Le projet de rénovation de l’église du Sacré-Cœur à Genève a été présenté, parmi d’autres, lors de la 4e Journée suisse du patrimoine religieux, à l’Université de Berne, le 17 août dernier. Thème de la rencontre : « Espaces ecclésiastiques flexibles, réaménagements actuels ». Présentations et groupes de discussion ont réuni responsables de lieux ecclésiastiques, théologiens, architectes ou encore responsables du patrimoine
Les célébrations liturgiques et les prières sont-elles encore suffisantes pour faire des églises des lieux habités ? Faut-il imaginer d’autres activités ? Et comment ?
De nombreuses paroisses expriment aujourd’hui leur volonté de pouvoir utiliser leurs espaces de manière plus flexible pour une utilisation élargie du lieu. Cela requiert des ajustements concernant la conception du lieu et de jongler entre préservation du patrimoine et innovation pour plus de flexibilité, thème de la 4eme Journée du patrimoine religieux,
Si l’on part du principe qu’une église fait l’objet d’une rénovation ou d’un assainissement majeur tous les 30 ans en moyenne, cela donne 200 rénovations par an en Suisse.
Ce chiffre n’est qu’une indication, précisent les organisateurs de la Journée, dont Johannes Stückelberger, historien de l’art et spécialiste de la reconversion des lieux de culte. Ces travaux concernent souvent l’entretien du bâtiment ou la réparation de dommages. Cependant, ils sont aussi l’occasion de restructurations et de réaménagements de taille.
« On affirme que les églises doivent être ouvertes et accueillantes. En théorie c’est une évidence, mais en pratique ce n’est pas toujours le cas », a souligné Richard Bobst, membre du conseil de la paroisse réformée de Langenthal, dont le lieu de culte a été réaménagé pour une utilisation plus flexible.
Des propos qui témoignent de la volonté de nombreux lieux d’organiser l’espace afin de répondre à de nouveaux besoins et enjeux contemporains, tels que de nouvelles formes de culte, la baisse de la fréquentation des églises ou le désir d’englober un spectre plus large d’activités, également non religieuses, pour une plus grande ouverture sur le monde. Cependant, il ne s’agit pas de transformer ces lieux en boîte de nuit le samedi soir, avant d’accueillir les célébrations du dimanche.
David Plüss, professeur de liturgie à l’Université de Berne, a éclairé la délicatesse des restructurations des lieux de culte qui engagent non seulement des éléments architecturaux, artistiques et patrimoniaux, mais aussi des questions de sensibilité religieuse. À notre époque « liquide », où le profane et le sacré se mélangent, il est important de poser la question d’une utilisation plurielle des églises.
La Journée a été l’occasion de découvrir les réaménagements, réalisées ou prévus, de six lieux de culte, tous sous le signe de la flexibilité. Outre l’église réformée de Langenthal, il s’agit de l’église catholique du Sacré-Cœur à Genève, l’église réformée de Kloten, le monastère de Hauterive, la chapelle catholique Saint-Pierre à Lucerne et l’église réformée de Felsberg.
La chapelle catholique Saint-Pierre – a témoigné Florian Flohr, responsable de l’équipe pastorale – est aujourd’hui un espace totalement libéré de mobilier fixe et que l’on peut aménager selon les circonstances. De même pour le temple de Kloten, où les bancs encombrants ont été remplacés par des bancs mobiles pouvant être déplacés selon l’usage souhaité.
L’église abbatiale d’Hauterive, près de Fribourg, bâtie en 1150, est un monument historique d’importance nationale. Un réaménagement a été pensé afin de réunir les moines et les fidèles autour de la table de la Parole et du corps du Christ, alors qu’aujourd’hui la disposition sépare les deux assemblées. « Notre longue recherche communautaire a été guidée par l’architecte Jean-Marie Duthilleul, un des spécialistes en la matière », a expliqué l’Abbé Marc de Pothuau.
Pourtant, le projet des religieux s’est heurté à la réponse négative de la Commission fédérale des monuments historiques (CFMH).
L’architecte Jean-Marie Duthilleul est aussi à l’origine de la conception du nouvel espace liturgique qui verra le jour à l’église du Sacré-Cœur, de Genève, dans la cadre d’un vaste réaménagement du lieu. L’espace liturgique sera traversé par axe sacramentel qui aligne l’orgue, l’ambon, l’autel, le baptistère et un vrai arbre, un olivier, « arbre biblique par excellence à côté d’une croix monumentale », a souligné Philippe Fleury, président de la paroisse. Les bancs seront installés face-à-face de chaque côté de cet axe sacramentel, ce qui permettra de « faire vraiment communauté ».
Les espaces intérieurs de cet ancien temple maçonnique, ont été gravement endommagés par un incendie en 2018. « Après l’incendie, une réflexion s’est donc ouverte pour savoir que faire de ce bâtiment de 150 ans. Avons-nous besoin d’une église au centre de Genève ? Quel est le sens des églises aujourd’hui ? », a questionné Philippe Fleury intervenu en vidéoconférence.
Il a donc énuméré les multiples objectifs du projet de réaménagement du Sacré-Cœur, situé au cœur de la cité : faire de cet endroit un lieu vivant 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, attirer les gens, avec notamment l’ouverture d’un restaurant, utiliser la position centrale pour rayonner, projeter ce lieu dans « les cent prochaines années, » renouveler la manière de prier et faire communauté, faire que ce bâtiment ait un sens pour Genève, soit utile pour le public, créer un lieu à usages multiples, avec des espaces modulables et flexibles. Le défi est de transformer complètement l’occupation de l’espace, « sans modifier l’extérieur du bâtiment protégé », a souligné M. Fleury, en présentant des images du chantier, des maquettes et des illustrations de la nouvelle configuration de l’espace liturgique au rez-de-chaussée et l’impressionnant puits de lumière qui va traverser les différents niveaux du bâtiment, du toit jusqu’à la crypte du sous-sol.
Sur quatre niveaux, le nouveau Sacré-Cœur comprendra aussi une salle des fêtes et de conférences, ouverte à tous en location, des salles de catéchèse, un espace multiusage dans la crypte et des bureaux. Ils seront occupés par les services pastoraux et administratifs de l’Église catholique romaine à Genève, (ECR) partenaire du projet, baptisé « Maison d’Eglise ». Les travaux devraient durer 24 mois, pour un coût estimé à environ 20 millions de CHF.
La recherche de fonds est en cours. Dans ce cadre, plusieurs visites du chantier par de potentiels donateurs, pour financer l’aménagement intérieur, ont eu lieu en août et en septembre, en présence de l’architecte chargé du projet, Christian Rivola.
Le personnel de l’ECR, prêtres, agents pastoraux laïcs et employés administratifs, a également participé à une visite guidée du chantier, futur lieu de travail ou d’activités pour nombre d’entre eux.
Le souhait de l’architecte et de son équipe est d’offrir un lieu de travail favorisant de nouvelles dynamiques, plus de synergies et d’ouverture, « en occupant la totalité des quelque 4.550 m3 du bâtiment, alors que par le passé, seul 80 % de l’espace était exploité ».
L’architecte a attentivement pris note des remarques exprimées par les agents pastoraux présents. Parmi les demandes, celles d’espaces de rangement, de lieux de rencontres respectant la confidentialité. Ou encore l’installation d’une boucle magnétique, qui facilite l’écoute pour les malentendants porteurs d’appareil auditif, et des accès adaptés pour les personnes en fauteuil roulant.
Paru dans le Courrier pastoral d’octobre 2021
Image en Une : églises flexibles ? Le projet Maison d’Eglise- Sacré-Cœur à Genève