Comment accompagner spirituellement des personnes traversant des épreuves en lien avec la grossesse ou la naissance ? Comment les aider à se relier à un Dieu qui les aime inconditionnellement ? Théologienne protestante et mère d’une fille de 9 ans, Elise Cairus explore ces questions dans le livre « L’accompagnement spirituel des naissances difficiles » (Editions Salvator).
Elise Cairus: Au moment de mon accouchement, j’ai fait une grosse complication et cela m’a questionnée sur le risque de perdre la vie en la donnant. En creusant le sujet, j’ai appris que dans le monde plus de 300.000 femmes meurent chaque année pendant ou après la grossesse ou à l’accouchement, surtout dans les pays à faible revenu. J’ai aussi pris conscience du nombre d’épreuves qui peuvent surgir autour de la maternité, entre les couples qui n’arrivent pas à avoir d’enfants, les fausses-couches, les questions soulevées par la procréation assistée, l’annonce d’une malformation, une interruption de grossesse envisagée ou pratiquée ou encore la naissance d’un enfant malade ou avec un handicap. Comment accompagner les personnes qui traversent ces épreuves et répondre aux questionnements spirituels, éthiques et existentiels qui peuvent en surgir ? Je me suis rendu compte que souvent, les pasteurs et les prêtres de nos Eglises ne sont pas suffisamment outillés pour accompagner les individus dans ces circonstances et les aumôniers d’hôpital interviennent dans le contexte bien défini du milieu médical.
En Eglise, nous avons des préparations pour le mariage, pour le baptême mais entre le mariage et le baptême du premier enfant, c’est un peu le vide ! Il n’y pas vraiment d’accompagnement spirituel de la grossesse et de la naissance. Cela se fait en France dans les cliniques catholiques de la congrégation des Petites Soeurs des Maternités Catholiques, qui a pour vocation d’accompagner la vie naissante. Elles accompagnement les couples et les mères autour de l’arrivé d’un enfant, avec des étapes, des textes bibliques comme ceux de l’Annonciation et de la Visitation et la bénédiction de l’enfant in utero. A la naissance il y a une célébration d’envoi. A ma connaissance en Suisse, il n’y a pas de tel parcours. Pourtant la naissance nous parle du mystère de la vie, nous interroge sur le sens de la vie. Les parents sont co-créateurs avec Dieu. C’est une preuve de confiance d’un Dieu qui nous confie les uns aux autres. L’amour que l’on ressent pour l’enfant nous rapproche de l’amour inconditionnel de Dieu.
De l’infertilité à l’annonce d’une malformation ou une fausse couche, les difficultés et les épreuves peuvent être nombreuses et profondes. La médecine est très présente dans ces contextes, des psychologues aussi, mais souvent les personnes restent seules avec leurs questions spirituelles ou existentielles : avons-nous le droit de mettre au monde une personne qui souffre ? Pourquoi cela nous arrive-t-il à nous ? Un sentiment de culpabilité peut naître. Les Eglises peuvent s’appuyer sur des textes bibliques pour accompagner ces situations, en aidant à percevoir un Dieu qui ne punit pas, ne juge pas, qui est là avec nous et écoute nos colères. Nous avons le droit de crier à Dieu notre douleur, c’est maintenir une communication.
L’histoire de Marie peut aider les mères. Marie a vécu des choses difficiles : elle apprend qu’elle va être mère sans être mariée, elle met un enfant au monde dans une étable, elle vit la « fugue » de Jésus au Temple. Enfin elle est témoin de la mort de son Fils. Cela peut être un relais pour les parents qui perdent un enfant que ce soit durant la grossesse, lors de l’accouchement ou plus tard. Ils peuvent se raccrocher à Marie pour traverser cette épreuve, se confronter à cette souffrance, la traverser et puis se relever. Pour les catholiques, confier l’enfant mort à Marie peut accompagner le long cheminement de deuil.
(Propos recueillis par Sba, CP avril 2019)