Lorsqu’on évoque les tailleurs de pierre, on pense immédiatement aux bâtisseurs de Cathédrales. Le métier de sculpteur de pierre incarne la partie artistique à la fois du tailleur de pierre et du marbrier.
La société Cal’as artisans sculpteurs, basée à Lancy, tout près du Cimetière du même nom a été créée par M. Vincent Du Bois dont l’arrière-grand-père Cassani est arrivé d’Italie en tant qu’artisan sculpteur. Ce dernier s’est installé dans le quartier du cimetière là où se trouvait du travail afin de répondre à la demande d’images et représentations funéraires demandées par les catholiques. Son grand-père Alfredo Cassani a ensuite repris l’affaire familiale, il faisait beaucoup de restauration, de sculpture de mobilier et cheminée, et de la marbrerie funéraire mais de façon très réduite. A la mort de celui-ci, décédé il y a 25 ans, la famille a décidé de fermer l’entreprise et M. Du Bois, après ses études (CFC Genève et Carrare, MFA à Chicago), a fondé son propre atelier dans les locaux familiaux. Il est le digne successeur d’une dynastie de sculpteurs passionnés par leur savoir-faire. En plus de Cal’as, il gère également la société VDB art, son atelier de création.
Dans le cadre du chantier de l’église du Sacré-Cœur et de l’aménagement de la future Maison d’Église, la société Cal’as a été mandatée pour ravaler, au début de cet été, deux consoles en forme de feuille d’acanthe sous le fronton. La feuille d’acanthe est un motif ornemental largement présent dans l’architecture grecque classique, il est inspiré des feuilles d’espèces méditerranéennes du genre Acanthus, qui ont des feuilles profondément découpées. L’entreprise de M. Du Bois a ensuite restauré les 25 chapiteaux extérieurs placés au-dessus des oves de l’église du Sacré-Cœur. L’ove est typique de l’ordre ionique dans l’architecture classique. La société Cal’as bénéficie en effet d’une expertise de lavage non agressive.
L’équipe de M. Du Bois a posé en octobre pendant une semaine les feuilles d’or sur les lettres du tympan dans le fronton après avoir regravé l’inscription préexistante « Église catholique romaine ». Après une phase de nettoyage la préparation avec un enduit a permis de coller les feuilles d’or 25 carats au support de façon pérenne malgré les intempéries à l’air libre. Contrairement à la peinture, la feuille d’or ne pâlit pas et reste intact sous la couche de pollution et de mousse qui s’agrègent sur la pierre. La pose des feuilles d’or, rassemblées dans des carnets est très exigeante et se fait au pinceau en utilisant l’électricité statique. Selon le poseur de feuilles d’or, l’artisan Mr Vivien Thomasse, « c’est très rare d’avoir un tel chantier sur une si grande superficie de pose d’or. »
Sans être religieux, M. Du Bois aime le savoir-faire autour de l’Art sacré et les défis relevés face à la statique. Et l’ingéniosité développée, du temps des cathédrales puis au XIXè siècle.
Un chantier de restauration plonge les artisans sculpteurs à l’époque du Moyen-Âge. La société Cal’as a notamment restauré les gargouilles de Notre-Dame place Cornavin, l’église Saint-François et la Chapelle des Macabées dans la Cathédrale Saint-Pierre. M. Du Bois se passionne pour retrouver et remettre en lumière les ornements effacés.
La molasse de Genève est réputée pour sa dureté, sa couleur rouge et son abondance dans le lac. Le lac descendait de 4 mètres au Moyen-âge, la place du Mollard était un port et la plaine de Plain Palais était un marécage. Lorsque le barrage fut construit en 1850, le débit du lac a pu être régulé. Ceci a permis de construire le grand boulevard James Fazy et l’emplacement actuel de l’église du Sacré-Cœur. Les molasses qui venaient aussi alors de Satigny, Dardigny, Cartigny etc, ont eu tendance après la révolution industrielle a être remplacées par des calcaires français acheminés par le train. C’est le cas de l’église du Sacré-Cœur avec ses ouvrages ornementés comme les colonnes et les chapiteaux.
Le regard de M. Du Bois sur le métier de sculpteur de pierre est assombri par le constat fait sur cette profession qui tend à disparaître et le manque de perpétuation. Le savoir-faire manuel est de plus en plus remplacé par des machines à commandes numériques et l’on restaure en général peu ou trop sommairement. Cependant les tailleurs de pierre sont encore très demandés sur les façades des bâtiments. L’entreprise Cal’as mène à cet égard un travail de sensibilisation des métiers de la sculpture.
Le chantier de l’église du Sacré-Cœur et l’aménagement intérieur de la future Maison d’Église contribuent à leur manière à la transmission de ces savoir-faire ancestraux.