Aujourd’hui, nous vous proposons un texte de l’abbé Alain René Arbez sur le sel et la lumière évoqués dans le passage l’Évangile selon saint Matthieu, chapitre 5 versets 13 à 16.
Après leur avoir enseigné le derekh (chemin d’humanité) au mont des Béatitudes, Jésus dit à ses disciples, et il dit à tous ceux qui adhèrent au message de l’alliance de Dieu avec les hommes :« Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde ! »
En Orient, partager le pain et le sel est un geste d’hospitalité et d’accueil. Mais devenir sel, cela signifie plusieurs états d’esprit et plusieurs pratiques de vie susceptibles de changer le visage du monde en résistant à la fatalité :
dans la Bible, le sel (melakh) est lié à la sacralité de l’alliance (berit). « Le pacte du sel est éternel » (Nombres 18,19). C’est pourquoi dans le Temple de Jérusalem, les prêtres jettent du sel sur les offrandes en signe d’alliance et pour purifier les viandes. « Tu offriras sur l’autel un jeune taureau et un jeune bélier sans défauts, tu les offriras devant l’Eternel. Les prêtres jetteront du sel pour rappeler l’alliance »(Ezekiel )
Lorsque Jésus demande aux disciples de devenir « sel de la terre », il leur demande d’agir de manière à renforcer l’alliance mais aussi d’être capables de purifier les gestes humains accomplis sous le regard de Dieu. Les disciples semblables au sel sont ceux qui assainissent les mentalités et les activités humaines, pour les rapprocher de la volonté de Dieu.
Le sel est aussi ce qui donne du goût aux aliments. Les disciples ne peuvent pas rester incolores, inodores et sans saveur ! Restituer la saveur des belles choses de la vie aux yeux de tous, voilà le goût d’éternité qu’il est indispensable de leur ajouter. Si les anciens utilisaient le sel pour conserver les aliments, cela veut dire que – dans le même rôle – nous devons sauvegarder et préserver les valeurs les plus essentielles pour la vie communautaire.
En latin, il est à remarquer que le mot sagesse (sapientia) et le mot saveur (sapor) sont très proches. Que deviendrait la vie sans la sagesse issue de la foi judéo-chrétienne ? L’affadissement se fait déjà fortement sentir dans les situations déclinantes de nos sociétés…
Mais le sel à l’époque de Jésus est aussi un engrais dans le sol des agriculteurs. De même, les disciples qui adhèrent à l’alliance deviennent des agents de fertilisation du terreau humain. Nous ne pouvons pas laisser les champs d’action se dessécher et se déshumaniser.
Quant à la lumière, on peut dire que toute la Bible est un hymne à la lumière ! Au commencement, Dieu dit : « Que la lumière soit ! ». Or la création se poursuit, et les êtres humains sont porteurs de cette lumière créatrice. L’Ecriture nous rappelle que le Dieu créateur est en même temps Dieu sauveur… De la nature, on passe à l’histoire ! Comme le dit le psaume, « Ta Parole est lumière sur ma route ». On ne peut oublier que Moïse descend de la montagne du Sinaï le visage rayonnant de lumière pour transmettre au peuple la Torah. La fête de Hanoukka célèbre la puissance de cette lumière au milieu des ténèbres de l’histoire humaine.
Avec conviction, l’apôtre Jacques affirme : « Dieu est le père des lumières ! » (Jc 1,17) et Paul écrit aux membres de la communauté d’Ephèse éclairés par la lumineuse résurrection du Christ : « Vous étiez ténèbres, maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur, marchez en enfants de lumière ! » (Eph.5,8)
Sel de la terre et lumière du monde, tout un programme de vie.
Abbé Alain René Arbez, juin 2021