Le 6 janvier, l’Épiphanie, du grec épiphanéia : « apparition », célèbre la manifestation de Jésus comme Messie aux païens en la personne des mages. Elle rappelle la recherche. Dans nos régions, l’Épiphanie est souvent célébrée en sourdine. « C’est regrettable, car l’Épiphanie est une grande fête missionnaire », déplore le frère Guy Musy, de la communauté dominicaine de Genève. En quatre questions, il nous éclaire sur les traditions de cette fête chrétienne.
Fondamentalement, c’est la même démarche, mais avec des accents différents. L’une et l’autre fête célèbrent la manifestation ou l’apparition de Dieu sur la terre (le mot « épiphanie » signifie «manifestation » en grec.) Mais le récit de Noël, celui de Luc, lu dans la nuit du 24-25 décembre évoque l’apparition aux bergers qui n’ont pas un long chemin à parcourir pour se rendre à la crèche et qui, disons-le tout de go, ne jouissent pas d’une excellente réputation. Ils représentent les enfants perdus d’Israël pour qui le Sauveur est venu en priorité. L’humilité et la pauvreté de cette manifestation divine continuent à frapper nos esprits et nos cœurs. Le récit de l’Évangile de Matthieu lu le 6 janvier, fête de l’Épiphanie, confirme la même vérité théologique, tout en lui donnant un autre cadre. On nous parle de «mages », donc d’hommes instruits et qui viennent de loin à la recherche de l’Enfant-Dieu.
Les bergers étaient guidés par les anges, les mages par une étoile. Pas forcément celle apparue sur la lunette de leur télescope, mais par celle qui scintillait dans leur cœur. Donc deux récits parallèles et complémentaires, très parlants l’un et l’autre: le Christ apparaît aux bergers qui sont proches de lui et qui lui ressemblent, mais aussi à ceux qui le cherchent depuis longtemps et qui ont pris un très longue route pour le trouver. Noël a besoin de l’Épiphanie pour souligner que le christianisme n’est pas une religion tribale. Si Jésus est apparu au milieu des siens, il ne s’y enferme pas. Il s’ouvre aux nations lointaines et étrangères pour rencontrer tous les « chercheurs de Dieu », les plus proches et les plus lointains. D’où la note missionnaire de la fête de l’Épiphanie.
Les mages sont des personnages mystérieux, ils viennent d’Orient, guidés par une étoile, d’où l’idée de mages comme des spécialistes de l’astronomie et de l’astrologie.
L’Évangile ne nous dit pas qu’ils sont trois ou qu’il s’agit de rois, il s’agit d’ajouts postérieurs. C’est la piété populaire qui en a fait des rois. Ils ont commencé par représenter les trois âges de la vie: la jeunesse, l’âge adulte et la vieillesse, pour signifier la totalité et le fait que Jésus vient pour toutes les générations. Avec le temps, on leur a même donné des noms: Melchior, Gaspard et Balthazar, dont l’un serait blanc, un autre jaune et le troisième noir, toujours pour signifier la totalité et l’universalité. La dévotion des mages était extraordinaire surtout au Moyen-âge et on a vénéré leurs reliques. Elles sont aujourd’hui en Allemagne, à Cologne, transportées depuis Milan par un empereur allemand. Elles ont même traversé la Suisse et, près du lac de Constance, on célèbre encore leur passage.
Selon le texte, les mages « entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents: de l’or, de l’encens et de la myrrhe. » Des cadeaux manifestement symboliques. L’or est le signe de la royauté, l’encens honore la divinité et la myrrhe, qui sert à l’ensevelissement des morts, est une allusion au sacrifice du Christ.
J’aime beaucoup cette fête parce qu’elle signifie que la quête de Dieu n’est pas une autoroute, une marche aisée, mais que nous pouvons néanmoins arriver à notre destination. Encore faut-il être fidèle à son « étoile » et ne pas nous laisser séduire et détourner par tous les Hérode rencontrés sur notre chemin. L’Épiphanie nous dit aussi que Dieu ne se manifeste pas de façon éclatante, mais dans la discrétion, dans les bras de sa mère. C’est donc dans le quotidien et l’ordinaire de la vie que nous devons le chercher. Et peut-être aussi le rencontrer.
Fr. Guy Musy
Frère Guy Musy est né en 1936 dans le canton de Fribourg. Entré dans l’ordre des Frères Prêcheurs en 1956 et il est ordonné prêtre en 1962. Après avoir pris en charge l’aumônerie catholique de l’Université de Lausanne, il répond en 1970 à l’appel de ses supérieurs qui l’envoient au Rwanda. Il y demeurera quelque vingt ans durant lesquels il assumera différents ministères. De retour à Genève en 1989, entre autres activités, il enseigne à l’Atelier Œcuménique de Théologie et à l’Ecole de la Foi de Fribourg. Passionné d’écriture, il est l’auteur de différents ouvrages et il est depuis plusieurs années rédacteur responsable de la revue dominicaine «Sources».
Membre du couvent dominicain de Genève (Grange-Canal/Cologny), il anime régulièrement des formations et des conférences.
Image du haut: Robert-Thiemann – Unsplash.jpg