Après 15 ans d’intense activité, Raphaël Buyse, prêtre du diocèse de Lille, ressent le besoin de se retirer au sein d’une communauté bénédictine. Là, il expérimente le silence de Dieu. Dans son dernier ouvrage, il témoigne de quelle manière ce temps d’épreuves a bouleversé l’idée qu’il se faisait de Dieu.
« J’étais persuadé que Dieu me parlerait, mais il ne s’est rien passé du tout », révèle Raphaël Buyse en relatant les circonstances qui l’ont amené à faire la troublante expérience du silence de Dieu. Ce prêtre du diocèse de Lille ressentait le besoin de prendre du recul pour se réajuster. La vie monastique le fascine. Il saisit donc l’opportunité de la vivre de l’intérieure dans une communauté bénédictine de Clerlande, en Belgique. Il s’y retire un an. Une année de « déroute, de débâcle et de désarroi ». Les termes utilisés par le prêtre diocésain sont forts, mais témoignent de l’état d’esprit dans lequel il se trouvait alors. Son émotion est palpable et les nombreux « filtres » de la vidéoconférence ne l’effacent pas totalement.
N’ayant pas encore repris le chemin de la librairie Payot pour cause de coronavirus, Raphaël Buyse a accueilli le petit groupe intéressé par son dernier ouvrage directement dans son salon, par écran interposé. A l’initiative des Eglises catholique et protestante de Genève, l’auteur a présenté son dernier livre, Autrement Dieu, lors d’une conférence par le biais de la plateforme Zoom le 27 juin dernier dans le cadre des rencontre Un auteur un livre.
« J’ai eu le sentiment d’avoir construit ma vie sur un mirage », poursuit-il. Plongé dans le doute, Raphaël Buyse interroge Dieu : « Où es-tu ? ». Contre toute attente, ce dernier lui renvoie sa question. Le vertige envahit alors ce prêtre hyperactif pétri de certitudes au sujet de son Dieu et de ce que devrait « être un bon prêtre ». Il se replonge dans l’Evangile et redécouvre sa propre humanité à travers celle de Jésus. A l’école du Christ, il réapprend « comme Lui à être là, pas ailleurs ». Cet explorateur intérieur, comme le nomme Marie Cénec, modératrice de la rencontre, discerne aussi une autre manière de comprendre l’amour, la pauvreté, et même l’obéissance. « Aujourd’hui, l’obéissance est mal perçue, alors qu’obéir signifie simplement rester à l’écoute tout en demeurant attaché à sa source, comme le fait Jésus avec son Père », indique Raphaël Buyse. Il affirme aussi qu’elle n’est jamais unilatérale, car « il n’existe pas simplement une catégorie de personne subordonnée à une autre. Nous nous devons obéissance les uns aux autres ».
Dans le même temps, une autre facette de l’humanité de Jésus se dévoile au prêtre en quête de réponses. Il croyait avoir saisi ce que « posture de simplicité » signifiait, mais comprend un peu abruptement que ce n’est pas le cas. De retour du monastère, il réalise que toutes ses possessions avaient été mises aux ordures. Lui qui cherchait à simplifier sa vie, se retrouve à expérimenter la « vraie pauvreté, celle qu’on ne choisit pas, mais qui nous tombe dessus ». En traçant un parallèle entre sa situation et celle dans laquelle l’Europe s’est retrouvée ces quelques derniers mois, Raphaël Buyse affirme que « les temps sont favorables à une simplification de nos existences ». En effet, il souligne avec une pointe d’humour la nécessité d’accueillir la vie comme une manne, « sans essayer d’en faire des conserves ». Avec des mots simples et un ton libéré des artifices dont la littérature spirituelle peut parfois se parer, l’auteur ne craint pas de se montrer tel qu’il est : un homme avant tout, traversé de doutes, de joies et de peines.
Images et texte Myriam Bettens
juillet 2020