Il y a le ciel, le soleil et la mer, pour paraphraser la fameuse chanson de François Deguelt (auteur, compositeur et interprète) et tant de fois reprise. Alors oui, c’est l’été et, au bord de l’eau, il n’est pas interdit de lire quelques ouvrages de qualité qui font travailler (un peu) les neurones, après s’être préalablement enduit de crème solaire.
« Une prédication, si elle n’est pas une parole à vif, ne touche pas les cœurs. » C’est une des affirmations fortes de Marie Cénec, pasteure genevoise qui bouscule les certitudes pour privilégier ses convictions dans cet essai où il est question de Parole, mais pas seulement.
Née à Strasbourg, Marie Cénec a passé son enfance en Alsace dans une famille catholique mais pas particulièrement pratiquante. Elle est l’ainée de 5 frères et sœurs. « Plongée dès l’âge de 6 ans dans le fondamentalisme chrétien, j’étais heureuse de faire escale l’été chez mes grands-parents », écrit celle qui est devenue pasteure (et donc convertie) et qui officie désormais à Genève entre le Temple de Malagnou et la Fusterie. C’est à la Faculté des lettres de l’Université de Strasbourg qu’elle rencontre le protestantisme par l’intermédiaire de son aumônerie universitaire. Puis ce sera théologie et elle bénéficiera notamment d’une bourse qui l’emmènera à Genève.
« N’est-ce pas uniquement au cœur du dialogue que peut se vivre un partage spirituel ? », écrit encore Marie qui partage avec le lecteur, dans les pages de son livre, une douleur qui remonte à l’enfance. Sa mère radicale évangélique, son oncle lui, rejoint les témoins de Jéhovah, on comprend alors son plaisir de retrouver son grand-père avec qui « je partageais l’amour des roses et de la liberté de pensée. » Chez lui, elle reposait son corps et son esprit. C’est son grand-père qui lui « offre l’espace de douter, de ne pas savoir. »
Parler, partager, s’affranchir de la religion, cultiver le doute, mène vers la liberté de croire et non l’obligation d’embrasser une foi radicale. Raconter son histoire, c’est lutter contre la montée des radicalismes qui « jette son ombre sur le monde religieux. »
C’est l’histoire d’un parcours, d’une lente découverte afin de se défaire d’un carcan qui est contraire à ce qu’elle est. Marie Cénec « revendique une parole libre car c’est en cela qu’elle croit, malgré tout. » Cette liberté de parole est-elle compatible avec la foi, la religion, l’engagement au sein de son ministère ? Est-elle conciliable avec la rencontre de celles et ceux qui viennent peut-être chercher en Église des certitudes ? Son expérience et les souffrances de l’enfance l’ont tout droit menée vers la tolérance et le dialogue, passant ainsi de la contrainte à la liberté de croire. Ce chemin fut « long et sinueux » et c’est finalement dans le protestantisme réformé qu’elle trouve son équilibre, la liberté de vivre et de penser. « S’il faut parler, je m’y risque pour que se fissure en moi le mur du religieux érigé en idole. » La parole est franche, tranchante, sans concession. C’est là que réside la grandeur du paradoxe : entre fondamentalisme et liberté. Croire c’est douter et le droit au doute constitue la vérité de la foi. Comme « Le Dieu de la Bible qui est ambivalent ; il ne peut se résumer à l’amour, ni se réduire aux besoins de grands bébés qui ont besoin d’être bercés par des paroles lénifiantes. » Si vous cherchez chez Marie Cénec des paroles consensuelles, des mots uniquement rassurant… passez votre chemin, le dialogue n’est pas fondé sur le renoncement de ses convictions.