Parier suppose un engagement personnel et l’enjeu du pari de la foi est, quant à lui, double. Il faut accepter de se « miser soi-même » pour laisser à Dieu la place de se révéler hors des catégories que nous lui attribuons.
« J’espère que le micro ne fonctionne pas, car je n’ai pas de réponse à vous donner ! », lance Hans-Christoph Askani, ancien professeur de théologie systématique à l’Université de Genève. Ce cri du cœur fait écho à l’intervention d’une auditrice l’interrogeant sur l’insoluble question du Mal lors de la présentation de son nouvel ouvrage. Le théologien était l’invité des Eglises catholique et protestante de Genève dans le cadre des rencontres Un auteur, Un livre, dans les locaux de la librairie Payot le 18 janvier dernier. Humblement, le professeur maintenant retraité, affirme que sn ouvrage Le pari de la foi (Labor et Fides) n’est pas un traité sur la foi dispensé par un spécialiste en la matière, mais plutôt une invitation à réfléchir avec lui « à ses différents points de cristallisation ».
« Dans ce livre, je parle de ce que j’essaie de trouver, ou de penser », affirme l’auteur. Il poursuit, « la vraie profondeur sur les questions de foi commence dans une intense relation avec Dieu. Ma démarche avec ce recueil de textes est de démontrer que les textes bibliques permettent de découvrir Dieu autrement ». Il prend pour exemple la parabole du fils prodigue et la confronte au récit d’André Gide. A la fois très similaire, cette nouvelle s’éloigne du récit biblique par l’ajout de nouvelles voix entrant en dialogue avec le fils prodigue, celui de la mère et d’un frère cadet. Ces deux personnages ouvrent le lecteur sur une autre personnalité de Dieu, représentée par le père. Alors que nous nous attendons à une attitude de réprimande envers le fils parti dépenser sa part d’héritage, le père au contraire fait acte de bonté. « L’enjeu se situe entre ce que nous attendons de Dieu et cette bonté qui fait éclater toutes nos catégories », indique Hans-Christoph Askani. Jésus, tout comme André Gide, introduit le lecteur dans une rencontre qui le pousse à dépasser ses attentes ordinaires.
« La nouvelle traduction du Notre Père affaiblit les enjeux bibliques », déclare ensuite l’orateur pour introduire le chapitre de son livre intitulé La tentation de la foi. Il paraphrase un article lu dans Le Monde concernant la nouvelle traduction du Notre Père : « Un Dieu qui nous introduit en tentation est diabolique selon cet article ». Il interroge l’assemblée, « est-ce que cette approche cherchant à éviter toute tentation correspond réellement à la relation que l’humain entretient avec Dieu ? » Sans attendre la réaction du public, le théologien poursuit sur sa lancée, « la question n’est finalement pas d’éviter la tentation, mais plutôt de se savoir entre les mains de Dieu lorsqu’elle survient ». Il en va de même pour le Mal selon l’ancien professeur. « Savoir d’où vient le Mal est une fausse question concernant un problème bien réel », commente-t-il. Lorsqu’on parie avec avec Dieu, il est probable que la “solution” ne soit jamais donnée. Or, c’est peut-être justement grâce à la foi que les solutions ne sont plus si importantes, car elle a la faculté d’emmener celui qui croit au-delà de réponses toutes faites, dans des horizons inattendus.
Myriam Bettens, janvier 2020