Divorcés ? L’Église ne vous abandonne pas, ne vous exclut pas, mais elle vous écoute et elle vous accompagne. C’est le message d’un petit flyer disponible depuis le mois de février dans les paroisses de l’Église catholique à Genève. Une promesse exigeante, mais réfléchie, et qui vise à dissiper les malentendus et les idées reçues de personnes qui après un divorce s’auto-excommunient ou se sentent mises à l’index par l’Église. « Le pape nous invite à accueillir chaque situation particulière dans sa spécificité », explique le Vicaire épiscopal, l’abbé Pascal Desthieux. Il a fait de l’accueil des personnes divorcées une orientation pastorale pour notre Église.
Une question épineuse, s’il en est, et un point de fracture, sinon de divorce, entre l’institution et les fidèles : les résultats nationaux de la consultation mondiale des évêques sur la famille (2014 et 2015 au Vatican), conduite en préparation des deux Synodes, signalaient en effet une grande incompréhension parmi les catholiques suisses envers la doctrine officielle de ne pas autoriser les divorcés remariés à recevoir les sacrements 1. Cette même analyse soulignait comment l’enseignement de l’Église apparaît à un grand nombre de fidèles comme un ensemble d’interdictions, dont celle du divorce.
Après la publication d’Amoris laetitia, l’exhortation apostolique post-synodale du pape François sur l’amour dans la famille, le Vicaire épiscopal pour le canton de Genève, l’abbé Pascal Desthieux, a demandé à la Pastorale familiale (PFG) d’approfondir la question des divorcés pour répondre à l’invitation du Pape à « accompagner, discerner et intégrer. » «Trop souvent nous entendons dire ‘maintenant que je suis divorcé’ ou ‘maintenant que je me suis remarié je ne peux plus aller à l’Église’. C’est faux et cela nous fait mal. Les portes des églises ne se ferment pas pour les personnes divorcées », clarifie l’abbé Desthieux. « Au contraire le divorce est une épreuve, souvent douloureuse, avec des blessures, et notre mission est d’être présents dans ces moments de fragilité», argumente le Vicaire épiscopal.
Pour traduire cette volonté dans un projet concret, un groupe de travail constitué par la PFG a proposé une démarche sur deux axes: communiquer clairement le message de non-exclusion par l’Église des personnes divorcées, d’une part, et développer des outils d’accompagnement et discernement appropriés, de l’autre. Ces propositions ont été validées par le Vicaire épiscopal qui en a fait une orientation pour l’Église cantonale, présentée en janvier lors d’une une matinée de formation pour les prêtres du canton.
La démarche est aujourd’hui résumée et communiquée dans un petit flyer de quatre pages que vous avez peut-être vu dans votre paroisse ou découvert sur le site internet de l’ECR. Intitulé « Divorcé (e)s ? L’Église vous accueille », l’encart part du constat que le divorce existe et propose une démarche d’accompagnement des personnes concernées : avec la création d’un point d’entrée, un « guichet téléphonique » pour les divorcés qui permet d’établir un premier contact, et avec la création d’un réseau de professionnels. En fonction de leur demande, les personnes concernées seront ainsi orientées vers un prêtre, un théologien, un canoniste ou encore un psychologue. Ensemble, ils forment la nouvelle « Plateforme » de l’ECR pour les divorcés. «Le travail s’effectue en réseau et en lien avec différents services, parmi lesquels l’officialité du Diocèse à Fribourg et l’association Couple et famille et son service de médiation », explique Isabelle Nielsen, adjointe du Vicaire épiscopal, engagée dans la PFG depuis de longues années et qui a participé au groupe de travail.
Le défi principal est celui de modifier la perception d’une Église qui juge, condamne et interdit. La publication du flyer s’inscrit dans cet objectif. Il s’adresse en premier lieu aux personnes, nombreuses, qui n’ont pas ou plus de lien avec une paroisse ou un prêtre et ne savent pas à quelle porte frapper, soulignent l’abbé Desthieux et Mme Nielsen.
