Apprécié notamment pour ses homélies soignées et son sens de la liturgie, le chanoine Pierre Jaquet, curé modérateur et recteur de la Basilique Notre-Dame, part à la retraite à la rentrée, au terme de 42 ans de ministère sacerdotal, dont 16 à la Basilique Notre-Dame. Il témoigne.
Avant d’être nommé curé de la Basilique Notre-Dame, Pierre Jaquet en avait une représentation peu attrayante : « un lieu un peu poussiéreux, avec des pratiques religieuses bien traditionnelles. Mais je ne la connaissais pas vraiment ! », raconte-t-il. Le regard du curé a rapidement changé.
En arrivant à la Basilique, j’ai essayé de la connaître et la comprendre en faisant confiance aux personnes du lieu. D’abord, je les ai écoutées. Mon souhait était de collaborer, notamment avec les laïcs, et de constituer un groupe de paroissiens dans une dynamique proche de ce qu’est aujourd’hui une Équipe pastorale. Je suis profondément reconnaissant du travail réalisé et de la fidélité de ces personnes motivées pour une pastorale de collaboration, de coresponsabilité et de proposition.
La Basilique occupe une position unique au milieu du brouhaha urbain, elle offre un havre de paix à toute personne qui y entre. L’intérieur dégage une atmosphère qui exprime un langage universel de paix. Cet édifice d’art est bienfaisant, beau et populaire, il conforte et rassure. La statue de Notre-Dame au-dessus de la grande porte, comme au cœur du sanctuaire, montre une dame avenante qui renvoie à un au-delà de paix que chacun porte en lui-même.
La Basilique est aussi un lieu significatif pour la prière et la vie sacramentelle de proximité qui s’y déroule, avec de nombreuses messes – entre deux et quatre par jour en semaine, huit le weekend, dont cinq animées avec du chant et l’orgue -, la prière quotidienne du Rosaire, un horaire étendu pour les confessions ou encore l’adoration du Saint-Sacrement. C’est une église centrale, à la fois au service d’une communauté, des gens de passage et de l’Église de Genève. Elle est un lieu important pour les Genevois, en particulier pour les catholiques. Des fidèles d’une très grande diversité culturelle s’y rassemblent nombreux. En complémentarité avec la paroisse de la Sainte-Trinité (rue de Lausanne), où se déroulent par exemple les messes des familles, la Basilique propose régulièrement sorties, pèlerinages, conférences, temps forts pastoraux. Il y a donc une belle complémentarité entre les deux communautés qui constituent la même Unité pastorale (UP), avec une attention aux cinq EMS sur le territoire de l’UP.
En tant que pasteur, trois orientations se sont révélées bénéfiques. La première est la collaboration : devant l’afflux des fidèles, j’ai voulu développer une pastorale de collaboration, de participation et de proposition. La deuxième est la mise en valeur du bâtiment en tant que lieu spirituel, de son histoire et de ses arts, comme la mise en place du polyptyque des vingt mystères du Rosaire ou les mosaïques du Chemin de joie. La troisième est la dimension narrative qui s’est développée au fil du temps. J’ai rédigé huit livres pour raconter ce qui se vit à la Basilique, une narration aux multiples facettes auxquelles s’identifier : plus de 1.500 pages qui reprennent les moments marquants du vécu pastoral, l’actualité de la Parole de Dieu dans les homélies, les instants d’éveil qui font mieux connaître le pasteur que je suis. Durant la pandémie j’ai aussi enrichi ce récit par la réalisation de nombreuses vidéos.
