En plein cœur du massif de la « Chartreuse » dont elle tire son nom, la fameuse liqueur des Chartreux est devenue, au fil du temps, un élixir recherché et qui apporte aux moines du monastère un revenu non négligeable. Mais son histoire est aussi mystérieuse que sa recette qui demeure un secret aussi bien gardé que celui de Fatima.
C’est en 1084 que Saint Bruno et 6 de ses compagnons créent l’ordre des Chartreux dans cette vallée sauvage et reculée de l’Isère. Mais le fameux élixir débute son aventure bien plus tard, en 1605. Les Chartreux de Vauvert à Paris reçoivent en effet du duc d’Estrée un étrange manuscrit avec la formule d’un Élixir de Longue Vie.
En dépit de travaux et de tentatives, la recette est jugée trop complexe par les herboristes chartreux et ce n’est que grâce à la ténacité du frère Jérôme Maubec, qu’en 1764, le monastère de la Grande-Chartreuse, près de Grenoble, produit le divin nectar dans sa pharmacie et commence à en faire commerce. A cette époque, la commercialisation de la « Chartreuse » est effectuée par un frère, à dos de mulet. La distribution est ainsi limitée aux villes proches: Grenoble et Chambéry. C’est le début de sa popularité.
A partir de cet Élixir Végétal, les Chartreux développent un digestif au goût original dénommée liqueur de santé.
La révolution française disperse l’ordre monastique en 1793 et la distillation s’interrompt. Le secret de la recette est conservé car le manuscrit est emporté et caché. Une copie demeure au monastère, protégé par un moine qui assure seul la protection du monastère quasi à l’abandon. Incarcéré à Bordeaux, le moine remet une copie de la recette à un confrère qui la cède à un pharmacien de Grenoble, un certain Liotard. Il soumet la recette au ministère de l’intérieur de Napoléon 1er en 1810. Celle-ci est refusée car jugée « trop complexe ».
En 1816, les moines réintègre le monastère de la Grande-Chartreuse et la distillation reprend. Plus douce que son aînée verte, une Chartreuse jaune est développée en 1840 et une distillerie est construite en 1860.
En 1903, la communauté est à nouveau expulsée de France et les Chartreux emportent la recette et une nouvelle distillerie est installé en Espagne, à Tarragone. Confisquée par le gouvernement français, celui-ci tente de remettre en route la distillerie de Fourvoie mais c’est un échec ajouté à un désastre financier. Le secret des Chartreux est bien conservé grâce à sa complexité. Constitué en effet, au début, de plus de 2000 plantes, c’est en définitive 130 plantes différentes qui composent le fameux nectar jaune et et vert.
C’est seulement après le deuxième guerre mondiale que les Chartreux reviennent à leurs origines en France. Le gouvernement levant l’ordre d’expulsion et rendant aux frères leur statut juridique de résidents français. Depuis 1989 la liqueur est exclusivement produite à Voiron, en Isère.
Le mélange végétal est désormais réalisé au monastère par deux moines liquoristes. Le secret de sa recette continue à être jalousement gardé et les deux moines en question n’en connaissent chacun que la moitié. La recette n’étant protégé par aucun brevet, sa complexité et son savoir-faire sont garant de sa pérennité, de son succès, de son originalité et préserve ainsi le monopole unique de l’ordre cartusien.
Aucun additif artificiel n’entre dans la composition du nectar et sa méthode de fabrication demeure peu connue, encore aujourd’hui. Les plantes sont d’abord macérées dans un alcool de raison puis distillées. Les alcoolats sont additionnées de miel distillé et de sirop de sucre. Les breuvages sont ensuite vieillis en foudres de chêne de Russie ou de Hongrie, ou encore, pour les plus récents, en en chêne de l’Allier. Leur couleur respective est principalement due à la chlorophylle et au safran. La « jaune » présente un taux d’alcool de 40% alors que la « verte » avoisine les 55%. L’Élixir végétal de la Grande-Chartreuse, quant à lui présente un degré d’alcool de 69°. A consommer avec modération.
Un millions cinq cents flacons sont vendus chaque années dont environ quatre-vingt mille élixirs. Cette manne financière est bien entendu importante pour la communauté de la Grande-Chartreuse.