Chaque année, un jour *est consacré à la mémoire de la Shoah.
En tant que chrétiens, nous sommes invités à nous y associer pour rendre hommage aux innombrables victimes innocentes du nazisme, éliminées de la face de la terre entre 1939 et 1945 uniquement parce que juives.
Il y a quelques années, j’accompagnais un groupe de 200 enseignants genevois et vaudois au camp d’extermination d’Auschwitz Birkenau, en Pologne, venus effectuer un voyage mémoriel sur ce lieu terrifiant. Ici, dans les années sombres, les trains se succédaient jour et nuit pour y déverser des femmes, des enfants, des personnes âgées, de confession juive. Tous destinés à être asphyxiés par le gaz zyklon et ensuite brûlés à la chaîne dans les crématoires.
Dans un moment de recueillement avec tout le groupe, j’ai pu chanter le kadish avec le grand rabbin au pied de la stèle qui évoque tous ceux et toutes celles qui ont subi cette tuerie industrielle en raison de la folie meurtrière d’un dictateur satanique.
Nous avons évoqué les malheureuses victimes des camps d’extermination, mais aussi celles de la shoah par balles, exécutions sommaires omniprésentes en Europe occupée. Cette « endlösung » – solution finale – avait été décidée, planifiée et organisée, grâce à des relais antisémites actifs, des complaisances et des complicités à tous les niveaux, y compris dans les milieux chrétiens de l’époque.
Après la guerre, les Eglises catholique et protestante ont pris la mesure de la catastrophe à laquelle elles avaient contribué au fil du temps par des doctrines antijudaïques éloignées de la réalité biblique, et hostiles par là même à l’humanité.
L’Eglise catholique a donné une place de premier plan à cette repentance lors du Concile Vatican II, sous l’impulsion du pape Saint Jean XXIII, à l’écoute de l’historien juif Jules Isaac, invitant les chrétiens à passer de l’enseignement du mépris à une estime fraternelle fondée sur un patrimoine spirituel commun.
Par la suite le pape Saint Jean Paul II a déployé un effort de réconciliation considérable, illustré par des gestes concrets et par des documents magistériels de première importance. Ses successeurs ont poursuivi dans cette voie.
Faire mémoire de la Shoah est certes un regard respectueux envers les victimes du passé. Mais c’est aussi un signal pour le présent et pour l’avenir. Car il est évident que l’antisémitisme continue de se manifester, par des menaces et des agressions émanant de milieux fanatiques haineux, présents en Europe, que les politiques ont bien de la peine à maîtriser.
Les chrétiens ainsi que les humanistes éclairés ont donc un devoir de mémoire, mais aussi de vigilance à exercer, afin que les jeunes générations comprennent que ce qui se cache derrière la haine du peuple juif est une menace pour l’humanité elle-même. L’Eglise catholique encourage toutes les initiatives qui cherchent à construire la paix dans la vérité.
Les rencontres judéo-chrétiennes sont une voie parmi d’autres pour avancer dans cette direction. Cela passe par la défense des valeurs fondatrices issues du Décalogue, patrimoine spirituel commun, qui ont tant apporté à la civilisation et qui guident encore l’espérance d’un monde à visage humain dans les périodes tourmentées que nous traversons.
Abbé Alain René Arbez,* janvier 2022
Membre de la JRGK (jüdisch-römisch-katholische Gesprächskommission – Université de Lucerne) mandat des évêques suisses et de la fédération israélite suisse.
*Mémoire de la Shoah:
Chaque année le 27 janvier, le monde rend hommage à la mémoire des victimes de l’Holocauste . La date marque l’anniversaire de la libération du camp de concentration et d’extermination nazi d’Auschwitz-Birkenau par les troupes soviétiques le 27 janvier 1945, et a été officiellement proclamée Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste par l’Assemblée générale des Nations Unies le 1er novembre 2005.