L’épidémie du coronavirus enflamme les peurs, bouleverse nos habitudes et donne à nos vies des airs de fin des temps.
C’est un thème parfait pour le cinéma !
En 2018, nous avions programmé un thème fort pour les Rendez-vous cinéma IL EST UNE FOI: APOCALYPSE Ce cinquième et dernier livre du Nouveau Testament, rédigé par Saint Jean, en exil à Patmos, est le résultat de ses visions, l’expression de sa propre apocalypse. Nous vous proposons une série d’articles qui relatent cette programmation avec des films qui semblent particulièrement actuels dans notre situation de pandémie, de confinement et, en définitive, de grande interrogation sur notre avenir. Les auteurs, les cinéastes ont toujours sondés notre monde pour y déceler ses dérives et attirer ainsi notre attention sur les excès de notre société. Mais sont-ils entendus ?
Contrairement à son utilisation usuelle, l’apocalypse n’est pas synonyme de fin du monde. En grec, « apokalypsis » signifie révélation, dévoilement. Ce qui doit être découvert se situe dans des futurs possibles, et le présent en contient les germes. Dans le livre de l’Apocalypse, Saint Jean prophétise un combat entre le bien et le mal, dont l’issue mettra fin à l’ère actuelle et dont les signes annonciateurs se trouvent dans un livre scellé par 7 sceaux. La vision biblique de l’apocalypse contient ainsi l’idée d’un décodage, de messages cachés, de prophéties, mais aussi celles d’une punition (divine ou non) et de changement.
Les metteurs en scènes et scénaristes n’ont pas hésité à s’emparer du thème pour produire des histoires plus ou moins heureuses, d’ailleurs.
Parmi ces thèmes, celui du virus trouve, bien entendu, sa place. Une place de choix. Nous passerons sur les multiples films de zombies et de sujets post-apocalyptiques, souvent médiocres (mais pas toujours) pour resserrer autour de celui du « pur virus » et de la contagion, sans éviter quelques perles dystopiques que nous avions programmées durant cette 4è édition.
A l’heure de la pandémie bien réelle et non fictive que nous connaissons actuellement, le film de Steven Soderbergh, Contagion, sorti en 2011, de façon plus ou moins anonyme fait l’objet d’un regain d’intérêt tout à fait pertinent (Actuellement en tête des films les plus téléchargés). Outre son casting ‘5 étoiles’ : Matt Damon, Jude Law, Kate Winslet, Gwyneth Paltrow, Marion Cotillard et Laurence Fishburne (excusez du peu…), le scénario est lourdement prémonitoire. En effet, de retour d’un voyage d’affaire en Asie (déjà), une femme meurt subitement, suivie rapidement par le décès de son fils qu’elle a infecté. C’est le début d’une course contre la montre à l’échelle mondiale, identique à celle que nous connaissons en ce moment.
De notre côté, la 4è édition des Rendez-vous cinéma de l’ECR, IL EST UNE FOI, avait programmé Soleil vert (Richard Fleisher, 1973). En 2022, le monde est menacé par la surpopulation, la pollution, l’effet de serre et l’épuisement des ressources naturelles. A New York, quarante millions d’habitants dont beaucoup de chômeurs et sans-abris subsistent grâce aux nourritures synthétiques fabriquées par la société Soylent.
Au contraire de tant de films de science-fiction au charme suranné, Soleil vert a conservé toute sa force, dès son inoubliable montage introductif. La première raison en est la pertinence de sa vision apocalyptique, que rien n’est venu mettre en cause, malgré tous nos « progrès ». Une autre est l’accent placé sur la cohérence du scénario et les personnages plutôt que sur un design futuriste qui aurait vite paru daté. Un récit de type « film noir », de lointains échos du Romantisme et de la Shoah s’invitent dans cet avenir dystopique. Sans oublier le final aux accents christiques.
« Les racines de la crise écologique sont culturelles, psychologiques et spirituelles », affirme Michel Maxime Egger, sociologue et écothéologien. Il fut l’invité d’IL EST UNE FOI le samedi 5 mai 2018 pour le débat qui suivait la projection de « Soleil Vert » (Richard Fleischer).
IL EST UNE FOI : Sorti en 1973, le film « Soleil vert » raconte une ville de New York en 2022 surpeuplée, pauvre, déshumanisée. Sombre prophétie ou science-fiction ?
Michel Maxime Egger : Nous sommes presque en 2022, et New York dans cinq ans ne ressemblera pas à la ville dépeinte dans « Soleil vert ». Qu’on le lise comme prophétie ou science-fiction, le film n’en reste pas moins très actuel, dans le sens où il symbolise avant tout une réalité intérieure, l’état d’une société devenue hors sol, complètement déconnectée de la nature et par là-même déshumanisée. « Soleil vert » offre une formidable méditation sur le rapport aux nourritures comme lieu originaire de l’éthique et du spirituel.
IL EST UNE FOI : Comment la spiritualité peut-elle nourrir la réponse aux défis écologiques de notre temps ?
Michel Maxime Egger : Les racines de la crise écologique sont culturelles, psychologiques et spirituelles. Elles ont à voir avec une représentation de la nature qui a été réduite à un stock de ressources, une posture anthropocentrique de l’être humain qui s’est placée en-dehors et au-dessus de la nature, un mode de connaissance centré sur la rationalité logique, une désorientation de notre puissance de désir vers des réalités de l’ordre de l’avoir. L’enjeu n’est pas seulement la protection du milieu naturel, mais la transformation du milieu culturel, psychologique et spirituel qui sous-tend le système économique – croissanciste, productiviste et consumériste – qui détruit la planète. Il s’agit, comme le dit le pape François dans l’encyclique Laudato si’, « d’oser avancer dans une révolution culturelle courageuse ». La spiritualité offre des pistes essentielles pour réenchanter la nature en lui redonnant une âme, restaurer le lien ontologique entre l’être humain et la nature, développer un mode de connaissance intégral qui redonne sa place à la contemplation et à l’éveil des sens, réviser notre idéal d’accomplissement humain à travers une réorientation de notre puissance de désir vers des réalités de l’être.
MICHEL-MAXIME EGGER
Sociologue (UNINEU)
Sociologue et théologien, Michel Maxime Egger est auteur de plusieurs essais sur l’écospiritualité et l’écopsychologie. Il est responsable du laboratoire de la « transition intérieure » à Pain pour le prochain. Il est co-directeur de la collection « Fondations écologiques » aux éditions Labor & Fides et anime le réseau trilogies.org