Les demandes des fidèles peuvent être très différentes : recherche d’une réponse à des questions pratiques, par exemple ‘si je suis divorcé, puis-je faire baptiser mon enfant ?‘ ou plus complexes, comme le besoin de faire le point après un divorce, une séparation ou un nouveau mariage. « La plateforme est également au service des prêtres et des agents pastoraux, pour qu’ils se sentent épaulés et aidés dans des situations où ils ne savent pas trop comment faire pour répondre aux sollicitations », précise Mme Nielsen.
Dans la plupart des situations, il n’y a pas de réponse préconçue et prête à l’emploi et c’est un chemin d’analyse et de discernement qui sera envisagé. S’il est vrai que pour l’Église catholique le sacrement du mariage est un engagement indissoluble pris devant Dieu, « il faut aussi dire et répéter qu’il n’y a pas d’excommunication, que les personnes ne sont pas bannies de l’Église suite à un divorce, une séparation ou une nouvelle union», résume l’abbé Desthieux.
Des chemins de vie qui s’écartent avec les années, une trahison, un abandon sont des blessures difficiles à surmonter… Mais le parcours d’une vie chrétienne ne doit pas s’arrêter pour les personnes qui passent par la case « divorce ». « Si on se base sur Amoris Laetitia et sur les documents des évêques suisses, nous pouvons dire que parmi les divorcés il y a pléthore de situations différentes. L’ouverture que nous souhaitons rendre visible est celle de la prise en considération de cette pluralité de situations. Elle nous permet de voir derrière le terme de divorcé, non pas un statut fermé, mais une nouvelle étape de vie à discerner. Ce que nous proposons est une disponibilité à un accompagnement pour une relecture de ce qui s’est passé, pour aboutir à un murissement et à une prise de conscience. La vie continue et c’est le processus de vie qui compte », explique Isabelle Nielsen.
Pour l’Église, le divorce est un acte civil et il n’est donc pas reconnu d’un point de vue théologique. Mais l’Eglise ne dit pas que cela n’existe pas : elle reconnaît qu’un divorce peut entraîner des répercussions psychologiques et spirituelles, des déchirements et elle a le souci des enfants, quand il y en a. Et les personnes ayant divorcé ont toujours le droit de communier.
Il en va autrement quand un nouvel amour voit le jour, en cas de remariage. Pour des chrétiens respectueux de ce que dit l’Église, c’est une étape difficile. Selon les situations et les demandes, il est possible de s’acheminer vers la reconnaissance de nullité sacramentelle du mariage, pour établir si au moment de sa célébration les conditions d’une union étaient remplies ou pas, explique le Vicaire épiscopal. Mais même quand la nullité du premier mariage ne peut pas être reconnue, l’Église n’excommunie pas les divorcés remariés.
La question de l’accès aux sacrements, en particulier l’Eucharistie, est par contre « sujette à un débat délicat », explique encore l’abbé Desthieux. Surtout depuis l’exhortation Amoris Laetitia et l’appel du pape François à ne pas cataloguer ou enfermer ces personnes dans des « affirmations trop rigides sans laisser de place à un discernement personnel et pastoral approprié. »
Le groupe de réflexion de la Pastorale familiale a choisi de ne pas se focaliser sur la question des divorcés remariés. « Nous ne pouvons pas nier que dans ces situations il y a une rupture par rapport à un engagement. Mais il nous semble que le message de miséricorde du pape François nous aide à dire que s’il y a la loi, chaque loi a à être comprise dans un contexte individuel et spécifique, comme le Christ l’a fait », réfléchit Isabelle Nielsen. Et de poursuivre : « le discernement nous permet d’explorer la situation concrète. C’est très exigeant et cela demande une vraie disponibilité par rapport à une posture légaliste ».
Avec le Vicaire épiscopal, elle espère que le message d’ouverture pour les divorcés aidera à mieux connaître les attentes et les situations des personnes qui interpelleront l’Église. « Cette disponibilité nous permettra de nous remettre au travail si nécessaire. La vie nous invite sans cesse à travailler notre théologie ». Depuis le lancement, le téléphone du « guichet » a déjà sonné plusieurs fois.
(Courrier pastoral avril 2018)
1 Conférence des évêques suisses – Communiqué de presse- 04.02.2014