Dans le cadre de notre petit voyage dans la littérature, nous vous proposons de découvrir un des grands auteurs français de la « spiritualité »: François Cheng, avec son dernier livre: « Cinq méditations sur la beauté ».
Né en Chine en 1929, au sein d’une famille lettrée et universitaire, François Cheng arrive en France en 1949. Il se consacre à l’étude de la langue et de la littérature française. Après une longue période d’adaptation marquée par le dénuement et la solitude, il obtient son 1er emploi en 1960. Poète, romancier et traducteur de la poésie chinoise et française, il est chargé de cours à l’université de Paris VII et est naturalisé en 1971. Il entre à l’Académie française en 2002 et reçois divers prix pour l’ensemble de son oeuvre: le prix André Malraux pour Shitao, la saveur du monde, le prix Roger Caillois pour ses essais et son recueil de poèmes Double chant, le prix Femina pour son roman Le Dit de Tianyi et le Grand prix de la Francophonie pour l’ensemble de son œuvre. Docteur honoris causa de l’université de Bergame (Italie) et de l’Institut catholique de Paris (2007).
François Cheng fait partie de ces auteurs rares qui, comme Cioran, rédige son oeuvre dans une langue apprise dès l’âge de 20 ans. Un tour de force considérable, surtout si l’on conçoit que le style, la langue de ces deux là est unique. Auteur de la joie, il précise clairement que pour en parler il faut passer par la souffrance extrême. « Je ne cherche pas la sérénité, dit-il encore, ni la sagesse, au contraire, il faut continuer à se laisser travailler par la souffrance du monde ». L’oeuvre de François Cheng est toute entière incluse dans cette déclaration et rejoint, d’une certaine façon, le plus grand de nos romantiques, Alfred de Musset: « L’homme est un apprenti, la douleur est son maître et nul n’a vécu tant qu’il n’a pas souffert ».
C’est un écrivain de la « double culture » en quelque sorte et il n’est donc pas étonnant que son oeuvre soit nourrie, à la fois par la spiritualité de ses origines, l’Asie (plus précisément la Chine) et la littérature française qu’il chérit tant. Profondément croyant, sa foi catholique irradie son oeuvre (De l’Âme et Assise – Une rencontre inattendue – Albin Michel).
Ses réflexions sur la beauté pourraient paraître comme un exercice périlleux, tant il est complexe de disserter sur un sujet pour lequel la dimension subjective passe pour être la règle absolue. Qui n’a pas entendu: « C’est une question de goût », ou encore, « Les goûts et les couleurs… »
François Cheng, dans son ouvrage, ne s’embarrasse pas du goût des autres. Il considère notamment que la beauté est indissociable du mal (et non de la laideur), au même titre que la vie et la mort sont inséparable. « Le mal et la beauté constituent les deux extrémités de l’univers vivant, c’est à dire du réel. » Sans ombre il n’y a pas de lumière.
« A l’époque de la confusion des valeurs… » il est réjouissant de lire ses lignes comme il est étonnant de vouloir chanter la beauté au couchant de la vie et d’aborder ce thème dans la pureté et la paix. C’est l’expérience que François Cheng a réussi dans Cinq méditations sur la beauté. Évoquer la beauté d’un coucher de soleil, d’une rose ou du Mont Lu de sa Chine natale, et les écrivains qui abordent le sacré qui se trouve lié à la beauté (Baudelaire et Claudel parmi d’autres), constituent les deux premières méditations.
Il analyse la beauté chez Saint Augustin dans la troisième, la création artistique avec l’expérience d’écrivains dont Platon, Dante, Alfred de Musset ou Keats dans la quatrième méditation. La cinquième et dernière méditation est centrée sur l’esprit tourné vers le Créateur, à travers les artistes peintres dont Matisse, Chagall, Miro, Zao Wouki… car « l’art élève l’homme à la dignité du Créateur », écrit-il.
Ces cinq méditations aboutissent à la beauté en tant que don suprême et défi pour l’homme. Avec François Cheng, nous pouvons partir méditer à la découverte du sens profond de la beauté, chemin de la vraie vie.
La lecture de ce livre de François Cheng ouvre des horizons multiples quant à la création, la spiritualité, le sens aigu de la nature et la place que l’homme trouve dans cette diversité qu’il façonne autant qu’elle le façonne. En conclusion: la beauté comme principe de vie exclut toute utilisation de celle-ci comme outil de tromperie ou de domination. Car ceci est la laideur même, le mal.
Image: couverture du livre de François Cheng
SD&C
août 2020