§L’architecture, c’est l’art d’organiser l’espace pour que les gens puissent y effectuer ce qu’ils ont à faire. C’est, en effet, un art car il porte une signification autrement que par des mots. L’église du Sacré-Cœur propose une configuration qui interpelle mais qui n’a rien d’original.
Ça n’est pas un terme qui sort de nulle part ! Les Evangiles de Marc et Luc, puis les Actes nous disent qu’au début, les disciples de Jésus ont commencé à se réunir dans l’architecture qu’avait choisie Jésus pour le dernier repas : la salle du Cénacle. Dans les « Lettres » aux diverses Eglises de Paul, il est fait mention de l’Eglise qui se réunit dans des « maisons ». Ces maisons furent le premier réseau d’églises chrétiennes.
On a trouvé en 1932, à Doura Europos, en Syrie orientale, une construction datant de 241, qui est une « maison d’église ». C’est la plus ancienne chapelle chrétienne conservée et précisément datée, pourvue d’un baptistère, et ornée des plus anciennes fresques chrétiennes. C’est une simple demeure particulière réaménagée : on l’appelle Domus Ecclesiae.
Ainsi les églises des premiers chrétiens étaient des lieux de rassemblement d’une communauté ; au contraire des païens qui édifiaient des temples. La communauté chrétienne s’édifie en se réunissant, en écoutant la Parole, en célébrant les mystères et les sacrements et en même temps édifie l’espace qui permet cette édification de la communauté. Ils se réunissent comme Jésus leur a appris à le faire pour que, lorsqu’ils sont réunis en son Nom, il puisse « être au milieu d’eux », car Jésus le dit explicitement : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux. » (MT 18,20).
Si l’on connaît l’organisation classique d’une église ou d’une cathédrale (Nef, Transept…) et sa forme en croix, d’autres approches existent, notamment le dispositif « autour » du prêtre.
La présence de l’autre est rendue réelle dans ce dispositif en rond, autour de… et donc autour de la Parole et ainsi de l’incarnation à la fois de Dieu et des fidèles en communion. Ce « face à face » permet de faire communauté. D’ailleurs, c’est l’espace qui nous distingue, qui nous sépare et en même temps c’est lui qui nous « met en présence » et donc permet notre relation, permet donc notre communion.
Monseigneur Lustiger, convoquant Jean-Marie Duthilleul, lui déclare : « cette église est un cinéma. Faites-moi une Eglise ».
Le concile Vatican II, voit progressivement l’abandon des prie-Dieu. La question qui se pose alors n’est plus celle du confort individuel des fidèles et de leur emplacement dans l’église, mais celle du sens profond de la liturgie. La messe n’est plus un spectacle auquel on « assiste », en réservant sa place, mais redevient une action commune (« liturgie » signifie « action du peuple ») à laquelle chacun est invité à participer pleinement. Pour permettre un meilleur regroupement de cette assemblée, certaines paroisses réduisent le nombre de places assises, en laissant un espace devant (pour permettre aux enfants de s’asseoir sur des tapis par exemple) ou en les rapprochant du chœur pour inviter les fidèles à entourer l’autel, la table eucharistique.
C’est l’une des grandes redécouvertes du Concile : l’autel n’est plus isolé dans des chapelles latérales ou relégué au fond du chœur. Signe de la présence du Christ au milieu de son peuple, il est le centre symbolique de l’église. Le débat « dos au peuple » ou « face au peuple » n’a donc plus de raison d’exister, car les chrétiens sont invités à se rassembler autour de l’autel. Pour cette raison, beaucoup de paroisses décident de rapprocher les chaises du chœur en un mouvement circulaire ou demi-circulaire, signe de l’alliance entre Dieu et les hommes. Un certain nombre d’églises construites dans les années 1960-1970 ont d’ailleurs adopté d’emblée ce parti pris architectural de l’hémicycle.
En fin de compte, la liturgie est intrinsèquement liée à l’architecture. L’organisation du lieu, le sacré et la présence des fidèles autour du prêtre ont toujours fait l’objet de réflexion, de recherches, voire d’expériences.
Rien n’est figé, rien n’est absolu, rien n’est définitif et ancré dans le marbre. Une église est un lieu de vie et de célébration. Il est normal et intéressant de constater son évolution au cours des siècles.