Le 29 juin, l’Église catholique fête, en même temps, les apôtres saint Pierre et saint Paul. A cette occasion, nous vous proposons un texte de l’abbé Alain René Arbez.
Depuis les premiers temps de l’Eglise, y compris durant les persécutions, des pèlerins se sont rendus à Rome pour vénérer les « mémoires des apôtres Pierre et Paul » (« limina apostolorum »).
Ce serait une erreur de penser que c’est seulement avec Constantin en 313 que le mausolée édifié à la mémoire de Pierre aurait commencé à attirer les croyants. Une tradition immémoriale affirme que Pierre et Paul sont morts martyrs à Rome, ce qui explique qu’ils ont été fêtés ensemble comme les deux piliers de l’Eglise. Ce n’est pas un hasard si la basilique St Pierre a été initialement construite sur le mont appelé Vatican, à l’emplacement de la sépulture de l’apôtre Pierre. A noter qu’aucune voix ne s’est jamais élevée dans l’antiquité pour contester la validité de la tradition ( = transmission) autour de cette conviction ancienne.
C’est une croyance des temps modernes que de croire que seules les découvertes archéologiques puissent authentifier la validité d’un culte mémoriel localisé et générant une tradition dévotionnelle. (Le même débat suspicieux existe en Israël par rapport à des lieux bibliques célèbres illustrés par les Saintes Ecritures).
Des témoignages anciens existent pour conforter le fait que la sépulture de Pierre se situe à Rome : l’épître aux Corinthiens de Clément de Rome et l’épître aux Romains d’Ignace d’Antioche. Clément, d’origine juive, évêque de Rome, écrit aux Corinthiens dans la dernière partie du 1er s. pour évoquer la multitude des fidèles qui ont été mis à mort à Rome durant la persécution féroce de Néron, et en particulier les apôtres Pierre et Paul. Quant à Ignace, évêque d’Antioche, il écrit aux Romains au début du 2ème s. et il cite les martyrs Pierre et Paul de manière conjointe, en se préparant à leur rendre témoignage par sa propre mise à mort atroce qui surviendra à Rome même peu après.
La tradition du martyre de Pierre associé au lieu de sa sépulture repose sur des bases significatives, car les Annales de Tacite indiquent que Néron organisait les crucifixions et les décapitations en chaîne dans le circus maximus. On imagine que, parmi d’autres, la croix de Pierre a été placée sur cet espace dédié au spectacle morbide des condamnés agonisant.
En ce qui concerne la tradition du lieu de sépulture de Pierre, l’historien Eusèbe aborde le sujet dans son œuvre lorsqu’il donne la parole à un certain Gaïus qui désigne les « trophées des saints apôtres » au Vatican. Les trophées ne sont pas que de simples monuments commémoratifs. Le terme vient du grec « tropaïon » qui veut dire « monument de victoire » spécialement approprié à un martyre assumé par fidélité au Christ.
C’est ainsi que se manifeste très tôt l’affirmation que Pierre avait sa tombe au Vatican, comme Paul avait la sienne sur la voie d’Ostie.
En 1940, le pape Pie XII décida d’entreprendre des fouilles dans le sous-sol de la basilique St Pierre. On y découvrit les vestiges de la première basilique érigée par Constantin dans des conditions difficiles car située sur un promontoire utilisé comme cimetière. Tout aurait dû inciter l’empereur à ne pas choisir ce site, mais la tradition du tombeau de Pierre déjà présente à son époque l’a motivé à privilégier ce lieu chargé d’histoire. Constantin n’a pas « inventé » la mort de Pierre et son tombeau à Rome dans des perspectives personnelles de pouvoir, car la tradition préexistait bien avant lui, durant les catacombes et les persécutions successives.
Les fouilles ont ainsi montré que l’autel central de la basilique St Pierre avait été installé par Constantin sur le lieu attribué au mémorial de l’apôtre. Lorsqu’à la Renaissance l’imposante construction d’un nouvel édifice promue par Jules II a remplacé la première basilique, on a précieusement préservé le même emplacement pour l’autel central afin de garder le lien avec le tombeau de Pierre.
En résumé, il est tout à fait crédible de penser que Pierre vint à Rome au 1er s. Il y subit le martyre sous le règne de Néron dans les jardins du Vatican près du circus maximus. La présence de nombreuses tombes chrétiennes postérieures au milieu d’un cimetière païen accrédite l’idée que c’est autour du mémorial de Pierre qu’elles avaient désiré trouver place.
On comprend pourquoi Pierre et Paul sont depuis si longtemps célébrés ensemble par l’Eglise dans une même commémoration.
Abbé Alain René Arbez, 2023