L’Eglise est composée de nombreux visages. aujourd’hui nous vous proposons le portrait d’un bénévole, qui capitalise un palmarès impressionnant d’expérience de vie, d’engagements et de foi.
La porte du jardin que je pousse m’offre comme le chant d’une guimbarde. Je me faufile sur le petit chemin jonché d’arbustes et de fougères. Quelques chats décoratifs me souhaitent la bienvenue. Je sonne, la porte s’ouvre ; je suis attendue par le couple Danièle et Albert Baumgartner.
L’un et l’autre font la paire. Aujourd’hui Albert accepte de se laisser peindre le portrait avec le pinceau des mots sur la toile du temps, de son temps à lui. Nous nous installons dans la véranda, véritable oasis qui donne sur un jardin aussi sauvage qu’entretenu. Les oiseaux sont à la fête dans la maisonnette qui leur est destinée, deux écureuils viennent régulièrement s’y frotter. Cette nature fait l’émerveillement d’Albert.
A quatre-vingts ans, il capitalise un palmarès impressionnant d’expérience de vie, d’engagements et de foi. Passionné par plein de domaines, il sait faire profiter son entourage de ses convictions et de son savoir-faire, engagé dans plusieurs mouvements et associations, dans la société et dans l’Eglise. Sans nourrir une ambition démesurée, il briguera souvent le rôle de président.
A la question : pourquoi vous levez-vous le matin ? Albert reconnaît sa chance de pouvoir se lever sans trop de courbatures, une grâce à son âge, relève-t-il. Après le rituel tranquille du petit déjeuner, celui de la lecture de la Tribune est incontournable. Citoyen, il l’est jusque dans l’âme. Tout en prenant les nouvelles du monde, il s’arrête volontiers à la page des avis de décès : se tenir au courant c’est prendre soin, même si cela paraît cynique.
A l’âge de 13 ans Albert affiche un côté original et dévoile des signes précoces de capacité de leadership. Avec deux ou trois copains, en même temps voisins, il fonde le club ʺdes optimistesʺ. En chef de troupe, il organise des excursions. Animé d’une insouciance, qui correspond avec cette époque, il emmène ses camarades, pour deux jours, aux Rochers de Naye, et ailleurs, avec tous les moyens de locomotion disponibles.
Dans la continuité de son dynamisme, Albert est projeté dans le mouvement des scouts où il deviendra chef d’équipe chargé d’encadrer 300 jeunes. Mouvement chrétien, Albert y est sensible et s’engage comme servant de messe à la paroisse Saint Antoine jusqu’au grade de cérémoniaire. Il en garde de bons souvenirs. S’il aime le faste des cérémonies religieuses, par-dessus tout, c’est la musique qu’il apprécie et particulièrement l’orgue qu’il vénère. Enfant, il écoutait des morceaux diffusés par la radio et imitait, avec ses doigts sur la table, les jeux d’orgue. Il regrette de ne pas avoir appris la musique mais il ira à sa rencontre jusqu’à Leipzig, où il s’est assis près de la tombe de Jean-Sébastien Bach.
Au collège Saint-Louis, il rumine l’idée de s’orienter vers la prêtrise. Un des pères enseignant l’a découragé en mettant en avant le fait qu’il est nécessaire que des laïcs s’engagent dans le monde. Ils peuvent faire autant de bien. Les langues se sont assez vite imposées à Albert. L’allemand, le français et le latin n’auront plus de secret pour lui après de nombreuses années d’enseignement. Pourquoi l’allemand ? Ses origines en donnent une première explication : il est de père St-Gallois et de mère Thurgovienne émigrés à Genève. La deuxième explication vient de son éducation. Albert relève la sévérité de son père qui lui imposait des exigences pour l’amener à être parfaitement bilingue, alors que ses camarades s’adonnaient à leurs jeux favoris les jours de congé. Aujourd’hui, il lui en est encore reconnaissant.
Enseignant au cycle des Voirets pendant 42 ans et finalement Doyen plusieurs années, il relève la richesse de cette période. Jamais emprunté pour inaugurer de nouvelles initiatives, il met en place des échanges de classes très appréciés avec St-Gall et avec l’Allemagne. En parallèle de son activité, Albert s’adonne à de nombreuses occupations. Il sait goûter à la vie, accompagné et soutenu par son épouse Danièle, rencontrée dans le scoutisme. Le curé Bouchardy, intéressé par le dynamisme de ce jeune couple, leur trouve un appartement situé dans le quartier des Palettes en pleine expansion.
Avec quelques amis, les Baumgartner fondent la paroisse de la Sainte Famille, au cœur de ce nouveau quartier. Les Cordeliers viendront animer cette paroisse et d’autres prêtres leur succéderont. Après quelques années, la fusion est annoncée avec la paroisse du Grand-Lancy. Albert s’engagera comme président de ce que l’on appelait à l’époque, le Conseil de communauté. Parlant de naissance, deux garçons feront la joie du couple, Damien et Xavier. Coup dur, en 2009 Xavier décèdera subitement à l’âge de 30 ans. Incroyable force, Albert et Danièle ont puisé dans la foi pour surmonter cet évènement tragique. Ils ne se sont pas laissé abattre, et maintenant deux petites-filles les tirent du côté de la vie et de l’espérance, il faut tenir.
Albert aime l’ouverture. Ses engagements en Eglise l’amènent à participer au colloque européen des paroisses. Il y participe comme traducteur. Curieux et intéressé, cela lui permet d’élargir ses horizons. Présent à l’Equipe pastorale de notre Unité pastorale, il ne manque jamais de nous rappeler des dates historiques importantes. Il en est la mémoire et c’est rassurant. Il apprécie les lieux de réflexion où il peut se ressourcer, le BED (Baptisés En Dialogue) en est un. Albert reconnaît la chance d’avoir rencontré des prêtres qui ont eu la faculté de lui donner une image positive de la foi à travers leur action mais aussi leur prédication. Il apprécie, aujourd’hui, ce que nous vivons dans notre Unité pastorale. Ses intérêts, aussi étendus que variés n’ont pas de frontière, ni ecclésiales, ni sociales.
Ses engagements suivent son âge. Il a présidé le club de gym de Lancy à l’époque où l’un de ses garçons en faisait partie ; depuis sa retraite il préside le groupe des aînés de Plan-les-Ouates. De la passion du jardin au saut dans un train, il n’y a qu’un bond. L’entretien du jardin le ressource, le voyage en train, surtout à vapeur, lui donne de réelles sensations de bonheur et d’évasion. Avec l’Orient express, de Paris à Istanbul, le Transsibérien, de Berlin à Moscou, il nourrit la nostalgie des trains à vapeur. Boulimique, avec Danièle, il profite de toutes les opportunités pour se nourrir de la culture dans les domaines de la musique, du théâtre, du cinéma, …
Portraits de chez nous Témoignage recueilli par Catherine Menoud, paru sur le site de l’Unité pastorale Rives de l’Aire