Nous vous proposons un texte de l’abbé Alain René Arbez sur la virginité de Marie, un sujet a déjà été traité dès les premiers temps du christianisme.
Les débats ressurgissent de temps à autre consistant à poser la question : la Vierge Marie a-t-elle donné naissance à d’autres enfants après la venue au monde de Jésus ?
Historiquement, le sujet a déjà été traité dès les premiers temps du christianisme, à cette période où le besoin se faisait sentir de clarifier les formulations bibliques controversées autour de la nature du Christ.
Nous lisons dans Matthieu 1,25 : « Joseph ne connut pas Marie jusqu’au jour où elle enfanta un fils ». Certains en déduisent que Joseph et Marie ont nécessairement eu des relations sexuelles après la conception virginale de Jésus. En interprétant ainsi la formule biblique courante « jusqu’à », on se fourvoie dans une extrapolation hasardeuse, car le psaume 123,2 dit : « Nos yeux sont tournés vers le Seigneur jusqu’à ce qu’il nous prenne en pitié ». Cela voudrait-il dire qu’après avoir obtenu miséricorde, nos regards se dirigeront ailleurs que vers Dieu ? Non !
Dans Deutéronome 34,6, on trouve la phrase : « On n’a pas retrouvé le tombeau de Moïse jusqu’à ce jour ». Façon biblique de dire qu’on ne le retrouvera jamais.
Autre sujet de contresens : « Marie mit au monde son fils premier-né ». Donner vie à un « premier-né » ne veut pas dire qu’elle a eu des enfants après Jésus, mais l’insistance est sur le fait qu’elle n’en a pas eus avant, et que Jésus sera son fils unique ! Tout enfant qui naît sans avoir eu de frères et sœurs le précédant est premier-né, ce qui est célébré dans le pydion ha ben, comme rappel liturgique de l’élection d’Israël.
Quant à la formule « les frères de Jésus », c’est l’expression privilégiée pour ceux qui préconisent cette famille nombreuse qu’auraient eue Marie et Joseph. Dans le nouveau testament, on trouve effectivement des citations évoquant des frères et sœurs de Jésus. (Mc 6,3- Mt 13,55- Ac 1,14 – Gal 1,19- Jn 2,12) Matthieu parle de Jacques, de Joset, de Jude et de Simon, frères de Jésus. Jacques et Joset sont les fils d’une autre Marie. Marc dit en effet : « Il y avait des femmes qui regardaient à distance, entre autres Marie de Magdala, Marie mère de Jacques le petit, et de Joset et Salomé (Mc 15,40). La même Marie est dénommée Marie mère de Joset (15,47) et Marie mère de Jacques (16,1).
Hegesippe écrit en 150 ses mémoires dans lesquelles on découvre que Simon était un cousin du Seigneur. Il n’existe pas de mot hébreu pour dire « cousin », les mots « frères et sœurs » désignent donc des proches de la parenté immédiate. La culture orale a d’ailleurs très tôt désigné les cousins par le terme frères et sœurs, à la manière dont Lot et Jacob, neveux d’Abraham et de Laban (Gn11,27 et Gn 29,12) sont appelés leurs « frères » (Abraham-Lot Gn 13,8, Laban-Jacob Gn29,15). Dans les évangiles écrits en grec, c’est le terme « adelphos » (frère) qui est repris de la Septante où il signifie tantôt : frère, cousin ou ami proche.
Dès l’antiquité, la question des frères de Jésus a été posée par les Pères de l’Eglise. Après avoir scruté les détails de l’Ecriture, et à la période où fut fixé le canon biblique par l’Eglise, Grégoire de Nazianze appelle directement « athées » ceux qui affirment que Marie a eu des relations sexuelles avec Joseph. Grégoire de Nysse à sa suite déclare évidente la virginité de Marie. Et Hilaire de Poitiers (4ème s.) estime que nier la virginité perpétuelle de Marie, c’est être totalement étranger à la cohérence spirituelle de la révélation. Jérôme insiste fortement sur cette virginité post partum de la mère de Jésus. Augustin d’Hippone également, avec sa formule : « Virgo concepit, Virgo peperit, Virgo permansit ». Vierge elle a conçu, vierge elle a donné naissance, vierge elle demeure.
Chose surprenante, la Réforme protestante, qu’on imaginerait réticente envers la personne de Marie, ne dit pas autre chose ! Elle défend avec force la virginité post partum de Marie.
C’est Luther qui s’enflamme face aux dénégations, et dans son commentaire du Magnificat, il affirme que Marie est restée vierge avant, pendant et après la naissance de Jésus. Pour le réformateur, Marie est la mère du Christ et de tous les chrétiens.
Plus acerbe encore envers ceux qui refusent la virginité mariale, Luther proclame dans son sermon du 1er janvier 1534 : « Je ne peux pas supporter qu’on traite la mère de mon Seigneur avec mépris ! Car je sais qu’elle est une vraie mère et qu’elle a porté un enfant véritable et non pas un fantôme ou un ange. Je dis qu’elle est restée vierge après la naissance et qu’aucun homme n’a jamais eu de relations sexuelles avec elle. Ceux qui nient cela sont des porcs et des chiens qui ne font que déchirer et souiller la sainte Ecriture ! »
Divers détracteurs de la virginité perpétuelle imaginent avec subtilité que Marie ne serait la mère que de la « partie humaine de Jésus ». Ce qui est illogique, puisqu’elle est la mère de Jésus Christ qui est une seule personne, avec deux natures, humaine et divine. Une mère humaine n’engendre pas une nature, mais un être humain dans son intégrité avec son nom propre, c’est à dire une personne unique. Marie est donc la mère de Jésus, conçu de l’Esprit, et elle n’est pas seulement la mère de sa nature humaine, encore moins de la nature divine qui manifeste en lui la présence de Dieu.
Catholiques, orthodoxes et protestants se rejoignent donc pour confirmer que la virginité perpétuelle de Marie a pour destination essentielle de mettre en lumière le miracle de la conception et de la naissance de Jésus. Cette mariologie est en réalité une christologie.
Ce qui signifie que le oui donné à Dieu par Marie lors de l’annonciation s’est prolongé dans sa consécration totale pour accomplir sa maternité.
Au Golgotha, Jésus dit à sa mère : « Femme, voici ton fils » parce qu’elle n’a eu que Jésus comme enfant. Ceux qui sont nommés « frères et sœurs » de Jésus dans l’évangile ne sont jamais appelés fils et filles de Marie. Seul Jésus est dénommé « fils de Marie », fils du charpentier.
Dans la lignée des Pères de l’Eglise, les chrétiens célèbrent Marie qui a été préservée des conséquences du péché pour être la mère du Sauveur. Elle a connu au terme de son parcours la dormition ou l’assomption, enlevée au ciel d’où elle intercède pour nous, nous demandant encore à propos de son unique fils : « Faites tout ce qu’il vous dira ! »
Abbé Alain René Arbez, janvier 2024
ECR