditation, yoga, jeûne, etc.), fait valoir Isabelle Nielsen.
Le nouveau service de l’Église souhaite répondre à cette soif d’expériences spirituelles.
Dans un contexte de baisse de la pratique religieuse associée à un essor du spirituel, d’aucuns pourraient néanmoins être tentés de ne voir dans la nouvelle démarche de l’Église qu’une stratégie de marketing, une diversification de l’offre afin de positionner l’Église sur un marché spirituel en croissance et de pallier la baisse de la filière religieuse traditionnelle – en bref une volonté de reconquérir des parts de marché dans un secteur pris d’assaut par d’autres acteurs.
« Il ne s’agit pas d’imaginer de nouveaux produits pour séduire des consommateurs », proteste Federica Cogo. « Nous voulons prendre en considération la nouvelle réalité d’une quête spirituelle de plus en plus diversifiée, dans une société où des traditions différentes vivent côte à côte, tout en essayant de comprendre comment et en quoi cette quête interpelle notre Église ». De même, « l’Église doit prendre au sérieux la quête de ces nouveaux chercheurs : le christianisme des derniers siècles n’a-t-il pas été marqué par un excès d’intellectualisme et de moralisme, oubliant la place du corps, des émotions, des sentiments, dans l’expérience et l’expression de la foi ? », s’interroge Federica Cogo.
Après des études de théologie à Fribourg, Federica Cogo a travaillé durant 15 ans auprès de personnes détenues, à l’Aumônerie des prisons, avant d’assumer la responsabilité du nouveau Servicede la spiritualité. Pour en définir les orientations et les propositions, elle s’est entourée d’un conseil, composé actuellement de trois membres: le père jésuite Bruno Füglistaller, Lia Antico, docteure en neurosciences et en sciences affectives à l’Université de Genève et animatrice de sessions de méditation, et Luisa Rossi, éducatrice à l’institut La Corolle, qui oeuvre en faveur des personnes avec un handicap intellectuel, formatrice. Elle est aussi accompagnatrice dans l’association Bethasda (évangélisation des profondeurs).
Le nouveau service est un espace encore en construction. « La spiritualité est à la fois une expérience individuelle, par la découverte d’une relation avec Dieu unique pour chaque personne, et une expérience communautaire, puisque, dans une perspective chrétienne, l’on ne découvre pas Dieu tout seul, mais à travers les autres. L’enjeu est de tenir les deux », souligne Bruno Füglistaller. « Il ne s’agit pas de suivre une mode ni de diluer notre identité chrétienne », lui fait écho Federica Cogo.
L’intention de l’équipe est de proposer des expériences qui accordent une attention particulière au silence, à la prière, au corps et aux sens, à l’éveil à l’intériorité et à une approche spirituelle des textes bibliques.
Comment ? À travers l’art, la nature, la méditation, des retraites, des lectures, des rencontres ou encore des témoignages dans une dynamique de conversation. Des collaborations sont déjà en route avec le Service catholique de catéchèse et d’autres sont envisagées avec la Maison Bleu ciel, espace de spiritualité de l’Église protestante de Genève.
« Le visage que prendra le service sera aussi celui qui naîtra des rencontres, des attentes et des demandes que nous allons découvrir, avec un désir de s’enrichir mutuellement », explique Bruno Füglistaller.
La volonté est de s’adresser à toute personne désireuse d’approfondir sa quête de sens et sa foi. « Un des défi s est de parvenir à toucher des personnes qui ne sont pas forcément intéressées par l’Église institutionnelle, mais ouvertes à une expérience de Dieu, sans pour autant nous éloigner des personnes plus proches de l’Église et en restant fidèles à qui nous sommes. Certains, souligne le père jésuite, viendront juste pour voir et peut-être qu’ils trouveront quelque chose qui les touchera et reviendront. Pour d’autres il s’agira seulement d’une expérience de plus. D’autres encore ne viendront jamais, car l’institution elle-même les fait partir en courant… c’est une réalité de notre monde aujourd’hui ». Un constat qui n’affaiblit en rien l’enthousiasme de l’équipe.
Un premier module pour expérimenter la « pleine présence », porte d’entrée pour être présent à soi, à l’autre et au « Tout Autre »est proposé dès octobre. ne manquez pas la séance d’information du 17 septembre 2020.
L’ESSENTIEL EN BREF