Suzanne Bruchez est parmi les aînés de notre communauté, qui se sont engagés et ont porté (et portent encore!) nos paroisses avec passion. Catherine Menoud a recueilli son témoignage. Un portait de chez nous, en Église.
Suzanne est née à Alger, près du port. Son enfance est bercée par cette toile naturelle devant laquelle elle passe du temps à rêvasser. De cette période, elle garde de beaux souvenirs. À l’approche de ses dix ans, la guerre d’Algérie éclate. Elle vit alors une longue période d’angoisse. L’Algérie devient indépendante, à l’issue d’une guerre de 8 ans contre la présence coloniale française.
À Alger, elle habite un immeuble dans un quartier à majorité musulmane. Si la cohabitation est bonne, elle se souvient que le you-you des femmes signalait qu’un Européen avait été abattu. Les Français, chahutés à cause de leur identité, doivent quitter ce pays qu’ils aiment tant pour un autre qu’ils ne connaissent pas. On les appelle les « pieds-noirs » et Suzanne fait partie de cette population exilée en France.
Le 8 août 1962, le cœur gros, elle prend le bateau avec sa famille pour quitter son pays, ses racines. Si elle n’a pas vécu de bombardements, elle a été témoin d’attaques dans la rue, d’explosions dans des cafés, dans des bazars… Elle relève combien le corps garde en mémoire de telles violences.
En même temps, chargée de nostalgie, Suzanne est très heureuse d’avoir eu cette vie, reconnaissant l’opportunité d’avoir côtoyé différentes cultures à travers des rencontres avec des musulmans, des juifs, des chrétiens. Elle se souvient des fêtes marquées par le sens de l’ouverture et de la solidarité. En 1967 elle retourne en Algérie comme enseignante. Dans les années 70, elle revient en France, puis arrivera à Fribourg où elle poursuivra son expérience d’enseignante à l’Institution des Buissonnets. (La fondation Les Buissonnets soutient et accompagne des enfants, des jeunes et des adultes ayant des besoins éducatifs particuliers et en situation de handicap).
Elle rencontre son futur mari, Georges, dans un groupe d’amis cosmopolite. L’amour les engage l’un et l’autre, et les évènements s’enchainent : c’est le mariage et l’installation à Genève, là où Georges trouve un poste d’enseignant.
La naissance des enfants, Anne et Benoît, s’inscrit dans le cœur de Suzanne comme un moment très heureux. Pour eux, elle cesse son activité professionnelle. Mais lorsque ses enfants sont en âge de faire du caté, Suzanne s’interroge. Elle porte le souci de leur éducation religieuse désirant pour eux une spiritualité adaptée à ses convictions, à savoir qu’on leur inculque l’image d’un Dieu de beauté et de bonté. Ce sont ses valeurs, elle n’a pas envie qu’on raconte n’importe quoi à ses enfants !
Remarquée par ses interventions, elle a été sollicitée pour répondre à l’appel de l’Église, en vue d’un engagement professionnel au service de la transmission de la foi. Elle se forme à l’Institut de Formation aux Ministères. Engagée au Service Œcuménique de catéchèse à Genève, Suzanne continue à former des catéchistes et assure des rencontres de caté avec les enfants de la paroisse. Elle découvre la passion de l’étude des Écritures et se dit chanceuse d’avoir eu l’opportunité de les redécouvrir et de les approfondir. Elle exprime également le bonheur d’avoir pu éveiller des parents, des catéchistes et des enfants à cette Parole dont le trésor est inépuisable.
Lorsque la retraite a sonné, il y a quelques années de cela, Suzanne a répondu à des appels comme la participation à la réflexion et à l ’animation d’une catéchèse intergénérationnelle dans une paroisse, la participation à un groupe d’échange sur la Parole de Dieu.
Elle a également continué, quelques années durant, à s’investir dans l’animation de rencontres bibliques œcuméniques au niveau romand. Elle a trouvé là un réel lieu d’épanouissement tant dans le groupe de préparation que dans les groupes paroissiaux qu’elle animait.
Entre temps la famille s’est agrandie avec l’arrivée de cinq petits-enfants : cadeaux de la vie. Suzanne et Georges profitent de leur présence en les accueillant, à tour de rôle, semaine après semaine, tout en poursuivant leurs engagements respectifs en Église.
Tout au long de son parcours, Suzanne s’est toujours sentie appelée et investie d’une mission. Elle trouve alors des lieux d’inspiration et des moyens de ressourcement. Les chants de Taizé en font partie ; ils sont des refrains comme des mantras atteignant les profondeurs de l’âme. Puis le décès de Georges, son mari, est pour Suzanne une nouvelle étape dans sa vie, c’est un nouveau tournant. Mais les belles valeurs mises en place tout au long de leur vie à eux deux sont comme un rocher inébranlable.
En relisant son parcours, Suzanne repère les traces aimantes de la présence de Dieu. Avec l’âge, elle dit prendre davantage conscience du sens de l’abandon en Dieu et elle en ressent de la sérénité.
Témoignage recueilli par Catherine Menoud (juin 2022) pour l’UP Rives de l’Aire, adapté par SD&C