La mélancolie comme prélude de la fin du monde? Avec ce film aux références et aux clins d’oeil multiples, Lars von Trier signe une oeuvre particulièrement dépressive dont l’épilogue est une une fin des temps avec la rencontre de deux planètes: la terre et celle qu’il a nommé Mélancholia.
C’est également une sorte de confinement auquel on assiste, celui d’un mariage étrange puisque c’est le « dernier » de l’humanité. En effet, alors que famille et invités règlent des comptes, lâchent leur fiel, la planète Mélancholia se rapproche peu à peu de la Terre.
C’est un huis-clos dans une magnifique propriété. La future mariée, Justine (interprétée par Kirsten Dunst – pris d’interprétation féminine du festival de Cannes 2011), fait elle référence à la pauvrette du marquis de Sade, à une apocalypse? Jean-Yves Leloup, écrivain et théologien que nous avions reçu en 2018 pour évoquer l’apocalypse, a écrit pour sa part que l’oeuvre de Sade, en poussant à l’extrême l’horreur qu’il décrit, peut être comparé à L’Apocalypse de Jean où l’Autre est nié, comme mangé. La Justine de Lars von Trier est-elle une référence à l’Apocalypse, on peut se poser la question. Est-elle une référence à Ophélie qui promène sa mélancolie et sa folie dans la pièce de Shakespeare (Hamlet)?
L’affiche du film pourrait le confirmer: elle présente Justine en robe de mariée qui glisse sur l’eau dans un style très préraphaélite, entourée de nénuphars. Autre référence: la musique de Wagner dont le romantisme fait pressentir l’inéluctabilité d’une fin dramatique comme dans Tristan & Iseult.
Ce huis-clos extrêmement bien construit n’utilise pas les ressort de la panique collective que l’on retrouve d’ordinaire dans la science-fiction. Deux planètes explosent, en somme. Dans la première partie celle de Justine et dans la deuxième partie, c’est notre planète à nous tous qui va exploser. C’est la catastrophe humaine d’une part et la catastrophe cataclysmique de l’autre.
Lars von Trier n’oublie pas les références religieuses. Le patriarche de son film est Abraham, le cheval noir. C’est aussi le père des trois religions juive, chrétienne et islamique. Et c’est par le cheval que le réalisateur fait comprendre à l’enfant que son père ne reviendra pas.
On le comprendra, Mélancholia est un film riche de symboles et de références. Le château où se déroule le mariage n’a rien de celui des contes de fées. Les apparences sont toujours trompeuses. Un mariage qui se transforme en naufrage, les illusions perdues de l’amour et, face à la menace qui approche inexorablement de la terre, chacun devra trouver le moyen d’affronter la fin du monde.
Lars von Trier nous plonge dans une expérience onirique d’une beauté stupéfiante. La scène du bain nocturne de Justine qui s’offre nue à la clarté de la nouvelle planète est saisissante. Le réalisateur met en scène un suspens à la fois intime et cosmique.
avril 2020,
Geoffroy de Clavière, Délégué général IL EST UNE FOI