Je suis vraiment reconnaissant à l’ensemble des collaborateurs : en plus du dévouement des employés (sacristains, secrétaire, personnel de la cure, organistes), 200 bénévoles, aux visages de tous les continents, animent les nombreux services : l’accueil à la Basilique (présence lors des liturgies et en dehors des messes, écoute et orientation des demandes sociales), la vie liturgique (grand clercs et servants de messe, lecteurs, distribution de la communion, art floral liturgique, chantres et chœur de Notre-Dame), l’organisation régulière d’apéritifs, la crèche de Noël, mais aussi pour la catéchèse, la communication, l’entretien, l’administration, etc…
Arrivé au terme de mon mandat, je me vois en ce moment comme un fruit prêt à se détacher de l’arbre, parce qu’il a bien mûri. La retraite ne va pas arrêter ma vie de prêtre. Je me réjouis de devenir un confrère disponible, par exemple pour célébrer l’Eucharistie quand surgit un imprévu dans une paroisse ou encore de proposer aux personnes intéressées de vivre quelques moments spirituels, comme une rencontre d’échange ou une journée spirituelle découverte avec un déplacement en car. Les deux, trois prochaines années seront d’abord un temps de transition pour lequel je n’ai pas de programme précis. L’espace qu’il ouvre suscite ma curiosité. J’ai confiance dans le Seigneur. Il saura me guider.
J’aime beaucoup le récit des noces de Cana. Il y a une grande inquiétude chez les organisateurs de la noce : le vin commence à manquer. Marie dit aux serviteurs : « Faites ce qu’il vous dit ! ». Ce que Jésus commande semble facile. Mais pas évident pour les domestiques qui se trouvent seulement devant une grande quantité d’eau. Pourtant l’eau devient un excellent vin ! C’est tout l’apprentissage de la foi qu’il faut intégrer.
Dieu ne nous trompe jamais et ne se trompe jamais, à condition d’accueillir sa Parole là où il semble n’y avoir qu’une immense étendue d’eau. Et à Genève l’eau ne manque pas avec le lac !
Dans nos sociétés, la sécularisation rapproche aujourd’hui le sujet humain de son autodétermination, de sa capacité de devenir toujours plus lui-même l’auteur de ses propres décisions. Cette « eau » a un haut potentiel d’ouverture et de mobilisation à une parole qui vient d’ailleurs et qui donne sens à la vie. Le cœur humain est aujourd’hui une opportunité pour l’action de Dieu : celle de sa Parole et de l’Esprit qui souffle. Le défi pour l’Église est d’éveiller les femmes et les hommes de notre temps à cette Bonne nouvelle : que l’eau de leur vie peut devenir vin, fête, alliance, vie en abondance, grâce à la Parole et à l’Esprit transformateur, « vinificateur » de Dieu.
SD&C, paru dans le Courrier pastoral n° 6 juin 2022
Pierre Jaquet naît à La Chaux-de-Fonds en 1952 : « Enfant j’étais touché par la ferveur liturgique notamment lors des messes du dimanche » et « très vite j’ai su à l’intérieur de moi que le mystère de Dieu était vrai ».
Engagé en paroisse, le sacerdoce se profile au fil des ans comme « l’un des possibles ». Il entre au séminaire en 1972. Il commence son ministère dans le canton de Genève, à la paroisse Sainte-Thérèse (Champel) durant un an où il est ordonné prêtre en 1980, puis à la paroisse de la Visitation (Meyrin), durant trois ans, avant d’être nommé curé à Saint-Marc (Onex) où il restera six ans.
En 1989, il est appelé au Locle, Les Brenets, Le Cerneux-Péquignot comme curé (« une expérience qui m’a permis de me retrouver un peu plus près de ma famille »). Il réalise une thèse de doctorat sur l’éloignement de la catéchèse au cours de l’adolescence (2001) à la Faculté de Sciences Humaines de l’Université de Neuchâtel. Il devient responsable de la Formation des prêtres et agents pastoraux laïcs pour la Suisse romande et directeur du Centre de catéchèse du canton de Vaud, durant trois ans.
En 2006, l’abbé Pierre Jaquet est nommé curé de la Basilique Notre-Dame à Genève, puis en 2009, curé-Modérateur de l’UP Mont-Blanc et recteur de la basilique Notre-Dame.
Image en couverture de l’article, l’abbé Pierre Jaquet, curé de Notre-Dame