L’atelier de couture solidaire « Plus d’un tour dans mon sac » de l’Église catholique romaine à Genève (ECR) porte à merveille ce joli nom. Et il vient d’en apporter une nouvelle preuve. Après la confection de sacs en recyclant la toile de parapluies abîmés, de bottes de Noël et de tabliers ou encore de masques de protection en tissu durant la pandémie, l’atelier a relevé avec brio un nouveau défi : la confection de lingettes démaquillantes en tissu pour une marque de cosmétiques de luxe.
« Celui-là est très agréable au toucher et la taille me semble adéquate ». « La finition des bords est importante et demande du savoir-faire ». « Comment se comporte ce tissu au lavage ? ». Dans une grande complicité et compréhension réciproque, Rachel et Laurent examinent ensemble différents modèles de lingettes cosmétiques en tissu réalisées par une équipe de couturiers de l’atelier
Rachel Nyiraneza est la responsable de l’atelier de couture de l’ECR. Baptisé « Plus d’un tour dans mon sac », l’atelier est un lieu de rencontre, de formation et de création pour des personnes en situation de précarité et avec des parcours de vie difficiles, comme celui de Rachel qui a dû quitter son Rwanda natal et se bâtir un nouveau destin en Suisse. Laurent Troillet, diplômé de l’École hôtelière de Lausanne en international hospitality management, est co-gérant de Grangettes Switzerland, une marque de cosmétiques issue du renommé établissement médical privé homonyme. Deux profils distincts, engagés dans le même projet : la réalisation de lingettes en tissu pour accompagner des lotions mises en vente par Grangettes Switzerland. Un partenariat insolite entre Église et cosmétique, entre le luxe et la solidarité.
« Nous avions besoin de lingettes pour une lotion démaquillante de notre ligne », mais au lieu de dénicher la meilleure offre sur le marché, « nous avons opté pour une collaboration avec une institution ou une association engagée dans la réinsertion professionnelle, dans une démarche qui s’inscrit dans notre philosophie et qui respecte nos valeurs éthiques. Nos recherches nous ont conduits à l’atelier de couture de l’Église catholique, découvert sur le site de l’ECR. Nous l’avons contacté à la fin de l’année dernière et le projet s’est rapidement mis en route », explique Laurent Troillet.
Depuis, il fait régulièrement le déplacement au Temple de Montbrillant, qui accueille dans ses locaux l’atelier de couture « Plus d’un tour dans mon sac » de la Pastorale des Milieux ouverts (PMo) de l’ECR. Actif depuis plusieurs années et soutenu par la Fondation Haas, l’atelier est l’un des nombreux projets mis en route par la PMo, engagée avec les personnes et les familles en situation de rue, de précarité et d’exclusion. Supervisés par Rachel, une dizaine de couturiers et couturières y confectionnent notamment des sacs à partir de tissus recyclés, mis en vente en ligne et lors de marchés de Noël ou de fêtes paroissiales. Pour Rachel et son équipe, la commande de Grangettes Switzerland est une fierté et un défi. Tout est mis en œuvre pour livrer des lingettes de qualité. Ce matin, Rachel présente à Laurent les modèles d’étuis en tissu imaginés pour ranger les lingettes. Le ronronnement des machines à coudre parvient de la salle voisine où se poursuit le travail pour couper et assembler les différentes parties qui composent les lingettes. Un couturier en apporte des nouvelles réalisées avec un nouveau tissu.
Laurent Troillet est très satisfait du partenariat avec l’atelier de la PMo. « Notre souhait était d’avoir des produits de qualité, réutilisables, esthétiques, agréables et efficaces à l’usage, avec le souci du détail et j’ai été tout de suite impressionné par la capacité des couturiers de répondre à ces exigences et par leur savoir-faire. Le courant est très vite passé avec l’équipe. J’ai vu l’enthousiasme des personnes et une bonne dynamique », témoigne-t-il. Et d’ajouter : « Lors des premiers rendez-vous, j’ai observé une certaine crainte associée à la pression de devoir répondre à la demande d’une entreprise commerciale, mais elle a été dépassée et nous sommes entrés dans une belle dynamique de collaboration en apportant chacun ses compétences », souligne le co-gérant en évoquant la pluralité qui caractérise la PMo, service catholique présent dans un temple protestant. « Ce lieu de cohabitation, où c’est le bien commun qui prime, est une valeur ajoutée de cette belle collaboration ».
Pour Rachel Nyiraneza, couturière aujourd’hui à la retraite, c’est la récompense de mois de travail pour former ses couturiers. Et pour Inès Calstas, animatrice pastorale de l’ECR responsable de la PMo, c’est « un véritable cadeau du ciel, inespéré et inattendu. Parfois, je trouvais que Rachel était trop exigeante et qu’elle corrigeait des détails. Mais c’est surtout grâce à elle qu’autant de progrès ont été possibles et que nous en sommes là », souligne Inès.
Les lingettes de l’atelier « Plus d’un tour d’un mon sac » sont désormais disponibles ! La quantité produite est limitée, mais Laurent Troillet n’exclut pas d’autres collaborations avec l’atelier.
Les lingettes en tissu sont un produit complémentaire de la lotion démaquillante et sont en vente sur le site de vente de Grangettes Switzerland. Pour la marque, il ne s’agit pas d’une démarche commerciale et le bénéfice des ventes des lingettes sera entièrement versé à l’atelier de couture. « Nous espérons aussi donner une plus grande visibilité à cet atelier et inciter d’autres entreprises à faire appel à ses couturiers ».
Improbable, la collaboration entre l’ECR et Grangettes Switzerland est aussi un clin d’œil qui s’inscrit dans l’histoire de la Clinique des Grangettes et de la gamme de soins pour le visage et le corps.
Fondée en 1933, la Clinique a été gérée par les religieuses de Menzingen de 1957 à 1978. Au fil des années, ce sont les religieuses soignantes qui ont développé des préparations de crèmes et de soins corporels utilisées auprès des patients. En 2013, plusieurs spécialistes de la Clinique des Grangettes ont décidé de perpétuer ce savoir-faire en créant une nouvelle ligne de soins cosmétiques. Aujourd’hui, Grangettes Switzerland est séparée de la Clinique, tout en restant liée à l’histoire de l’établissement.
Paru dans le Courrier pastoral (septembre 2023), mis à jour le 18 septembre